On marchait cote à cote, longeant le bord du fleuve endormi. On est passé devant le Tahiti bar, fermé, comme abandonné, alors qu'il était plein de vie deux heures auparavant. Je ne savais pas exactement quelle heure il était, mais ça, en pleine nuit, il n'y avait absolument personne. Ariane était un peut plus petite que moi. On était éclairé par la lune, car on s'approchait du bord du parc et il n'y avait plus de lampadaires à ce niveau là.
-Ou est ce qu'on va?
-Tu verras, répondit Ariane. Tu es pressé? Tu veux rentrer chez toi?
-Non, non, ça va!
Elle marchait d'un pas décidé, elle avait donc un but précis. On a continué, il y avait moins d'arbre de ce coté ci, de grandes étendues d'herbes à notre gauche et le fleuve directement à notre droite. Je ne savais pourquoi je la suivais. Je ne la conaissais même pas. Pour moi, elle était encore la fille qui s'assoie dans le fond de la classe d'anglais.On est arrivé tout au bout, après dix minutes de marche, au club d'aviron. En effet, les berges se terminaient par ce grand batiment à deux étages qui abritait le club d'aviron de Vichy. Je n'en avait jamais fait, je voyais les voyait juste de temps en temps s'entrainer, et je crois qu'il y avait une compétition renommée ici chaque année. Un quai flottant longeait le bord, et quelques canots y était ammarés. Ariane marcha vers le batiment, le contourna, et s'arreta devant une porte de service à la peinture écaillée.
-Qu'est ce que tu fait? ai-je soufflé.
-Restes là!
Et avant que je ne puisses ajouter quoi que ce soit, elle rentra dans le batiment. Je suis resté à tenir la porte, scrutant l'obscurité. J'ai entendu qu'Ariane fouillait une armoire, et elle est ressortie quelques secondes plus tard avec deux rames.
-C'est complètement interdit!
-Oui, je sais. Mais qui va nous le dire? Allez, viens!
Et elle est allée sur le quai, pour monter sur un des canots. Quelques instants plus tard, je me retrouvais avec elle au milieu du fleuve.Ce n'était pas le même silence. Il y a des personnes avec qui l'absence de discussion devenait juste génant. Avec Ariane, le silence était réconfortant. On aurait pu rester tous les deux sur cette barque pendant des heures sans rien dire, et se sentir rassurés. Sa présence avait quelque chose de bienveillant. Les étoiles se reflétaient dans l'eau, dans le ciel, dans ses yeux verts.
-Tu penses à quoi? m'a t'elle demandé.
Elle avait rangé les rames, nous immobilisant au milieu du fleuve. Il y avait cinquante mètres d'eau noire de chaque coté.
-Au cambriolage. Je suis vraiment foutu.
Et c'était vrai. Je sentais la réalité me peser dessus. Mon rêve était brisé. Elle ne répondit pas. Je voyais qu'elle essayait de trouver des mots réconfortants.
-Ça va aller, a t-elle simplement dit.
-Merci. Tu n'es pas obligée de faire des grands discours, tu sais.
-Je ne suis pas très douée pour ça.
-Tu fais souvent ça?
-Quoi donc? Parler à des inconnus en détresse où m'isoler au milieu d'un fleuve en pleine nuit?
-Les deux.
-Non, c'est la première fois. Pour chaque truc.
J'ai levé un sourcil étonné.
-Alors pourquoi?
-Je ne sais pas. Je suppose que j'avais aussi besoin de parler, que... Je ne sais pas. D'un coup, je l'ai fait, et c'est tout. Je peux te ramener sur la rive si tu veux.
En y repensant, c 'est vrai qu'elle était aussi venu toute seule sur un banc au milieu de la nuit. Elle avait peut être eu elle aussi de gros problèmes, et je ne lui avais même pas demandé.
-Est ce que ça va?
-Pas trop. Mais tu vois, là, je suis bien, et je resterais bien si on n'en parle pas. Je veux parler d'autre chose.
On entendait le clapotis des vagues contre la barque. Nul n'aurait pu nous voir. On aurait pu couler là, tous les deux, sans que personne ne le remarque.
-Comment tu savais que la porte se secours du club d'aviron était ouverte?
-Je travaille au restaurant qui est juste à coté. En tant que serveuse. Je vois les vois souvent rentrer et sortir les rames par là. J'ai toujours voulu essayer de faire ça.
-Au restaurant qui est juste là?
-Oui. Tous les soirs jusqu'à vingt-et-une heure. J'ai besoin d'argent pour financer mes études. J'ai pas trop le choix.
Je n'étais jamais allé manger à cet endroit, alors c'était normal que je ne l'ai jamais vue. Mais quand même, j'étais surpris. J'ai dit:
-Si un jour j'ai les moyens, je veux m'acheter un bateau. Pas forcément un immense yacht, non, mais je veux pouvoir faire le tour des cotes. Et toutes les dessiner.
-Moi aussi. Je veux même vivre sur un bateau. Mon rêve, c'est d'aller en haute mer. Assez loin pour ne pas voir la terre, nulle part. Que de l'eau. Comme si j'étais posée sur l'infini. Pas de frontière, de barrière, d'obstacles. Personne pour venir t'embêter. Le plat, le simple. Un distance infinie pour l'œil dans toutes les directions. A cet endroit là, le monde entier pourrait s'écrouler, que je ne le verrais même pas.
-Pourquoi le monde s'écroulerait t-il?
-Il est déjà en peu en train, non? Regarde, tout le monde fuit. Rien que nous deux, on vient de fuir le rivage.
J'ai réfléchi. Elle s'était un peu allongée, contre le fond de la barque, à l'avant. J'étais assis à l'arrière. J'ai dit:
-Moi, je veux fuir ma maison. C'est aussi pour ça que je voulais mon école, à Paris. Là-bas, j'aurais pu enfin être tout seul, être libre, vivre ma vie en autonomie.
-C'est horrible chez toi? a t'elle demandé doucement.
-Non, et c'est ça le pire! C'est horriblement... banal. Chaque soir, à table, on parle toujours des mêmes sujets, on regarde la télé, avec que des infos horribles qui passe à la télé. Je n'en peux plus de cette télé, allumée en permanence, et chaque jour une nouvelle guerre, de nouveaux morts, de nouvelles maladies.... Et mes parents en redemandent! Ils ne sont pas méchants, je les aimes beaucoup, mais si il ,n'y a pas de mauvaise nouvelle du jour, alors ils n'ont rien à dire et on mange presque en silence. Alors, oui, je veux fuir chez moi.
-Tu sais, eux aussi veulent surement fuir quelque chose. C'est juste qu'au bout d'un moment, les gens abandonnent.
-Tu as abandonné toi?
Ariane haussa les épaules.
-La jour où j'arrêterais de fuir, c'est que je serais morte.
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Le monde peut bien brûler
Ficção AdolescenteEn une soirée, la vie de Paul s'écroule. Il perd son avenir, la fille qu'il aime, et tout son argent. Alors qu'il est au plus bas, il rencontre Ariane, avec qui il part à la recherche dangereuse de ceux qui lui ont tout volé. Quitte à tout risquer...