Je commençai à me faire repérer.
Il était devenu évident que je ne pouvais plus vivre ma vie comme je l'entendais, du fait de ma nouvelle notoriété. Tout le monde me reconnaissait, et ce n'était jamais pour dire des choses mignonnes à mon sujet. Une fois encore, ce fut le cas. J'essayai vraiment de me promener dans les allées du magasin faisant fi de mon entourage mais c'était définitivement peine perdue. Les chuchotements qui n'étaient même pas discrets, les discussions qui cessaient lorsque j'arrivai avec Kael à mes côtés, les enfants rapidement rattrapés par les parents pour ne pas qui puissent s'approcher de la méchante dame...
Ça me pesait. Je ne voyais même pas ce que j'avais fait de mal au fond. Les humains pouvaient encore marcher dans les rues sans se faire attaquer dans tous les sens par tout et n'importe quoi, les alters-humains pouvaient s'estimer heureux que les humains ne leurs soient pas tombés dessus dès qu'ils avaient su qu'ils existaient. Et tout ça, c'était grâce à mon existence. Mes dents produisirent un bruit peu approprié lorsque j'entendis des commentaires peu flatteurs envers mon compagnon. Des dents pointues et aucunement inoffensives attrapèrent mon poignet. Je baisai mon regard pour voir Kael secouer de la tête, mon poignet toujours dans sa gueule. Je ne compris pas tout de suite. J'étais fatiguée après tout. Puis je relâchai mes muscles, et mes doigts ne formèrent plus un poing. Je me détendis en inspirant lentement. Je reculai mais Kael, qui s'était déplacé pour se mettre devant moi afin de m'empêcher d'aller vers ses dames, resta là. Mon lien avec mon renard avait le goût d'avertissement, de patience, d'amour et d'inquiétude.
La culpabilité revint au galop quand je posai mes yeux sur lui. Le lien me répondit plus rapidement que je ne le croyais possible. De l'amour, de l'amour, de l'inquiétude, mais surtout, du pardon. Mon dieu. Je pris Kael dans mes bras, accroupit devant lui. Je passai mes mains dans ses poils comme j'aimais tant le faire, et je sentis son souffle, heureux, dans mon cou. Alors que je m'apprêtais à poser mes lèvres derrière son oreille droite, je vis les femmes qui avaient critiqué Kael, nous pointer du doigt.
Stop, j'avais eu ma dose pour le mois.
- Hey, que penses-tu d'une soirée pizza ? Je sais que tu n'en aimes qu'une certaine sorte mais je suis prête à sacrifier mon estomac pour satisfaire le tiens, chuchotai-je dans son oreille.
Il sauta dans l'instant. Des pizzas à l'ananas traversèrent mon esprit. Ce n'était sans aucun doute pas mes pensées. Je ne sus comment, mais Ruben capta l'idée du repas. Je sentis son excitation et son envie de manger des pizzas à l'ananas. Quelque part en moi, je crus entendre le soupir soulagé d'une maison. Je fronçai les sourcils. Je me concentrai, en plein milieu du magasin, pour tirer sur le lien me reliant à la maison afin de comprendre pourquoi ma Maison Jaune était aussi soulagée. J'hoquetai de surprise et regardai Kael avec des grands yeux.
- Alors comme ça, toi et Ruben, jetaient vos plats de sardine dans le jardin ?
Un clignement des yeux, abasourdi, puis il me tourna le dos se dirigeant vers les caisses. Je m'empressai de le suivre en prenant toutes mes courses. J'allais me venger.
Un jour.
Mon cœur se serra à la vue de La Taverne. Je trainais cette culpabilité depuis trop longtemps. L'ambiance me manquait, les membres du staff me manquaient, les clients me manquaient... La façon dont j'avais quitté La Taverne me faisait me détester un peu plus chaque jour. Alors que je passais devant La Taverne, je m'arrêtai pour la regarder. La devanture n'avait pas changé. Elle restait accueillante le jour, reflétait un foyer pour quiconque le voulait. Mais le soir... la chaleur n'était plus d'ordre familiale. La boîte de nuit à l'intérieur promettait des moments très intimes entre les danseurs. Dans la vitre, je vis José qui avait arrêté de servir un client à une table ronde pour me regarder. Derrière son épaule, Dron, seigneur Dron, avait fait tomber son plateau. Je pris conscience de ce que je faisais : je ne devais pas être aimée à l'heure actuelle et j'étais là, immobile devant l'enseigne avec à mes côtés un métamorphe renard qui portait un des multiples sacs de course. Kael aussi observait La Taverne, mais la manière dont il la voyait indiquait clairement qu'elle était une menace à mon encontre. Je m'apprêtais à me diriger vers l'entrée quand Kael vola quelques instants dans les airs, les courses restèrent en suspension avant de s'étaler sur le sol.
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Ush ROWTAG T1.5 : Magie courante.
ParanormalSuite d'Ush Rowtag T1. Je conseille de lire ce premier opus avant de s'attaquer à celui là. ------ Elle est vraiment prête à envoyer balader ce chef du monde magique mais, soyons honnêtes, elle sait qu'elle n'a pas le choix et qu'elle ne peut refuse...