Chapitre 9

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Le miracle se produisit finalement. Enfin, Juliette s'était réveillé ! Les infirmiers avaient travaillé sans relâche pour y parvenir. Quelle fierté pouvait-on lire dans leurs regards ! Juliette, quant à lui, fut complètement déboussolé par ce changement d'endroit. Il fut étonné de ne pas être dans la cellule nauséabonde en train d'essayer de s'endormir. La pièce d'un blanc éclatant contrastait violemment avec les murs ternes de la prison. Ici, tout était à sa place. Une dizaine de machines et d'outils comblaient le vide. Sans oublier le lit parsemé de fils sur lequel il était allongé...

Le touriste, déconcerté, étira son cou afin d'observer l'extrémité de ce dernier. Au même moment, une dame vêtue d'un impeccable uniforme reposa sa tête sur l'oreiller.

Son cœur rata un battement. Il était trop fatigué pour avoir remarqué la présence d'une autre personne. Alors qu'il tentait d'analyser le visage de l'inconnue, celle-ci lui adressa la parole.

« Ça y est.

-        Elle s'est enfin réveillée, ajouta un autre.

-        Bon travail, sifflota un homme, lui aussi habillé de blanc.

-        Attendez. Il ne faut pas la brusquer, poursuivit la dame. »

Alors là, Juliette n'y comprenait rien de rien. Il avait été endormi ? Que s'était-il passé ? De plus, ces personnes croyaient que Juliette était une fille. C'était compréhensible, mais tout de même désolant. Ce dernier décida d'émettre un léger grognement, afin de transmettre son incompréhension.

Oh. Comment vas-tu, petite ?

-        Ça peut aller... répondit le concerné.

-        Tu ne te souviens sans doute de rien, pas vrai ? Ne t'en fais pas, c'est normal. Tout ce qui compte, c'est que nous avons réussi à te sauver. C'était moins une, renchérit la professionnelle.

-        Hum, d'accord, souffla Juliette, un brin perdu. Mais, que s'est-il passé ? J'ai très envie de savoir.

Son interlocutrice se retourna brusquement, question d'établir un contact visuel avec ses collègues. Ceux-ci opinèrent légèrement de la tête, signifiant qu'ils acceptaient qu'elle raconte l'histoire à Juliette.

« Eh bien, tu te trouvais dans une miteuse cellule. Mais ça, si je ne m'abuse, je crois que tu t'en souviens. Nous avons été informés que ton ami s'était assoupi. Quelques heures plus tard, il s'est tiré de son sommeil et t'a découverte, allongée au sol. Paniqué, il appela les gardes de la prison qui, à leur tour, nous contactèrent. Nous sommes venus te recueillir en transport ambulancier afin de t'amener jusqu'ici. Voilà ce qui s'est produit, de façon brève. »

Juliette demeura silencieux un petit moment. Cette situation était très particulière. Même ironique, en fait. La police était censée être un réseau fiable et sécuritaire. Tomber malade dans un de leurs établissements était très particulier. Ces pensées firent rigoler le patient. Les employés, interloqués, haussèrent un sourcil en signe d'incompréhension. Cela dit, ils ne prirent pas la peine d'essayer de comprendre, leur malade trop exténué pour discuter.

Le personnel lui offrit deux petites rôties tartinées de beurre ainsi qu'une banane. Il ne mangea pas le tout, mais avala ses médicaments. Quelques minutes plus tard, il ronflait.

Pendant que leur enfant séjournait à l'hôpital, monsieur et madame Dumas se trouvaient dans une étrange situation. En effet, les parents de Juliette s'inquiétaient pour leur progéniture. Ils avaient chéri celle-ci pendant des années et voilà que, du jour au lendemain, elle se volatilisait. C'était un coup sacrément dur à encaisser. Cela dit, d'un autre côté, ils étaient encore choqués par la fameuse révélation. Chez eux, ce genre de changement de sexualité était totalement inconcevable.

Pour ajouter à tout cela, les amis des parents de Juliette commençaient à se poser des questions. Évidemment, ces derniers leur avaient raconté que leur enfant était parti faire des études à l'étranger. En fait, ce qui tracassait réellement les collègues et compères des Dumas, c'était la phénoménale baisse de moral de ceux-ci. Ils devraient être réjouis que leur bébé fasse de si importantes études, non ? Tout cela était si suspect que même les intimidants camarades de classe du voyageur étaient suspicieux. Cela dit, les malheureux parents ne pouvaient rien faire pour fixer le tout. Ils devaient simplement attendre le retour de leur Juliette.

...

Raphaëlle vagabondait dans les rues du Vieux-Port de Montréal. Elle était abasourdie par tout ce qui se passait. Tout d'abord, l'arrestation de ces deux pauvres innocents lui ayant héroïquement rendu la vie sauve. De plus, il y avait toujours son ancien copain en cavale. Celui-ci la terrifiait au plus haut point. Elle ne pouvait croire qu'elle était restée avec ce fou furieux pour plus de deux années. Deux ans à souffrir silencieusement, refusant de croire à son agressivité pourtant bien présente. Cela dit, elle avait enfin compris sa vraie nature. À présent, elle désirait plus que tout le voir pourrir en prison.

Alors que l'étudiante en arts visuels était perdue dans ses pensées sombres, une ombre attira son attention. Elle releva ses doux yeux bruns. Elle dut remuer ces derniers quelques fois avant d'établir la mise au point. Son cœur, lui, n'eut besoin de rien pour reconnaître ce personnage. C'était lui, Raphaëlle le savait du plus profond de ses entrailles. Elle devait réagir, mais son corps était pétrifié. La jeune femme sentait ses pieds bien enracinés dans le trottoir grisâtre. D'innombrables secondes passèrent avant que celle-ci n'esquisse un mouvement. Elle commença par bouger minimalement ses bras ballotant. Ce mouvement attira l'attention de l'agresseur, qui réagit aussitôt. Ses pieds commencèrent à se mouvoir. Subtilement, il se rapprocha de son ancienne copine. Il dégageait une aura de ruse, de méchanceté. Un léger sourire narquois habillait son large visage. Cependant, un capuchon bleu marin masquait ses yeux d'une teinte presque noire.

Chaque seconde comptait. En effet, le jeune homme était dangereux. Bientôt, il atteindrait sa proie. Cette dernière débuta sa course. Elle voyait tout au ralenti, comme un effroyable film d'horreur. Elle faisait de son mieux pour échapper à son prédateur. Alors qu'elle courait, elle aperçut une boutique. Celle-ci semblait si loin. Elle se concentra du mieux qu'elle put afin d'atteindre son objectif. Bien évidemment, elle s'efforça de ne pas regarder en arrière. Elle ne pouvait se permettre d'être déconcentrée ou troublée.

Après une quinzaine de secondes qui lui parurent une éternité, elle atteignit la porte vitrée de la boutique. Celle-ci était remplie de fiches, de papiers et d'avis. La jeune femme ne pouvait donc point observer l'intérieur. Sans se poser davantage de questions, cette dernière tourna la poignée et pénétra dans l'immeuble. Elle savait qu'ici, Anthony ne pourrait l'attaquer. Sa main toujours posée sur la poignée, elle reprenait sa respiration. Une fois que celle-ci eut repris un rythme régulier, elle put se retourner.

L'endroit était sombre. Les yeux de Raphaëlle mirent un certain temps à s'ajuster à ce manque de luminosité. Une fois cela fait, elle put observer une grande quantité de bougies. La jeune étudiante sentait également une forte odeur d'alcool. À en juger par les tables basses peuplées de bouteilles vides et des goulots, cet endroit était un bar. En effet, à sa gauche se trouvait un énorme comptoir. Un homme robuste et moustachu était posté derrière celui-ci. Étrangement, ce dernier ne lui inspirait point confiance. La jeune femme détourna son regard de l'homme et le posa sur le groupe de personnes qui siégeaient au centre. Ceux-ci semblaient tendus, elle pouvait le ressentir. Sans surprise, elle se sentit embarrassée. C'était comme si elle interrompait quelque chose. La dizaine d'individus présents étaient rassemblés en un cercle, boisson à la main. Ils avaient l'air en grande discussion. Une discussion privée, on dirait bien. La présence de Raphaëlle les dérangeait au plus haut point. Celle-ci, toujours troublée par sa petite course-poursuite, s'apprêtait à quitter la tanière. Elle esquissa un léger mouvement afin d'échapper à cette situation troublante. Rapidement, elle prit son téléphone et contacta la police. Seulement, deux gros bras l'agrippèrent solidement, l'empêchant de débuter l'échange. Son petit appareil gisait au sol.

Elle fut complètement déstabilisée. Oui, elle les avait peut-être dérangés, mais pourquoi la capturer ainsi ? Alors qu'elle tentait de comprendre cette énigme, un bout de tissu noir vint recouvrir ses yeux. Quoi ? Encore ? Elle ne voyait absolument rien, le morceau était beaucoup trop opaque. Un juron sorti de sa bouche. Elle ne put s'en empêcher, la pauvre était dans un sale calvaire.

Pour ajouter une couche supplémentaire, le serveur pressa un second bout de tissu sur sa bouche. Néanmoins, la fabrique était imbibée d'un produit particulier. Raphaëlle s'assoupit à son contact.

Quand mes démons auront des ailesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant