Chapitre VIII

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Nous courrons ainsi jusqu'à ce que nous n'en puissions plus et que nous sentions nos poumons nous brûler. Je ne sais pas où nous nous trouvons, mais j'ai très peur que mes parents nous retrouvent. L'image de leurs pistolets pointés sur mes deux amis me traumatise encore. Comment ont-ils pu en arriver là ? Vouloir tuer les amis de leur propre fille ! C'est inhumain ! Mes parents sont inhumains !
– Ça va ? Tout le monde est là ? demande Emma.
– C'est bon, dis-je à bout de souffle.
– Moi aussi, dit Luke tout aussi essoufflé que moi. C'est quoi le délire de tes parents de vouloir nous tuer ? On n'a rien demandé ! Nous on enquête juste sur un vol de banque !
– Qui est lié à eux je te rappelle.
– Ah... oui... J'avais oublié... dit-il penaud.
– Alors essaie de ne plus oublier la prochaine fois ! Bon faisons le point, mes parents veulent nous tuer car ils savent que nous savons, il nous reste encore six jours avant la fin du délai et nous ne savons pas comment les amener à la police car elle est évidemment de leur côté.
– Ils faut d'abord rentrer à l'hôtel, dit Emma.
– Le seul problème est que nous ne savons pas où nous sommes, relève Luke.
– Qui a son téléphone ? demande Emma.
– Je l'ai, je lui réponds. Je vais regarder sur un GPS.
– Alors ? demande Luke.
– Deux heures de marche ou une demi-heure de taxi, je leur propose.
– Sors ton porte-monnaie, je ne fais plus un pas, dit Emma.
Nous nous tassons donc à l'arrière d'un petit taxi et repensons à la rencontre mouvementée avec mes parents. Je repense au choix qu'ils voulaient me faire faire : Emma ou Luke. Sur le moment je m'étais dit que j'allais leur répondre de tuer Luke. Et j'y avais renoncé en pensant à ma vie si mes parents l'avait tué. Je m'étais attachée à lui et sa mort aurait été insupportable pour moi. Je le regarde, il est assis à côté de moi la tête posée sur le bord de la fenêtre, le regard perdu dans le vide. Je me demande à quoi il pense et je voudrais rentrer dans sa tête à cet instant.
Le chauffeur freine, s'arrête et baisse la vitre qui nous sépare. Je lui tends quelques billets et nous descendons du taxi.

J'achète des sandwiches dans le petit magasin tout près de l'hôtel et nous montons pour manger dans la chambre. Le repas se passe en silence et Emma exténuée va se coucher directement après. Il ne reste plus que Luke et moi dans la pièce et on entend les ronflements sonores d'Emma. Luke prend soudainement la parole :
– Tu sais tout à l'heure, je voulais te dire que... je suis désolé de m'être incrusté dans votre groupe. J'ai bien vu que tu m'as toujours détesté, alors je voudrais savoir quelle en est la raison.
– Je... je ne sais pas... La seule raison était que je voulais rendre quelqu'un coupable de ce que mes parents me faisaient et comme tu étais mon voisin et que tu étais un garçon, je me suis dit que j'allais te détester. Voilà. Maintenant, tu dois me trouver bête et puérile, mais au moins tu sais pourquoi j'ai toujours été méchante avec toi... Désolée.
– Regarde-moi, dit-il en me relevant la tête, je ne t'en veux pas. Je vois bien que tu ne me détestes plus.

Ses yeux couleur chocolat fixés dans les miens me déstabilisent et je me sens nerveuse. On en est au moment du film où la jeune héroïne se fait embrasser par le garçon qu'elle croit aimer en secret alors que tout le monde s'en doute. Je me prépare psychologiquement à mon premier baiser (eh oui je n'ai encore embrassé personne !), c'est alors qu'il me chuchote à l'oreille :
– Je t'aime bien, tu sais ?
Mon cœur se brise en mille éclats de verre. « Je t'aime bien, tu sais ? ». Mais quel con ! Rien que ce mot suffit à briser tous mes espoirs. Je fais un mouvement brusque de recul et les larmes me montent aux yeux. Il le voit et dit :
– Pourquoi est-ce que tu pleures ?
– À ton avis ?
– ...
Je vois dans son regard l'incompréhension, il ne m'aime donc pas comme je le croyais. En fait, il est aveugle, c'est ça ? Je me retourne et pars me coucher, ça ne sert à rien que je lui dise ce que je ressens si c'est pour me prendre un « râteau ». Il ne cherche pas à me suivre et se couche dans la pièce d'à côté. Je ne m'endors qu'après une bonne demi-heure. Je suis exténuée et je ne me réveille donc qu'à dix heures et demies.

Apparemment, je ne suis pas la seule à être fatiguée car Emma et Luke dorment toujours lorsque je sors de la chambre. Je commence à ranger mes affaires et je regarde pour des billets de train vers Canterbury. Ce n'est pas gratuit mais ça passe dans notre budget. J'appréhende encore le moment où je vais retourner chez moi sachant que les habitants de la maison sont des voleurs qui n'auraient pas hésité à tuer leur propre fille.

Les Enquêtes d'Alice | Tome 1 Débuts à Londres Où les histoires vivent. Découvrez maintenant