Une aide bienvenue

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- Vous n'êtes qu'une pauvre fille qui trahit les siens. Vous devriez mourir ! Vous irez pourrir en enfer , c'est tout ce que vous méritez !

Je soufflai et pinçai le haut de mon nez.

- Avez-vous eu un soucis avec un Alters, demandai-je automatiquement, épuisée.

- Le seul soucis que j'ai, c'est ton existence espèce de sale...

La communication s'interrompit brusquement. Je relevai la tête et vit Ruben devant mon bureau, le doigts sur le poste téléphonique, le regard furieux. C'était rare, mais il était totalement humain. Et habillé.

- Ca suffit, Ushma. Ca suffit.

- On a déjà eu cette conversation, il me semble.

- C'était il y a deux mois. Tu avais dit que tu allais régler ça. La situation a empiré depuis.

- Tu sais très bien que je ne peux rien n'y faire Ruben. D'ailleurs, tu es en train de m'empêcher de prendre mon prochain rendez-vous, ce qui est mauvais pour moi et tu le sais.

Il croisa les bras, mécontent.

- Tu n'auras pas de prochain rendez-vous. J'ai dit à la salle d'attente qu'il faudrait repasser demain.

Je sautai sur mes pieds, furieuse. Contournant le bureau, je me plaçai sous son nez et le tapai sur le torse de l'index, doucement au départ, puis de plus en plus fort.

- Mais pour qui tu te prends ?! Tu n'avais aucun droit de les faire partir !, criai-je. Peut-être qu'il y avait quelqu'un ayant un soucis grave !

Il attrapa aisément mes bras et attendit que je crache mon venin. Des larmes sillonnaient mes joues. J'étais à bout. Il me prit dans ses bras et me berça.

- Tu dois trouver une solution Ush, chuchota Ruben dans le creux de mon oreille. Tu ne tiendras jamais un an, ni même des années, pas à ce rythme en tout cas. Tu savais que le renard n'arrête plus de se lécher ? Il perd du poil. Il est tout aussi stressée que toi. Je suis tout aussi stressé que toi : je n'arrive plus à me changer correctement. Ça fait des jours que je ne suis pas devenu serpent. Des jours Ushma. Tu sais que je déteste être sur deux pieds. Ton stress affecte notre petite meute.

J'hoquetai de stupeur ! Je n'en savais rien. Je n'avais pas vu Kael depuis un moment et j'avais cru qu'il avait été pendant tout ce temps dans la forêt à veiller. J'abaissai mes épaules.

- Je suis la pire, murmurai-je dans le torse de mon compagnon. Je suis tellement désolée.

Il fit de lents mouvements circulaires avec sa main dans mon dos.

- Non Ushma. Tu n'es même pas le dixième d'une personne mauvaise. Tu as la tête dans d'autre problèmes. Mais tu ne peux pas nier que rien ne va. Tu dois faire autrement.

- Je ne peux pas... Je ne peux pas. Je suis surveillée par tous les média du monde. Je ne peux pas faire un mouvement sans que ça devienne problématique. Je ne peux pas ouvrir ma bouche sinon je crée un « incident » trop important. Si je suis agressée, ce n'est pas grave, mais si j'agresse quelqu'un...

- Je sais tout ça. Mais ça ne peut durer. Tu t'es faite attrapée par des anciens membres de l'Humanité et passée à tabac. Si tu ne savais pas aussi bien rendre les coups quand tu es aux portes de l'évanouissement, tu aurais fait un long séjour à l'hôpital.

Je m'écartai de lui en plissant les yeux.

- Ce n'est arrivé qu'une fois. Une seule.

Il se pencha subitement vers moi. Son visage changea, s'allongea, s'aplatissant au fil des secondes. Ses yeux s'étirèrent et j esentis toute la colère qu'il retenait jusqu'ici. Il siffla quand il parlait, signe qu'il ne se contrôlait plus.

- C'est déjà de trop ! Combien de temps encore avant que quelqu'un décide de te tirer dessus et dans le crâne en plus ? ! Combien de temps avant que tu meurs moralement ?! Physiquement ?! Tu ne te nourris plus correctement. Tu dors peu. Que crois-tu qu'il va se passer ?

- J'essaye, d'accord, expliquai-je. J'essaye de trouver une solution. Et je vais la trouver. Mais donne moi du temps. Un problème aussi gros nécessite du temps et de la patience. Je sais que c'est beaucoup demandé de ne pas prendre en compte cette période de transition. Mais je le fais quand même : s'il te plaît ?

Silence. Mes yeux rencontrèrent les siens et bien que je sois en théorie, l'alpha de cette meute, j'eus envie de détourner le regard . Après tout, j'étais coupable.

- Un mois. Je te laisse un mois.

Je soufflai de soulagement. Je savais que si Ruben intervenait et qu'il estimait qu'un client dépassait les bornes, il n'aurait aucune pitié et s'arrangerait pour écrabouiller la dite personne de ses anneaux mortels. Et ça, c'était mauvais pour l'image des Alters, pour mon image en tant qu'agent de liaison, et pour les décisions politiques positives envers les Alters.

Je pris une profonde inspiration. En cette fin de journée, j'allais m'occuper de mes compagnons. Et suffisamment bien pour qu'ils oublient à quel point je les avais délaissés. Me dirigeant vers laporte, Ruben attrapa mon bras.

- Où vas-tu comme ça ? Tu n'as plus de clients je te rappelle.

- Je vais faire des courses. Il est temps de remplir les placards, fis-je en souriant lentement.

Il me regarda longuement puis s'approcha de ma tempe droite. Il abaissa sa tête pour m'atteindre et le frôlement caractéristique de la langue de mon métamorphe serpent sur mon front me fit encore plus sourire.

Je trouverai une solution et tout ira mieux.

Kael se serra encore plus contre ma jambe gauche alors que je regardais le prix des poissons en conserve. J'avais dilapidé toutes mes économies dans l'ameublement de la maison. J'allais devoir prendre de la petite marque. Je ne regardais pas mon renard : la culpabilité risquait de me prendre par la gorge et de me faire ressortir tout ce qui devait être là. Quand il était apparu sur le pas de la porte après des semaines d'éloignements, j'étais tombée à genoux devant lui, n'osant même pas lui caresser le pelage tant il y avait des bouts de peaux visibles. J'avais honte. Mais ma détermination n'avait fait qu'accroître.

Je ne savais pas comment cesser les harcèlements et au fond de moi, j'avais l'intime conviction que jamais cela n'allait s'arrêter. Il y aura toujours de la haine pour mon poste. Parce que j'étais la première, parce que j'empêchais les Alters et les humains d'avoir un choix, parce que j'occupais un poste qui pour certains étaient insignifiant. Pleins de raison, une seule personne sans défense. Mais il fallait que je trouve comment inciter les humains et les Alters à me parler plutôt qu'à me haïr. Il en allait de ma survie comme celle de mes compagnons.

Parce qu'il était aussi là, le soucis : les Alters ne me faisaient pas confiance, les humains ne me faisaient pas confiance et ce problème de confiance menait à des désastres. Au Brésil, des milliers de cadavres étaient découvert. Pourquoi ? Sous couleur de menace, des personnes au comportement à la marge se retrouvaient dans des cercueils en moins de temps qu'il le fallait pour le dire. Au Etats-Unis, l'accès aux armes, qui avait été totalement déréglementé durant ces derniers siècles, a donné lieu à des règlements de comptes pour le moins abracadabrant. Le dernier en date ? Une mère ayant tiré sur la petite amie de sa fille avait accusé la dite jeune fille d'être un démon. Résultat ? Plus de pleurs que de réels résolutions de problèmes. En Afrique, continent ayant longtemps été exploité mais aujourd'hui plus ou moins autonome et étant très conservateur, dans de nombreux pays, le nombre de filles se faisant sacrifié augmentait chaque jour un peu plus. En l'honneur des dieux, en guise de protection contre des diables. L'Europe n'était pas en reste. Il dépassait d'Afrique sur ce point. Trop de dieux grec et romains étaient adulés. Trop de sacrifices étaient commis. J'avais un mauvais pressentiment aux sujets des déesses et des dieux adulés.

Ajoutons à cela la technologie ? La crème de la crème en matière de ... tout ? Je frissonnai.

Il fallait que ça cesse.

Je pris de la sardine par pure gourmandise. Kael mordilla mon mollet quelques instant avant de me relâcher. Soupirant de déception, je reposai l'aliment et continuai à me promener le long des allées. Il fallait être réaliste : personne n'aimait la sardine dans cette maison. Pas même la Maison Jaune.

Ush ROWTAG T1.5 : Magie courante.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant