Une aide bienvenue (3)

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Je raccrochai au nez dès les premiers signes de haine. Ce geste devenait une habitude.

Depuis mon petit spectacle improvisé, je recevais de plus en plus d'appels. Mon exploit, si on pouvait appeler ça un exploit, tournait depuis des semaines sur les chaines. Même étrangères. J'avais arrêté de regarder les écrans. J'avais honte. Le résultat était que j'avais attisé la curiosité des personnes qui jusqu'ici, n'en avaient que faire de la découverte des Alters dans notre monde. Désormais, les appels, qui à l'origine n'était déjà pas très conviviale, n'étaient maintenant pas des plus enjoués et on me demandait rarement pour m'exposer de réels problèmes. Étonnamment j'avais bien moins de remords à ne pas répondre depuis. Une bonne chose pour mon mental, une mauvaise pour mon image.

La Maison exprima son assentiment. Allons, bon. J'avais une maison qui donnait son opinion sur tout et n'importe quoi et qui avait la fâcheuse tendance à changer les alentours d'apparence. Et c'était moi qui empêchais les gens de venir en personne se confier ? Je n'étais pas responsable des piques qui apparaissaient brutalement dès que des individus avaient le malheur de venir armés de fourches, remplaçant ma jolie barrière blanche. Disparue l'allée de pierre, les parterres de fleurs, la boîte aux lettres jaune. Bonjour les hautes herbes aux allures sombres, les grillages pointues, et parfois, parfois, du brouillard. Certes, j'avais effrayé la plupart des habitants de l'île avec mon élan de haine, mais avec honnêteté, ma Maison Jaune était tout aussi responsable.

Toutes les portes claquèrent d'un coup dans la maison, créant un vacarme du tonnerre.

Je ricanai. Elle était un peu susceptible. Je l'aimais bien quand même. Elle me protégeait au fond. Elle n'avait pas apprécié que Kael se prenne un coup de pied, ni que je me batte. Ruben non plus d'ailleurs. Il avait mal digéré le fait que je lui interdisse de retrouver l'homme. Le silence de quelques jours qu'il m'avait offert était retentissant. Il avait quand même fini par s'enrouler autour de moi un soir. Tremblant, inquiet pour le futur, mais présent. Il n'avait pas été le seul à s'inquiéter. Le jeune faon venait bien plus souvent, s'assurant que rien de grave ne m'était arrivée. Je trouvais le geste attentionné pour un bébé Alter. En le voyant s'enquérir de mon état, moi une simple humaine, j'avais de l'espoir en l'entende Alter et humain.

Encore fallait-il que j'arrête de diffuser une mauvaise image.

Je me levai de mon bureau, estimant avoir fini mon service et Kael leva son museau vers moi. A chaque fois que j'entrais dans la pièce dédiée à mon travail, il entrait quelques minutes plus tard, s'allongeant sur le tapis, et sommeillait. De ce que je pensais comprendre, il appréciait entendre ma voix, mes remarques parfois sarcastiques. De temps en temps, il lui arrivait de se redresser, de poser ses pattes sur le bureau et de couper la communication. Il était taquin mon renard. Parfois, il s'installait près de ma chaise, le museau sur mes genoux et envahissait mon esprit d'images de caresses jusqu'à ce que je cède. Je ne tenais jamais longtemps. Je m'abaissai pour le caresser et il glapit de joie, sauta sur ses pattes, fit des petits bonds autour de moi. Son buste baissé, son arrière-train relevé, sa queue battant l'air : il m'invita à jouer. Accroupie comme je l'étais, je ne pus que me jeter sur lui pour attraper son museau. Il me glissa entre les doigts et fila dans les couloirs de la maison.

Je m'empressai de le poursuivre, me prenant la porte lors du virage. Je ne m'étonnais plus des bleus qui apparaissaient sur mon corps, j'étais d'une maladresse sans nom quand je jouais avec Kael. Je l'aperçus tourner dans le salon. La sonnette retentit dans l'habitacle, mon pied relevé dans l'optique de poursuivre mon compagnon de meute. Je me figeai, attendant le départ de la personne derrière la porte. Une seconde, deux, trois, et alors que je fonçais déjà au salon pour ne pas perdre de vue Kael, le son agaçant retentit plusieurs fois.

Ush ROWTAG T1.5 : Magie courante.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant