Chapitre 3

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Marc n'est pas reparu de l'après-midi et son chat a fini par rentrer tout seul dans l'appartement. Lorsque la température est devenue trop fraîche pour que je puisse rester à l'extérieur sans qu'une chair de poule commence à naître sur mes bras, je suis rentrée. Depuis ma rencontre avec mon voisin, un sourire idiot s'est dessiné sur mon visage.

Pauline serait fière de moi. Il faudrait que je l'appelle, mais je n'ai pas envie de la déranger alors qu'elle est peut-être en train de procréer. Je ne voudrais pas empêcher un miracle ! En attendant que ma collègue se manifeste, je m'installe dans mon canapé et allume la télévision. Il faut un moment à ma box pour se mettre en route.

Le réseau est saturé par le confinement. Tout le monde s'occupe comme il peut, et internet devient le moyen de divertissement privilégié de tous les habitants de ce pays. Je soupire en regardant distraitement la fin du télé-film de l'après-midi, un œil toujours posé sur mon téléphone dans l'attente que ma collègue m'appelle.

Bon sang, la soirée va être longue

***

La vibration me réveille. Grâce à elle, je prends conscience de l'état semi-comateux dans lequel je me trouvais. La fin du télé-film a laissé la place à une télé-réalité culinaire qui n'a malheureusement pas su me captiver.

Je coupe le son pour décrocher en haut-parleur et discuter avec mon amie sans être dérangée par le chef cuisinier qui aime bien hurler sur les amateurs pas très doués qui peinent à faire sortir leur restaurant du caca dans lequel ils sont.

- Alors, tu es enceinte ? demandé-je en guise de préambule.

D'aucun me trouverait sûrement très chiante, mais ce n'est pas le cas de Pauline. Cela ne la dérange pas, et elle me bassine avec ça depuis si longtemps que je ne sais pas qui est la plus soûlée des deux. A l'autre bout du fil, je l'entends sourire :

- Je te dis ça dans une semaine ! Heureusement qu'on a fait le plein de tests de grossesse avant le début du confinement !

J'éclate de rire, rapidement rejoint par ma collègue. Entendre le son de sa voix me fait du bien, mais étrangement, je ne recherchai pas sa présence. La journée n'aura pas été aussi solitaire que je l'aurais cru ! Mon cœur rate un battement quand je pense à mon voisin. Il faut que j'en parle à Pauline, mais je ne sais pas du tout comment faire !

Heureusement, la jeune femme me tend une perche que je m'empresse de saisir !

- Et toi ? Tu as fini tous tes livres, ça y est ?
- Eh non, soupiré-je dramatiquement, je n'ai pas pu terminer « Superstitions » déjà ! Ma critique sur nos réseaux attendra !
- Oh ! Bah qu'est-ce qui s'est passé ?

J'esquisse un sourire. C'est mon moment, ça y est ! Et les mots me manquent ! Moi qui adore lire, moi qui me vante d'un vocabulaire élaboré et élargi, je me retrouve soudain à court de mots. Ce sont nos auteurs qui savent les manier, pas moi.

- J'ai rencontré mon voisin...
- Quoi !

Le hurlement de ma collègue est si puissant qu'il résonne dans tout mon appartement, et peut-être même dans celui de Marc. Je grimace, bien contente de ne pas avoir eu l'appareil à l'oreille à ce moment là.

- Quand ? Comment ? Pourquoi ? Il est beau ? Oooh, je sens que tu vas être la prochaine auteure publiée chez nous avec une romance ! s'exclame-t-elle. Cette fois, ce sera une histoire vraie !

Je souris en l'écoutant déverser son excitation et son enthousiasme. L'entendre remplir mon grand appartement vide de vie est très satisfaisant. Lorsqu'elle finit enfin par se taire pour reprendre son souffle, je m'engouffre dans la brèche.

- Peu après la photo que j'ai prise pour nos réseaux, son volet s'est ouvert et il jailli de son appartement tout juste vêtu d'un caleçon...

Mon interlocutrice manque de s'étrangler.

- Pardon ?
- Quand il s'est aperçu de ma présence, il est rentré mettre des vêtements quand même !
- Il ressemble à quoi ?
- Il a des cheveux noirs, longs et des yeux sombres aussi. Il est très beau... et je crois qu'il est grand, aussi.
- Alison, c'est pas compliqué d'être plus grand que toi...

Je grimace face à cette pique bien méritée. Pauline rit, de l'autre côté du combiné. Pendant une seconde, le silence s'installe et je porte mon attention vers la télévision muette. Le cuisiner professionnel découvre avec horreur la cuisine mal-entretenue de l'amateur et lui hurle dessus. Son visage rouge est presque comique.

- Alors, que s'est-il passé ? me presse ma collègue. Vous n'êtes quand même pas resté tous les deux chacun sur votre balcon sans parler ?

J'esquisse un sourire en revenant à ma conversation avec Pauline. Bien qu'elle ne puisse pas me voir, je secoue la tête.

- Il s'apprêtait à jouer de la guitare et m'a demandé si ça ne dérangeait pas ma lecture. Je lui ai dit qu'il pouvait, en plaisantant ! Tu aurais été fière de moi !
- Je le suis, déclare doucement la femme.

Mon sourire s'élargit.

- Il a commencé à jouer « Stairway to heaven » de Led Zeppelin et...
- Tu as chanté...

Mes joues mes brûlent à l'évocation de cette partie-là. Pauline me connait bien et ne fait aucun commentaire tandis que je lui raconte la suite des événements. Finalement, j'ai l'impression qu'il ne s'est rien passé de palpitant, mais ça me suffit pour que je souris comme une idiote et qu'une douce chaleur se répande dans ma poitrine.

Pauline et moi changeons de sujet, et nos badinages durent encore un petit moment avant que son cher et tendre ne l'appelle.

Le balcon d'à côtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant