Mardi - 3

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Au début, je n'ai pas vraiment réalisé ce qu'il se passait. J'étais hyper anxieux et je surveillais la conduite d'Ariane. Mais au bout d'une demi-heure, quand j'ai vu qu'elle roulait vraiment bien, un modèle. On est sorti de la ville, on a laissé Vichy derrière nous, et on s'est enfoncé dans la nuit. Et à un moment, on s'est retrouvé sur une départementale, seuls, la nuit commençait à arriver. Et j'ai pris conscience de la situation. Ariane souriait toujours, et c'est devenu contagieux. 
-Tu fais copilote? a t-elle demandé. 
-Oui, bien sur! Mais on va à la Rochelle directement ce soir? On va arriver vers minuit sinon...
-Non, non, je pense qu'on va s'arrêter dans une heure ou deux... On trouvera bien un hôtel.
Milles questions ont fusées dans mon esprit, comme : Un hôtel? On va payer combien? On est mineurs, ça va pas passer... On prend une chambre pour deux? Etc... Mais j'ai juste haussé les épaules pour avoir l'air détendu.
-Ah ok. Bon, je m'occupe de la musique!
J'ai branché mon téléphone sur la prise jack, et pour nous faire plaisir, j'ai mis des chansons des nineties. Ariane a commencé à bouger la tête en chantant, et je l'ai suivie. 

J'avais l'impression de plonger littéralement vers l'inconnu. C'était la même sensation que lors d'un saut un parachute, enfin j'imaginais. La peur, un peu d'angoisse, mais la sensation d'adrénaline, l'excitation, l'euphorie. L'instant privilégié, d'être à l'avant de cette vieille mustang au moteur ronronnant, avec le soleil qui se couchait autour de nous, la musique, les cheveux clairs d'Ariane, son sourire, ses yeux verts brillants fixés sur la route. 

-Je suis désolée de ce départ un peu précipité, a t-elle dit. Je l'avais pas vraiment prévu, mais j'avais vraiment envie de partir de chez moi. 
-Tu veux en parler?
-Peut être... oui, un peu... En gros, mon père s'est déjà marié avec une autre femme, il y a dix ans. Ils ont eu un enfant, mon grand frère. Apparemment, l'ex-femme de mon père l'a quitté pour un autre homme, beaucoup plus riche, et mon père a pas eu la garde de son fils. Depuis, mon père a sombré, et a eu un enfant avec une autre femme, moi, qui l'a de nouveau quitté. Je vis seule avec lui. Je vois qu'il fait de son mieux pour moi, mais... c'est pas facile tous les jours. Par exemple, hier soir, il avait trop bu, et il m'a lâché qu'il pensait que je serais incapable de faire quoi que ce soit dans la vie, comme lui. J'ai pas supporté, et j'ai pris la voiture.
-Oh wow. Ton frère vit avec vous?
-Il passe de temps en temps. Comme sa mère veut pas nous aider, il fait ce qu'il peut, il est super gentil avec moi. Bon, il tiens quand même beaucoup à sa caisse, ils sont riches mais pas milliardaires non plus, mais il était ravi de me la prêter. Faut juste pas l'égratigner. 
-Je suis désolé pour toi. Tu as une vie... compliquée.
-T'en fais pas. J'ai grandi comme ça. Un jour ça ira mieux, quand je me serais tirée de tout ça. 
Ariane a monté le volume de la musique, en chantant. On roulait vers l'inconnu.

Ça faisait une heure qu'on roulait, et on avait tous les deux faim, alors on s'est arrété dans un McDo. Il était situé au milieu de pas grand chose, un peu comme tout dans cette région de France.
On est sorti de la voiture, et j'ai eu un petit sourire. On était un peu clichés, elle avec son débardeur noir, sa veste en jean, ses bottes en cuir, et moi avec ma veste marine, du rock des nineties, se garant pour aller au McDo, mais j'aimais ça. 
Il n'y avait pas grand monde à l'intérieur. Un monsieur, surement un routier, avec sa casquette bien enfoncée, qui mangeait son BigMac, et trois personnes plutôt âgées, qui discutaient en épiant tout du regard, avec leurs cafés. 
On a commandé nos menus, mais malheureusement, la machine à milkshake était cassée. Ariane a pris un McFlurry à la place. 
-Tu as déjà voyagé? 
-C'est une question banale, ça, a répondu Ariane. 
-Mais quand même intéressante. 
-C'est vrai. Et bien, désolée de te décevoir, mais je ne suis pas une immense globe-trotteuse. Même si j'en rêve. Une fois, je suis allée dans un zoo, c'était bien. Et puis, il y a deux ans, mon frère m'a emmenée voir la mer, à Biarritz. C'était incroyable. Je m'en souviendrais toute ma vie. Je suis restée assise des heures sur la plage. Il a dit qu'on repartirait cet été. J'ai trop hâte. Ah, et je suis montée à Paris une fois. C'était impressionnant, et tous les bâtiments ont leur petite histoire. Et toi?
-Moi? J'ai eu la chance de faire deux voyages scolaires, un en Grèce et un à Berlin. Avec mes parents, on a aussi visité Londres, et on a un peu bougé en France. 
-C'est déjà pas mal!
-Oui, en soit, j'ai de la chance. 
-Quand je pourrais, je voyagerais partout, a fait Ariane. C'est juste une question d'argent. C'est si difficile d'en gagner... Je devrais peut être me lancer sur Instagram, qui sais. Apparemment, mettre des photos de ses fesses rapporte plus que les études, ces temps-ci. 
-Ca dépend des fesses, je suppose. 
-Ah, et t'en penses quoi des miennes?
J'ai failli rougir, et j'ai juste levé haut les sourcils en mangeant mon burger. 
-Et bien... Hmm... 
Ariane a rigolé.
-Je plaisantais. 
On a continué à parler un peu de nos voyages, en terminant le repas. Puis, on a convenu qu'on allait trouver un hôtel pas cher pour dormir, et on a commencé à regarder ce qu'il y avait autour de nous. 
Vers vingt-deux heures, on est sorti pour rejoindre la voiture, puis l'hôtel. 

Le monde peut bien brûlerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant