Art : Le Château Ambulant, Miyazaki
Les textes que vous allez découvrir sont des extraits de "La Horde du Contrevent", de Alain Damasio, un roman dont les pages sont numérotées en commençant par la fin, à l'image de la Horde qui remonte le monde pour trouver l'origine des neuf formes du vent. L'histoire et racontée tour à tour par les vingt-trois membres de la Horde, dont Caracole fait partie.
C'est poétique, immensément, bouillonnant d'inventivité jusque dans la ponctuation, politique, philosophique, et plus encore. Et fluide. C'est un livre érudit et exigeant que certains ont jugé prétentieux, mais qui donne, donne offre à rêver, songer, penser dans sa complexité et ses ramifications, à la manière de Hugo ou Melville.
C'est une prouesse d'architecture bâtie à vingt-trois - plus que voix - pensées et personnalités forgées par le vécu et les sensations.
C'est un livre qui fait des détours, qui raconte plus qu'une histoire.
J'aime bien ne pas tout saisir : ça autorise à relire.
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(vu par Aoi Nan <>, cueilleuse et sourcière )
Il est insatiable, jamais ne fatigue, un feu follet, son visage de faune pétille, se plisse, rit, il glisse sur le parquet, volte et danse, tellement vite il enchaîne, ne laisse ni pause ni blanc, allez hop, la suite maintenant
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(Caracole retrouve des Fréoles qu'il avait connus autrefois lorsqu'il s'appelait Trouboo )
¿' Trouboo par ci, Trouboo par là : tous les souvenirs qui tintent dans la cloche de ce nom... « Trouboo le Troubadour ! », ils m'alpaguent comme ils le faisaient alors. Ma réputation est restée intacte, zénithale, renforcée même par l'absence et les légendes alimentées. Tant de gens me parlent qui m'ont trop bien connu il y a six ans. Hier soir. Qui me semblent encore si intimes. Waouf ! Pourtant, cependant, nonobstant, toutefois... Néanmoins, je sais que je ne suis plus, ne serai jamais plus, des leurs. Un verre, que je peux situer, nous sépare, sans qu'ils le sachent. Je deviens un vrai nomade. Eux sont demeurés des parcoureurs.
C'est tout, Cara ? Tu t'en tiens là et tu passes la plate ? Ricochet au sol, reprise de volée, poteau rentrant ? Tu « deviens un vrai nomade » alors que t'es né neuf du mouvement même ? Tu t'épaissis du dedans, tu grumelles plutôt, tu te sens même proche de Sov, tu comprends presque Larco quand il te dit qu'il aime Coriolis ! Tu commences à sentir le lien, cette espèce de corde souple qui te tire aux fibres quand tu penses encore quitter la horde, retrouver ta liberté-chérie, ta petite maîtresse perdue ? Perdue ? Euh, trouvée ? Le libre, tu commences à te demander s'il ne serait pas plutôt avec eux, dedans le Pack, et parmi le bloc – même Golgoth, tu... Holà, Caracolle ! Holà troubadour ! On glue dans l'humain ?! T'agglupines ou t'agglomerdes ? Tu me fais peur Cacatoès, avec tes calembredaines de lien ?! Reste toi-même – vitesse – vitesse et fuite !
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(dialogue avec Lerdoan, philosophe fréole qui n'est donc pas membre de la Horde)
Longtemps je me suis fait de la vie une exigence de parcours. Rien ne fut donc plus précieux pour moi que les voyages puisqu'ils avaient potentiellement cette force : celle de faire jaillir le neuf, le virginal des filles, l'inouï. M'offrir plus que l'univers humain : le Divers ! Pendant des années, je me suis abreuvé de différences. Puis progressivement, j'ai senti que ma fraîcheur déclinait. A mesure des rencontres bien sûr, dont rares devenaient celles qui me touchaient au vif. Mais en vertu aussi, et plus intimement, de ce sentiment que les bonds hors de moi qui avaient si longtemps fait mon charme, disons-le, s'atrophiaient. Et qu'au fond, à ceux que je croisais, je demandais de m'émerveiller tandis que moi, passif, en attente, tel un poussah de fate engeance, j'avais perdu jusqu'à la soif du divers. J'étais un nomade, certes, et toujours. J'en exhibais, sur mon pull d'arlequin, les preuves. J'avais toujours, au creux des lèvres, quelque histoire torse, rapinée en village. Mais dans mon esprit, je ne voyageais plus. Je me répétais. Je redondais au lieu de vagabondir. J'étais comme une outre qui attend d'être remplie et qui se vide devant le premier seigneur !
- Tu cherchais surtout à devenir vaste, si tu te souviens. Tu voulais t'agrandir comme une terre, te peupler, prendre ton poids d'expérience. Comprendre qui nous étions, nous les hommes.
- Je suis devenu vaste. Vaste à la manière de on maillot : un patchwork cousu à l'inspiration, tissé de vifs, qui s'effilochent sans cesse. Regarde !
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( Vu par Sov ), le Scribe )
Un conte de Caracole, ce n'était pas une voix plus un récit, c'était un cosmos local, enfanté sur un feu.
Il y avait certes une ligne, celle de l'histoire, qui partait d'un début pour aller vers une fin. Mais les contrepoints, qu'entre chaque laisse il faisait jaillir, brisaient à ce point cette ligne, lui imposaient une cadence si particulière, comme un galop tronqué, la doublaient de tant de claps, de tapes, mates, de bruits et de cris, de tours et de tambours, l'habitaient de tant de dessins esquissés dans la cendre, de couleurs jetées sur une nappe, d'architecture de petites pierres, d'objets animés, amenés puis masqués, y ajoutaient une telle variété d'interprètes pris à la volée dans le public, de choristes complices, de musiciens alliés que le conte initial – cette pure voix chantante dont se contentaient tant de troubadours, même parmi les plus illustres – Caracole en éclatait princièrement le cristal, pour un résultat inouï.
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"Le cosmos est mon campement"
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Arlequin
RandomFonds de tiroirs, pages déchirées, lambeaux de journaux, pensées en fugue, Guirlandes Un patchwork de pièces usées et lointaines Un carnaval décousu Un manteau d'Arlequin Couverture : Akiya Kageichi