« Conte-nous, Ô Héros des mondes ! Traqueur de l'éternel et poète de l'invisible ; murmure-nous les exploits que charrie ton nom quand tu n'étais encore qu'enfant de l'Univers. »
Éloge à Bhâalt, par Myr l'Eloquent
« Je suis le guerrier éternel, maître souverain de l'héroïsme. J'ai accompagné la naissance des mondes, embellissant leurs terres vierges de mes exploits. J'ai été adoré des mortels et fui des dieux. J'ai traversé des plaines infinies sur des bêtes gigantesques jusqu'à dépasser la course du vent. J'ai foulé des lieux qui n'existaient plus, les rendant réels par ma simple présence. Mon existence est parfois murmurée aux enfants à travers les flammes de récits fantastiques. En d'autres temps, elle est à peine une croyance, une vague idée surgit dans les rêves de l'homme. Mon temps est aujourd'hui passé, comme l'écume des mers sur un rivage d'or, laissant sa trace laiteuse sur le sable fin avant de disparaître sous les caresses du soleil. Mes exploits sont poussière du passé, et désormais, seul devant le feu de l'éternité, je n'ai plus que mes mots pour vous conter la fabuleuse épopée d'où naquit ma légende. Mais ils sont tout ce qui me reste, échos sourds d'une multitude d'aventures vécues, et c'est à l'heure de mon dernier souffle, qu'ils vous sont offerts... »
Chapitre 1
Et là, que t'inspire la vie ?
Ces rêveries nébuleuses tambourinaient à l'esprit du jeune général Bhâalt, en cette aube fraîche aux teintes acier. C'était à cet instant surprenant, face à une fin tragique, que son esprit avait décidé de se pencher sur ces questions existentielles. Peut-être était-ce le moment de s'ouvrir à toutes ces vérités qu'il fuyait depuis des lunes ? Oui, là, à deux doigts de frapper à la porte du néant ; à deux pas du gouffre brumeux qui le séparait de la mort. Une question en particulier lui revenait sans cesse, tel un marteau de forge cognant inlassablement sur une enclume grésillante.
Que t'inspire la vie ?
Le vacarme en contrebas le tira de ses pensées solitaires. En remplissant ses poumons d'un air iodé, il se concentra sur la situation. Le regard noir et déterminé, il étudia les alentours. Les fumées qui souillaient les pierres taillées du mur d'enceinte étaient noires de suie. De chaque côté des remparts, on n'entendait que mugissements d'agonie, râles de douleur et rugissements de soldats. Ces sons de guerre teintaient l'écho du vent funeste de cette matinée sanglante.
La horde impie des chefs de clan était descendue des steppes nordiques voilà trois jours. Elle avait choisi l'illustre forteresse de Brise-écume pour assouvir son désir de violence. Par la force des armes, les Nordiques tentaient de s'emparer de toute cité qui s'opposait à leur règne dément. Du moins, c'était ainsi que Bhâalt comprenait ce soudain déferlement de violence et de rage sanguinaire.
De tout temps, Sorélus, le souverain de la cité azur — comme il était coutume de nommer Brise-écume — avait entretenu des liens respectueux sinon amicaux avec les habitants des régions septentrionales. Leurs rapports s'étaient d'ailleurs grandement améliorés depuis les guerres contre les drek'zils, une décennie plus tôt. Ces ravageurs insectoïdes et plus grands que des chiens, avaient quitté leur nid pour déferler sur les villages du nord. Sans l'appui de la cité de Brise-écume, les Nordiques n'auraient sans doute pas pu réfréner les assauts répétés. Bhâalt avait d'ailleurs brillé par ces exploits en ces temps. En outre, il s'était forgé des amitiés solides avec les habitants des contrées enneigées.
Et pourtant, ces bonnes relations n'avaient pas suffi à endiguer leur soif de combat. Les barbares avaient chargé depuis leurs plaines grises et venteuses pour pénétrer dans le royaume de Pérélhorn, dont Brise-écume était l'une des trois cités principales. Bhâalt ignorait tout de l'étendue de cette conquête. Sa cité était-elle la seule touchée ou bien d'autres connaissaient-elles le même sort ? Quelle était la situation de Njarmh, d'Acondis ? Le général l'ignorait et parvenait difficilement à cacher son inquiétude croissante.
VOUS LISEZ
La Geste de Bhâalt
FantasyA sa mort, le général Bhâalt devient, malgré lui, le champion de Néphaïsto, dieu de l'Ombre et des Secrets. Tandis que l'univers dans lequel il a grandi tombe sous la coupe de l'infernal Bahamut, l'ancien général doit endiguer une corruption grandis...