Une flamme éteinte. Un trou noir. Un vide abyssal.
C'est ce que je ressens depuis qu'il n'est plus. Il n'y a plus rien qui compte. Je crois que de toute ma vie, c'est la première fois que j'arrête de me battre. Je me sens comme dans un ring pendant un match de boxe. Sa mort m'a mise KO.
Sur le ring de la vie, j'ai perdu.
Je suis au fond d'un gouffre impossible à combler. J'ai l'impression qu'aucune terre ne pourra le recouvrir. S'il y a une chose que je peux demander à Allah, c'est qu'Il apaise mon cœur. Malheureusement, même ça, j'arrive plus à le faire. Ma bouche est cousue. Ma foi est pendue.
J'aimerais que ce soit juste un putain de cauchemar ! Ça aurait été tellement plus facile. Un cauchemar au moins se termine au réveil.
Avec le temps, le cœur s'apaise et on oublie. Mensonge ! Celui qui a dit ça, n'a pas connu ce que j'ai connu.
On aime scander, à tort ou à raison, des paroles qui ont pour but d'apaiser mon mal. Elles ne font que l'accentuer.
J'arrête pas de me refaire toute la scène ; je n'arrive pas à taper sur la touche pause. Je n'en ai pas oublié une miette. Elle me hante. À la minute même où je me permets de fermer les yeux : je vois son corps inerte.
L'orage a eu comme compagnon de chorale, mon cri. J'ai hurlé mes entrailles. Je l'ai vu tombé au sol. C'était comme si tout se passait au ralenti. La pluie s'acharnait contre son corps sans vie. Un cadavre. Un cadavre qui autrefois foulait la terre ferme.
Les souvenirs m'étouffent : je le revois me sourire, je le revois me dire qu'il m'aime, je le revois me faire des crises de jalousie, je le revois me faire la morale, je le revois m'embrouiller, je le revois me bouder, je le revois me caresser, je le revois m'embrasser. Je le revois encore et encore.
À ce moment-là, je voulais qu'une chose : aller le rejoindre... sûrement avec l'espoir de le ranimer. Je pensais que m'entendre lui dire de belles choses allait me le rendre. Que Dieu allait avoir pitié de nous... rien de tout ça ! Ces sont les bras de Junayd qui m'ont dissuadé de forcé d'aller le retrouver.
Junayd a détourné mon regard mais c'était trop tard. J'avais déjà tout vu.
Son bonheur résidait auprès de moi. Il me l'avait dit. Combien de fois m'a-t-il dit qu'il pouvait mourir pour moi ? Il est mort pour moi.
La culpabilité me ronge de l'intérieur.
Dans ma chambre, je commence à faire une nouvelle fois une crise d'angoisse. Je tremble de tout mon corps. J'arrive plus à respirer. J'ai l'impression qu'on m'étouffe de l'intérieur. Je pleure à chaude larme. Pourquoi ? Pourquoi m'a-t-il infligé ça ?
Une mort naturelle ou accidentelle n'est pas la même que celle-là. Il s'est donné la mort. Il a pris la décision de s'ôter la vie. Il l'a fait devant moi.
Son absence me donne envie de faire la même chose. M'ôter la vie. J'y ai pensé. Plus d'une fois, cette idée m'a traversé l'esprit. Contrairement à lui, je n'ai pas le courage de le faire parce que j'ai peur. Peur des conséquences, de ce qui peut arriver à mes proches et à moi-même de l'autre côté.
Le suicide est un acte impardonnable. Je me demande si la miséricorde d'Allah va le recouvrir. Toutes ses questions ne font que me faire du mal.
Je me demande s'il a eu peur de le faire... Il semblait juste avoir envie d'arrêter d'avoir mal ou de faire du mal. Je me demande s'il a pensé aux conséquences comme moi.
Des questions sans réponses.
Souvent, je me torture en l'appelant. Je tombe sur une messagerie qui crie avec haine un seul et unique mot « Putain ! » : entendre le son de sa voix me permet de me rappeler. Je veux me rappeler le son de sa voix. Je me mets à imaginer l'histoire de cette messagerie. J'imagine que ce jour-là, il avait fait une fausse manipulation et c'est cette erreur qui est devenue sa messagerie. Je ne sais pas combien de fois, je l'ai appelé mais je l'ai fait. Peut-être aussi avec l'espoir de l'entendre décrocher...
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Kilo-drames TOME II
General FictionLa perte est une peste, va-t-elle la surmonter ou s'enfoncer ?