Quand mes démons auront des ailes

Chapitre 14 (finale)

2 août 2015

Six années s'étaient écoulées depuis la mort tragique d'Olivier Lambert. Le temps avait fait bien des choses. Cela dit, la peine était toujours présente, ancrée au plus profond des cœurs de ses proches. Pas un jour ne passait sans que quelqu'un ne lui adresse une pensée ou une prière. Sa pure âme ne sera jamais oubliée, c'était certain. Elle continuera de briller parmi les plus étincelantes étoiles.

D'autres événements avaient également eu lieux. Raphaëlle travaillait dans une prestigieuse entreprise. Créer de l'art était bel et bien devenu son métier. Son rêve de petite fille s'était réalisé. Du côté de Juliette... Enfin, ce prénom était désormais disparu. L'originaire de Limoges avait décidé d'enterrer son vieux nom une bonne fois pour toutes. Un jour, il avait dit à son meilleur ami qu'il souhaitait sélectionner son nouveau nom adéquatement. Eh bien, après tout ce que son plus fidèle complice accompli pour lui, il sut exactement quoi faire. Le jeune adulte se renomma Olivier, en son honneur. Pas une seconde il ne regretta ce choix. Sans lui, son souffle se serait éteint il y a bien longtemps.

Pour ajouter à cette bonne nouvelle, Olivier était finalement devenu un citoyen canadien. Les démarches avaient été longues, mais cela en valut la peine.

Quant aux escrocs, c'est grâce au travail acharné de la police de Montréal et de la SQ qu'ils se virent atterrir en prison. Le malfaiteur ayant enlevé la vie à Olivier sévit dans une minables cellule. Les complices furent bien évidemment inclus. L'ex-copain de la créative Raphaëlle eut un peu de compagnie...

Ce n'était cependant point le moment de penser à tous ces affreux criminels. Aujourd'hui était jour de fête ! Cette journée d'aout était consacrée à la célébration d'une magnifique union.

Le ciel, dégagé, offrait une chaleureuse brise sur toute la place. Le soleil, quant à lui, illuminait ce grandiose scénario. Sur chaque rangée de sièges se trouvait des amis que les tourtereaux s'étaient fait à travers les années. Il y avait également des collègues, d'anciens étudiants de leurs classes ainsi que des membres de la famille. Tous ces gens étaient impatients de voir les deux jeunes gens se dire « oui, je le veux ! »

Alors que les invités murmuraient, on aperçut quelqu'un s'approcher de l'allée. Il s'agissait de la future mariée, resplendissante dans sa robe immaculée. Le tissu était incroyablement doux, parsemé de différentes broderies. Sa chevelure, impeccablement coiffée, sentait la fleur d'orange. Raphaelle était si remarquable qu'elle paraissait presque irréelle.

En tout cas, c'est ce que son futur mari pensa lorsqu'il l'a vit s'approcher doucement de lui. Il ne pouvait s'empêcher de la fixer, admirant chaque détail de son délicat être.

Le célébrant se racla la gorge, sortant le couple de leur rêverie. Ayant poliment souhaité la bienvenue à toute l'assemblée, celui-ci récita son discours habituel. Après de longues minutes, le moment tant attendu se pointa enfin. Le vieil homme demanda à Raphaëlle si elle souhaitait prendre l'homme se tenant devant elle pour époux. Elle prononça les mots magiques, éclaircissant le doux visage de ce dernier.

La même question fut posée à Olivier. Sans la moindre hésitation, il débita la même phrase, scellant leur union pour toujours.

Passer de simples amis à mari et femme fut un long processus. Après le décès de leur valeureux ami, les deux jeunes personnes se réconfortèrent mutuellement. Ils passaient le plus clair de leur temps ensemble. En effet, l'étudiante universitaire de l'époque fut d'une grande aide pour son ami. La carrière de celui-ci avait débuté après que son défunt colocataire eut publié un merveilleux livre à son sujet. Il commença donc à écrire un autre livre, puis deux et trois. La plupart de ses ouvrages traitaient de l'acceptance ainsi que du développement personnel. Des admirateurs venant de partout à travers le monde lui écrivaient régulièrement. Certaines personnes le suivant depuis l'existence de son petit blog commencèrent aussi à lire ses excellents bouquins.

Et puis, de fil en aiguille, la relation d'Olivier et de Raphaëlle s'intensifia. Ils apprirent à se connaître davantage. Ils se découvrirent des facettes totalement inconnues. Jamais ils n'auraient cru autant apprécier la compagnie de l'autre. Et comme ça, lors d'un beau soir de printemps, ils prirent leur courage à deux mains et s'avouèrent leurs sentiments. Ce fut une décision que tous deux ne regrettèrent pas.

Tout cette aventure les mena dans un beau champ de campagne, à se glisser une bague au doigt. À peine le monologue du célébrant achevé qu'Olivier tira Raphaëlle vers lui, l'embrassant comme il ne l'avait jamais fait. Époumonés, ils desserrèrent leur étreinte. Les jeunes mariés sourirent de toutes leurs dents alors qu'ils balayaient la bruyante foule du regard.

Cela dit, le cœur d'Olivier rata un battement lorsqu'il reconnut deux têtes bien particulières. Une fraction de seconde lui suffit pour identifier ses parents. Son cœur se figea, mais son corps, lui, le guida automatiquement vers ses géniteurs. Alors qu'il déambulait l'allée recouverte de tapis, il ne put s'empêcher de repenser à tout ce qu'ils avaient traversés. Le français abandonnant ses parents pour Montréal, ceux-ci se faisant un sang d'encre pour lui... Mais, à l'époque, c'était la meilleure décision qu'il eut prise. Vivre auprès de personnes le tirant vers le bas le rendait fou. Néanmoins, cette haine s'était atténuée. Voilà déjà un bon nombre d'années qu'il avait perdu contact avec eux.

Un brin envahi par la petite foule, il se rendit finalement à eux. Debout devant ses géniteurs, il ne sut que dire. Sa mère s'avança, remettant le nœud papillon de son fils en place. Son père, lui, lui tapota l'épaule.

« Nous sommes tellement heureux de te revoir... » Ce sont les seuls mots que sa mère parvint à dire avant de fondre en larme. Son bébé se tenait enfin devant elle.

Celui-ci ne put s'empêcher de répliquer :

« Bien sûr que non, mais que dis-tu là ? répondit son paternel. Jamais cela ne se produira. Tu sais, un tas de choses se sont produites depuis la dernière fois. Oui, nous étions en colère, et nous en sommes profondément désolés. Si tu savais à quel point nous regrettons notre effroyable comportement... Nous avons fait de la thérapie et travaillés sur nous-mêmes. Nous nous en sommes sortis bien plus forts. Et tu sais quoi ? Que tu sois homme ou femme, peu nous importe. Tu resteras toujours notre enfant. Cela dit, pour nous faire pardonner d'avoir été si injustes avec toi, nous allons t'aider à payer tes opérations. »

Olivier joignit sa tendre maman dans le flot de larmes. C'était le plus beau présent qu'on pouvait lui offrir. Le jeune homme avait déjà entamé le long processus, mais la ligne d'arrivée était loin d'être à ses pieds. Cette aide financière l'émeut très profondément.

« Je... Je ne sais pas quoi dire. Je suis si reconnaissant. Si vous saviez à quel point vous m'avez manqué ! Et puis ce cadeau que vous me faites, c'est exceptionnel. Je ne pourrais en demander davantage. Merci infiniment. Mais... Dites, comment m'avez-vous trouvé ? »

« Voyons, mon chéri, c'est pourtant évident, poursuivit sa mère. Tu es devenu si populaire ! Les gens du quartier ne parlent que de tes remarquables œuvres. Trouver ta localisation fut donc un jeu d'enfant. Et alors, après un peu plus de recherches, nous avons réussi à entrer en contact avec les parents de Raphaëlle. Ils sont très charmants, d'ailleurs. Oh ! Nous avons si hâte que tu nous racontes tout à propos de ta belle... Mais avant tout, que dirais-tu d'un câlin ? Ça fait une éternité... »

Leur fils opina de la tête, à court de mots. Brisant la distance les séparant mutuellement, ils s'échangèrent un long câlin empli de tendresse. Cette soirée promettait d'être haute en émotions.

Une chose était sûre, leurs âmes étaient pures, et une autre étape de leurs vies était sur le point de débuter.