Les Enquêtes d'Alice | Tome 1 Débuts à Londres

Chapitre XI

  Je me trouve maintenant devant ma maison, celle dans laquelle j'ai vécu depuis mes six ans, celle dans laquelle j'ai joué des après-midis entiers avec Emma, celle dans laquelle j'ai détesté Luke avec passion, mais aussi celle dans laquelle mes parents ont caché une fortune incommensurable amassée au fil des années, celle dans laquelle j'ai fait mes pires cauchemars, celle dans laquelle je me sens enfermée à chaque vacances : cette maison dans laquelle je vis chaque jour de ma vie depuis le début de l'Après.
  Emma et Luke se mettent en position « d'attaque » pendant que je me prépare à sonner chez moi et à assommer l'un de mes parents. Je sens le poids de la batte dans ma main et commence à douter.
  Les trois pas qui me séparent de l'entrée me font l'effet d'un gouffre sans fond que je m'apprête à franchir pour entrer en territoire ennemi. Un pas. Deux pas. Trois pas. Je sonne.

  La porte s'ouvre et sans réfléchir, j'envoie la batte dans la figure de la personne en face de moi. Elle s'écroule. C'est ma mère. J'entends des pas qui arrivent, Emma et Luke sont de chaque côté de la porte prêts à frapper à n'importe quel moment.

  Je me mets de côté pour que mon père ne me voie pas. Il passe la tête par l'embrasure de la porte et je lui envoie de nouveau la batte dans le visage. Il s'écroule.
  – Je crois qu'on les a eus, chuchote Emma.
  – C'est possible, mais on en fait quoi ? demandé-je réalisant que maintenant que c'est fait je ne sais pas comment réagir.
  – On les amène à la police et on a terminé notre enquête, répond Emma très enthousiaste à cette idée.
  – Mais on n'a aucune preuve et ils SONT policiers ! m'emporté-je.
  – Bien sûr que si que nous avons des preuves ! Ce sont leurs empreintes, tu as oublié ?
  – Leurs empreintes sont à Londres Emma ! Et on est à Canterbury ! Et ils font partie de la police ! Et on les a juste assommés, ils peuvent se réveiller à tout moment ! Et ils voudront vous tuer ! Et on va rater notre mission car des empreintes ne prouvent pas qu'ils soient des voleurs ! Et...
  – Alice ! hurle Emma.
  Je m'interromps et la regarde à moitié tremblante et en hyperventilation.
  – Regarde-moi bien Alice, nous allons réussir notre mission. On va les ligoter, les mettre dans la maison en attendant que Nicholas et sa clique arrivent et tout sera réglé. Nous n'allons pas mourir.
  – Ça va aller, dit Luke en me prenant dans ses bras.
  – Oui, maintenant ça va mieux, dis-je apaisée par sa présence.
  – Alice tu sais sûrement où trouver deux cordes chez toi donc tu peux y aller pendant que je rentre les corps avec Luke.
  Je m'exécute et pars en quête des cordes pendant qu'ils s'affairent à traîner deux corps sur dix mètres.
 
  Je ne suis pas revenue chez moi depuis les dernières vacances mais rien n'a changé. Toujours la même odeur : le parfum de ma mère. Les mêmes décorations depuis mes six ans : des vases anciens dans les tons pastel. Toujours aucune photo de ma famille : pas de grands parents, de cousins, de tantes, d'oncles, rien. Je retrouve cette maison telle que je l'ai laissée.

  Les cordes doivent se trouver dans l'atelier de bricolage de mon père, à l'autre bout de la maison. Je passe devant la Pièce et me remémore mon rêve : moi, enfant, naïve, découvrant le contenu de cette pièce qui était encore pour moi un mystère total et en même temps que mes parents n'étaient pas aussi bons qu'ils le disaient.
  Je farfouille dans l'atelier et trouve les cordes puis repars vers l'entrée pour rejoindre Emma et Luke.
  – Je vais vous aider sinon on n'a pas terminé ! m'exclamé-je en voyant leur travail.
  Ils les ont allongés par terre à a peine cinq mètres de la porte. Je les aide et mets les cordes aux poignets de mes parents.
  – On fait quoi maintenant ? me demande Emma.
  – Maintenant on les déplace encore une fois jusque dans une pièce avec un verrou et sans fenêtres.
  – Aaaah... soupirent-ils en même temps.
  – Je propose de les mettre dans le cagibi.
  – Va pour le cagibi alors, disent-ils en cœur.
  Une fois de plus nous déplaçons mes parents, jusqu'au cagibi à l'autre bout de la maison. Lorsque le travail est fait, Luke prend la parole :
  – Maintenant on fait quoi ?
  Je regarde ma montre : 12h30.
  – On va manger, dit Emma pleine d'entrain comme à son habitude. Alice, tu as une adresse à nous recommander ?
  – Il y a un bon resto au bout de la rue. Mais je vais aller poser mes affaires dans ma chambre d'abord.
 
  Je ne suis pas montée dans ma chambre depuis les dernières vacances, et je prie en montant les escaliers pour que rien n'ai bougé car ma chambre représente pour moi le seul espace de cette maison où je suis en sécurité quoi qu'il arrive.
 
  J'ouvre la porte et découvre mon coin de paradis dans cet enfer tel que je l'ai laissé la dernière fois. Je souffle de soulagement intérieurement. Tout y est. Je passe la porte et m'écroule sur mon lit : une habitude que j'ai prise en rentrant à la maison après des semaines de pensionnat. Je pose le sac qui contient mon journal retrouvé dans mon ancienne maison. Je me dis que dès que j'aurais le temps, sûrement le soir, je le lirai et découvrirai tout ce que j'avais vécu dans les mois qui avaient suivis le début de l'Après. Toutes les misères que mes parents m'avaient fait subir étaient enfermées dans ce petit carnet à l'apparence usée, racontées par une enfant de six ans qui ne se doutait de rien à l'époque.