Voir Paris - 3

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 La bière ne parvenait pas à lui faire oublier que Mariusz était resté avec son ancien partenaire. Il savait qu'il y en avait eu d'autres avant lui, mais il n'en avait jamais rencontré un seul. Ils n'étaient que des fantômes du passé, pas vraiment réels. Or, Aristide était là, à Paris, en chair et en os, dans une enveloppe plutôt séduisante. Bon, côté caractère, il semblait être une vraie plaie. Comment le capitaine avait-il pu s'attacher à un énergumène pareil ? Il faisait tourner son bock entre ses mains, jusqu'à se renverser de la bière sur les doigts. Il le posa alors avec irritation.

— J'en connais un qui est vexé, le taquina Sabine.

Il lui répondit d'un regard noir.

— Il a dit qu'il arrivait il y a dix minutes, grommela-t-il.

— Il ne t'a jamais parlé d'Aristide ? demanda prudemment l'autre femme.

— Non.

— Il n'y a plus rien entre eux, tenta-t-elle de le rassurer.

— Comment tu le sais ?

— Parce que notre capitaine n'est pas du genre à supporter un bêcheur pareil. C'est toi qu'il aime.

La porte de l'établissement s'ouvrit sur le capitaine. Théophraste se redressa sur sa chaise, prêt à lui faire signe quand il vit l'arrogant derrière lui. Son compagnon semblait chagriné que l'autre l'eût suivi. Ils attrapèrent deux chaises avant de s'asseoir à leur table et de faire signe à une serveuse. Théophraste se rembrunit dans son coin. Le capitaine s'en aperçut et, affligé de blesser ainsi son partenaire, il chercha plusieurs fois à se montrer gentil, mais Aristide était à l'affût, empêchant tout rapprochement. Il n'avait pas réussi à s'en débarrasser, même après d'âpres négociations et lui avoir extorqué la promesse de bien se tenir. Les pilotes de vaisseaux volants avaient beau passer pour des originaux, afficher sa relation avec un homme n'était jamais une bonne idée. Si lui ne risquait pas grand-chose, ce n'était pas le cas de Théophraste, moins charismatique, moins virils aux yeux de tous ces soudards bas de plafond.

— Alors mon mignon, la cabine du capitaine est-elle à ton goût ?

Théophraste coula un regard à Mariusz, qui prit un air désolé.

— Ari, cesse de l'ennuyer ou je te mets dehors à coup de pied aux fesses.

— Oh, ce n'est pas ton pied, qui me ferait plaisir, c'est un peu trop extrême, même pour moi...

Théophraste essaya d'imaginer ce à quoi il faisait allusion, et pâlit de dégoût.

— Ne l'écoute pas Théo, il te provoque. Il est jaloux parce qu'il n'a jamais pu assumer.

— Toi, il t'a proposé de le suivre, cracha-t-il au jeune homme.

— Enfermé des jours durant avec toi et ton foutu caractère, non merci, répliqua le capitaine. Et à l'époque, ce n'était pas moi qui décidais.

— J'aurais pu payer ton capitaine.

— L'argent ne fait pas tout, Aristide. Maintenant, si tu ne sais pas te tenir, je te prierai de nous quitter. Notre journée a été éprouvante, nous avons envie de calme et de repos.

L'homme comprit enfin qu'il n'était pas le bienvenu. Blessé dans son amour propre, il se leva et quitta l'établissement sans un regard en arrière. Théophraste poussa un tel soupir de soulagement qu'il n'échappa à personne. Aloysia le serra brièvement contre elle.

— Te voilà rassuré.

— Je le déteste, dit-il en regardant le capitaine dans les yeux.

— Et moi je suis faible, je lui cède toujours.

A bord du LibertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant