J'attends d'entendre des pas faire grincer le parquet du palier pour me relever de mon lit.
– Alice, m'appelle Emma, on peut rentrer ?
– Oui, allez-y, je réfléchissais...
– Ah oui ? Et on peut savoir à quoi ? m'interroge Luke en s'asseyant près de moi sur le lit.
– Je repensais à ma vie avant d'arriver à Canterbury...
J'hésite à leur dévoiler les secrets du carnet trouvé à Londres. Je décide que je n'y suis pas encore prête mais j'enchaîne tout de même :
– Le fait de me retrouver dans mon ancienne chambre m'a bouleversée et désolée Emma, si je t'ai parlé brusquement mais je ne savais pas quoi faire car ce lieu fait appel à des souvenirs que je ne détiens plus, et ça m'énerve. J'ai des centaines de questions en tête auxquelles personne ne peut répondre à part mes souvenirs et... enfin vous avez compris, je suis perdue.J'ai l'impression de m'être libérée et pourtant il reste encore des choses que je leur cache comme mon prénom par exemple. Je sais que je ne suis pas encore prête à le leur dévoiler mais il faudra, un jour, que ce secret leur soit révélé avant qu'il n'éclate au grand jour.
– Mais ne t'inquiète pas ! me rassure Luke qui a passé un bras autour de mes épaules. Nous sommes là et si tu as besoin de nous dire quelque chose, n'oublie pas que nous t'écouterons quoi qu'il arrive ! Tu ne devrais pas garder tout ce stress pour toi ou tu vas finir par exploser ! dit-il en essayant de me remonter le moral.
– Et moi je serai toujours là pour t'embêter et te faire rire de tout et n'importe quoi ! Parole de meilleure amie ! affirme Emma.
– Merci. Qu'est-ce que je ferais sans vous ? m'exclamé-je une fois le sourire retrouvé.
– Bon, fin de la séance émotion et direction le restaurant ! J'ai faim ! s'écrie Emma.
– Allons vérifier si mes parents dorment toujours puis on ira ensuite. Luke, tu viens avec moi je ne veux pas me retrouver seule dans la même pièce qu'eux, ordonné-je.
Nous descendons donc voir mes parents dans leur doux sommeil tandis qu'Emma range ses affaires et se prépare à sortir.
Je sors la clé de ma poche pour ouvrir la porte fermée à clef lorsque Luke prend la parole.
– Où va-t-on dormir cette nuit ?
La question me prend au dépourvu, je stoppe mon geste et les pensées qui viennent de me traverser l'esprit.
– Je ne sais pas. Il y a deux chambres d'amis si vous voulez ou la chambre de mes parents, mais je doute que vous vouliez y dormir. Sinon il reste ma chambre avec le canapé dépliant. C'est vous qui voyez.
Luke me regarde et fait son sourire sournois, celui qui me fait craquer à chaque fois. Merde ! Je ne vais pas résister !
– Je te laisse le choix, après tout on est chez toi princesse, dit-il dans ce même sourire en coin.
J'adore qu'il m'appelle princesse !
– J'élimine la chambre de mes parents, c'est bien trop glauque.
– Oh mais je ne veux pas choisir pour toi ! Surtout ne te dérange pas pour nous ! dit-il de manière à me faire croire que j'ai le choix.
– J'imagine que la distance entre la chambre d'ami et la mienne est insupportable pour toi durant une nuit... Il ne reste donc que ma chambre.
– Tu es sûre que ça ne te dérangera pas ? m'interroge-t-il d'un air faussement désolé.
– Je suis surtout sûre que tu ne me laisseras pas le choix ! dis-je en riant.
– En effet c'est le cas. Mais tu vois que j'ai réussi à te donner l'impression que tu avais le choix. Alors que non.
– Mais oui... Sache qu'en faisant ce choix, tu as choisi de ne pas dormir dans le superbe lit de la chambre d'ami, avec ses quatre oreillers, son matelas ultra confortable et sa couverture double épaisseur...
– Je n'aurai pas ça mais je dormirai avec toi et ça compte plus que des oreillers et un matelas.
– Tu es beaucoup trop romantique, je trouve ! me moqué-je.
– Tu n'aimes pas ça ? me demande-t-il surpris.
– Non je n'aime pas ça... j'adore !
J'entre ensuite la clé dans la serrure pour pouvoir partir le plus vite possible au restaurant. J'ouvre la porte et aperçois mes parents, toujours endormis, affalés l'un contre au fond de la pièce.
– Tout m'a l'air bon. Maintenant refermons cette pièce à double tour et filons au restaurant ! me presse Luke.
Nous retrouvons Emma dans l'entrée puis nous dirigeons vers le restaurant. En chemin nous discutons de tout et de rien, en évitant soigneusement le sujet de mes parents. Nous croisons en chemin de nombreuses personnes grimées de toutes sortes d'attributs spécifiques à la Saint Patrick : des chapeaux verts et blancs, des fausses barbes et d'autres encore. L'intérieur du restaurant est doux et les odeurs de nourriture donnent l'envie d'entrer. À part quelques guirlandes en l'honneur de l'évènement, la décoration reste sobre. Une serveuse vient nous voir.
– Bonjour, dit-elle. Une table pour trois ?
– Oui s'il vous plaît, je lui réponds.
– Suivez-moi.
Elle nous conduit jusqu'à une petite table ronde dans le coin de la pièce entourée de lys en pot posés sur des étagères. Ils embaument d'une senteur qui me pique le nez tellement elle est forte.
– Vous ne trouvez pas que les lys sentent fort ?
– Si, mais j'adore l'odeur, répond Luke.
Tout en mangeant, nous continuons de discuter des goûts de chacun en matière florale. Les plats sont délicieux et le temps passe vite car nous sommes soulagés de ne plus être suivis par mes parents. Le repas fini et l'addition payée, nous nous baladons dans Canterbury durant le reste de l'après-midi, mangeons des sandwiches le soir sur un banc, croisons quelques fêtards puis prenons et le chemin du retour à la maison. Nos pas sont légers et nous avons retrouvé notre sourire grâce à notre victoire sur mes parents.
Je sors la clé de ma poche et l'introduis dans le trou de la serrure. La porte s'ouvre et nous entrons à l'intérieur. Je vais vérifier dans le cagibi que mes parents dorment toujours et découvre un message.
– Emma ! Luke ! Venez voir ! Mes parents sont partis ! hurlé-je terrifiée à l'idée qu'ils se soient enfuis.
– QUOI ?! crient-ils en cœur.
– Venez je vous dis ! Je ne veux pas y croire !
Ils arrivent et font la même tête que moi en voyant le cagibi vide avec un message posé à l'endroit où ils auraient dû se trouver.
– Il y a quoi sur ce morceau de papier ? Je suis sûre qu'il n'était pas là tout à l'heure.
Je prends le papier et le déplie lentement.
Raté ! Voilà pourquoi les enfants ne sont pas détectives : ils croient qu'on peut enfermer le serpent dans une cage à oiseaux. Vous ne nous aurez pas comme ça. À bientôt les débutants !
Bises, ელენე
C'est l'écriture de ma mère.
Je file vers la Pièce que je découvre entièrement vide. Je m'y attendais. Je rejoins Emma et Luke.
– Ils nous écrivent des petits mots maintenant ? se moque Emma.
– Il faut croire... Mais franchement ! Tu y crois toi ? Ils se sont échappés et ils nous laissent un petit mot comme s'ils étaient partis faire des courses ! Et puis c'est quoi cette signature ? m'exclamé-je, révoltée.
– Je ne sais pas. On dirait un autre alphabet... Je vais chercher sur mon téléphone, propose Luke.
Il le sort de sa poche et recopie l'écriture du mot.
– Ça s'écrit « elene » et ça veut dire « Helens » en géorgien et c'est, si je ne me trompe, le nom de famille de tes parents et également le tien.
– En effet... Mais pourquoi nous laisser un mot ? Pour nous narguer ? Et puis ils sont où maintenant ? Et pourquoi signer en géorgien ?
– Calme-toi Alice, tout va bien se passer. Si on ne les retrouve pas, la police pourrait nous aider à y arriver ! C'est leur travail après tout ! Il suffit de leur donner une photo de tes parents et ils nous aideront à retrouver leur piste ! me calme Emma.
– Mais comment tu leur expliques que trois lycéens soient à la poursuite de deux voleurs ? m'exclamé-je.
– Tu oublies la Brigade junior des services secrets anglais ! Avec ça ils nous croirons sur parole lorsque nous irons les voir, dit-il fier de lui tout en sortant la carte de sa poche.
– D'accord pour ça mais comment pourront-ils vérifier que les empreintes correspondent sans jamais les avoir vus ?
– Mais ils les ont vus ! me contredit Emma. Tes parents sont dans la police, et tout le monde doit mettre ses empreintes digitales sur sa carte d'identité ! Ils ont forcément leurs empreintes dans leurs archives !
– Bon, si ton idée est si géniale il ne nous reste qu'à aller dans un bureau de police et tout leur raconter, me résigné-je
– Mais n'oubliez pas que nous sommes à Canterbury et que tes parents sont dans la police de Londres, nous rappelle Luke. Ils n'ont peut-être pas leur dossier ici... Il faut donc que nous quittions Canterbury et que nous retournions à Londres.
– Ne nous pressons pas ! Il est tard et tout le monde ici a besoin d'une bonne nuit de sommeil. Nous partirons demain. En attendant, tout le monde file se coucher, nous ordonne Emma.
– À vos ordres mon capitaine, se moque Luke.
Je me retire dans la salle bains pour me préparer à dormir pendant que Luke et Emma préparent les lits. Je sors mon carnet que je garde désormais toujours sur moi et l'ouvre. Je relis quelques passages que j'ai écrits lorsque j'étais seule chez moi. J'arrive à la fin, le moment où je fais mes adieux à Lily, mon carnet et mes larmes se remettent à couler. J'entends quelqu'un s'approcher.
– Tout va bien Alice ? me demande Emma. On dirait que tu pleures...
– Non, non, tout va bien Emma ! je réponds après avoir séché mes larmes. Ne t'inquiètes pas, j'avais une poussière dans l'œil.
– Bon, si tu le dis...
Je me dépêche de me mettre en pyjama et de ranger mon carnet dans le sac, puis sors de la salle de bains.
– La salle de bain est libre, leur annoncé-je.
– Alors j'y vais, dit Luke.
Il prend ses affaires et part dans la salle de bains. Emma, qui est donc avec moi dans la pièce prend la parole.
– Comment tu penses que ça va se passer demain ? Enfin, je veux dire est-ce que tu penses que nous réussirons à attraper tes parents ?
– Je ne sais pas... Je croyais vraiment que nous en avions fini avec ça et puis ils sont partis alors je ne sais pas si je dois continuer de croire que tout se terminera bien pour nous ou bien si je dois me dire que mes parents finiront par gagner la partie... Et puis cette histoire de police, je n'y crois pas trop... Je ne sais pas mais je trouve que ce serait trop beau pour être vrai. Je suis d'accord pour que la police nous aide, mais je ne pense pas que le Grand Père sadique nous ait donné la mission pour que nous la reléguions à la police à la première difficulté.
– Mais Alice, nous ne sommes pas des détectives ! Nous sommes des lycéens ! Et un inconnu, qui au passage nous a menacé, nous oblige à mener l'enquête sur un vol dans la plus grande banque du Royaume-Uni ! Et tu trouves ça normal toi ? Ce n'est pas à nous de faire ce travail ! S'il nous l'a donné c'est parce qu'il est fainéant et qu'il n'a rien trouvé de mieux que de confier la capture de ses parents à une jeune fille de 16 ans et à ses deux meilleurs amis !
– Oui, bon tu as raison...
– N'oublie pas que tes parents ont tenté de nous tuer ! Ce n'est pas anodin ça ! Et ça prouve une fois de plus que c'en est trop ! Nous ne devons pas faire le travail de la police à la place de la police ! Allons reprendre nos études et vivons nos vies ! Tu seras détective privé si tu veux, tu vivras heureuse avec Luke et moi je serai créatrice de mode. Tout est bien qui finit bien et tout le monde est heureux.
– Oui...
À ce moment, je réfléchis à ce que pourrait être « vivre heureux » avec des parents en prison, une identité cachée et une enfance à moitié effacée. Elle a raison, nous devons retourner à Oxford et reprendre nos études.
– Je suis fatiguée, je vais dormir, dis-je à Emma.
– Bonne nuit alors !
– Bonne nuit, je lui réponds.
Je commence à m'endormir lorsque je sens un souffle chaud dans mon cou. C'est Luke. Il m'embrasse dans le cou et se met au lit. Je ressens des frissons et ma peau s'électrise là où ses lèvres touchent mon cou. J'adore ça ! Je me blottis contre lui et il passe son bras autour de ma taille. Je m'endors la minute suivante dans un tourbillon de plaisir.
La nuit passe bien trop vite à mon goût et je me réveille déjà. Je n'ai pas changé de position durant la nuit, trop bien installée à mon avis. Emma n'est plus dans la chambre, sûrement sortie s'habiller et Luke a déserté mon lit. Je suis donc seule dans la chambre. Je m'habille, me coiffe rapidement puis descends pour voir si Luke est en bas. J'arrive face à la porte en bas de l'escalier et découvre une enveloppe coincée sous cette dernière. Je me penche pour la prendre. Je l'ouvre et découvre un mot écrit à la main à l'intérieur.
Rebonjour les débutants ! Nous connaissons vos plans d'aller tout raconter à la police. Comme vous le savez, ce n'est pas bien de mentir... Si vous allez leur parler nous ferons tout pour qu'ils ne vous croient pas et que vous ayez des ennuis et croyez nous, nous en sommes capables. Gardez votre petit secret avec vous et nous vous laisserons tranquilles... mais non, on rigole ! Sur ce, bonne journée les enfants!
Bises, ელენე
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Les Enquêtes d'Alice | Tome 1 Débuts à Londres
TienerfictieAlice, 16 ans, va devoir résoudre une enquête sur le cambriolage de la banque de Londres qui va la ramener à son enfance. Elle sera accompagnée de sa meilleure amie, Emma et de son pire ennemi, Luke. Que va-t-elle découvrir sur son enfance ? Va-t-el...