Trois mois sont passés. Nous sommes au moins de janvier. L'hiver s'est ramené dans notre quartier tranquillement sans faire de ravage. Il a déposé bagage et passe sa vie a nous donné du vent glacé. Il n'a pas neigé une seule fois depuis qu'il s'est présenté. Il fait juste froid.
Voilà trois mois que ma vie a changé. Je ne suis plus la même femme : je n'ai plus les mêmes centres d'intérêts, ni la même envie de sortir. Il y a un an j'étais sur un toit à guetter la neige.
Actuellement, ma vie se résume au métro-boulot-dodo. Quand je ne suis pas au travail, je passe la plupart de mon temps avec la mère de Mamadou, ou bien mes parents ou Riad et Serena.
Le point positif est que je ne suis plus recroquevillé sur moi-même. Je m'ouvre aux autres à ma manière... en fait, je les écoute le plus souvent parlé. J'essaie tant bien que mal de ne pas être dans mon coin. J'essaie tant bien que mal de guérir mes absences. C'est dur... mais je me fais violence.
Je ne veux inquiéter personne.
À la maison, l'ambiance est au rendez-vous. Mes parents font tout pour ne pas me laisser redevenir le zombie que j'étais. On mange tous les jours que Dieu fait ensemble. Très souvent, on a la visite de mon frère et ma belle-sœur. Ces deux-là respire la joie de vivre et surtout l'amour. À certains moments, je les envie. J'envie leur bonheur et leur amour. Je me dis que j'aurais peut-être pu vivre ça, moi aussi. Et, quand mon frère se rapproche de moi, je me rappelle qu'il est sur un fauteuil roulant à cause de lui... et là tout s'enchaîne. Les souvenirs reviennent me fracasser le crâne.
Je fais énormément d'efforts pour que personne ne contracte ma tristesse. Je m'efforce de sourire. Je ne veux plus qu'ils s'inquiètent. D'autant plus qu'il en va de la santé de ma mère. Quand j'étais mal, elle l'était également. Je veux pas qu'il lui arrive quelque chose par ma faute donc je me fais violence.
Par contre, quand je suis seule dans ma chambre, je me laisse surprendre par tous Le surplus d'émotions que j'ai enfouis dans la journée. À chaque fois que je pense à lui, mon cœur se comprime d'une manière indescriptible. Dans le processus, vient s'enchaîner les regrets.
Au fil des mois, j'ai tissé un lien avec Assa, sa mère. Je passe souvent la voir. On discute. Elle m'oblige à manger. On fait mêmes les courses ensemble. Elle me change les idées. Et puis, je me suis rendue compte que je fréquentais une guerrière. Une vraie de vraie. Depuis la mort de son fils, elle ne perd pas pied et fait tout pour se reconstruire.
Aujourd'hui, je la considère comme un membre de ma famille. À vrai dire, je la vois comme ma belle-mère. C'est sûrement malsain mais je n'arrive pas à faire autrement... J'achète des choses avant d'arriver chez elle. J'achète des jouets aux enfants. J'ai l'impression que c'est ma manière à moi de me déculpabiliser.
Voilà trois mois que j'ai rejoins l'entreprise de la famille Diagne. Les jours passent et ne se ressemblent pas ; oui je fais les mêmes tâches mais elles deviennent différentes en fonction du client. Et puis avec Erica les journées ont un autre goût. Sa bonne humeur surplombe notre pièce. Il y a aussi Djibril : une boule d'énergie que j'ai constaté très professionnel malgré son côté je m'en foutiste. Il continue à venir en jogging. Et je crois que ça ne changeras jamais. Rares sont les fois où je l'ai vu en costume.
Il continue à nous inviter à manger. Au bout de la troisième fois ça m'a gêné mais il a réussi je ne sais comment à me convaincre.
Je rentre du travail. Comme d'habitude, je prends les transports en commun. Les écouteurs dans les oreilles, une musique triste en fond, je plonge le cœur le premier dans mes pensées. Instinctivement, ma main se porte à mon cou. En ne sentant pas mon collier, la panique me prend aux tripes. Je fouille dans mon sac. Peut-être que je l'ai mise dedans... mais je l'enlève jamais. Même pour prendre une douche, je ne l'enlève pas donc. Je réfléchis. Je me retourne le cerveau dans tous les sens. Où est-ce que je l'ai vu la dernière fois ? Je l'avais au travail, j'en suis sûr...
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Kilo-drames TOME II
General FictionLa perte est une peste, va-t-elle la surmonter ou s'enfoncer ?