Lundi - 1

9 3 0
                                    

La réalité m'a réveillé comme une gifle. En sursaut, j'ai vu qu'il était six heures du matin, et que j'avais la respiration haletante. J'ai regardé par la fenêtre, il faisait encore nuit. J'ai vu un oiseau s'envoler haut dans le ciel, comme l'avait fait mon rêve hier soir. Je suis retombé dans mon lit, fixant mon plafond. 

Qu'est ce que je pouvais faire? J'étais foutu. Sans espoir. Est ce que je pourrais refaire un portfolio en une semaine? Ça me paraissait mission impossible. Peut être faire moins de dessins, et expliquer le cambriolage... Pourquoi avaient-ils pris la pochette? Elle ne valait rien, pour eux. Et si... ils s'en étaient rendu compte, eux aussi? Qu'ils l'avaient pris dans la précipitation, pour la jeter sur le chemin? 

Il fallait que j'essaye. Les éboueurs ne passaient que dans deux heures dans la quartier, et je commençais les cours à neuf heures du matin. Je me suis habillé en une demi-seconde, et j'ai couru dehors. Et j'ai commencé à parcourir les poubelles du quartier. La pochette était grande, environ un mètre de long sur soixante-dix centimètres, de couleur rouge tachetée de noir. J'ai marché vite, alors que la ville se réveillait doucement, et j'ai fouillé au hasard toutes les poubelles que je croisais. Si les voleurs étaient partis en voiture, je doutais qu'ils se soient arrêtés dans un rayon de deux kilomètres pour jeter une pochette de dessin, mais je n'avais rien à perdre à regarder. Et c'est ce que j'ai fait.

Vers huit heures du matin, je n'en pouvais plus. Je me rendais compte que ca ne servait à rien. J'avais regardé milles poubelles, milles bennes, j'en avais marre. Il faisait maintenant jour, j'avais croisé les premiers élèves qui partaient en cours. Je suis rentré chez moi, dépité, juste le temps de prendre mon sac et de repartir. J'ai croisé rapidement mes parents. Ma mère n'avait pas très bien dormi, tourmentée par le cambriolage. Mon père se demandait si l'assurance allait tout leur rembourser. 

Le lycée public Jules Vernes comprenait en tout, avec le collège, un peu plus d'un millier d'élèves. Construit autour d'une ancienne prison, on avait tout fait pour en faire oublier l'aspect : les murs extérieurs étaient colorés, on avait même fait venir un artiste pour faire une fresque murale sur l'un d'entre eux. Les salles avaient été refaites il y a dix ans, mais le bâtiment central gardait toujours cet aspect sinistre. Deux des trois bâtiments avaient été construits à la création de l'école, pendant la rénovation de la prison, et était fait des grands couloirs avec de hauts plafonds. Par contre, ils avaient la chance d'avoir de grands espaces verts, avec un terrain de foot et un terrain de basket. Je suis passé devant les dizaines d'élèves qui discutaient devant le lycée, et j'ai rejoins le brouhaha des escaliers et des couloirs pour m'asseoir en cours de maths, au fond de la classe. J'avais une mine affreuse et je le savais. Mon meilleur pote, Damien, est venu à coté de moi. Il était bien plus grand que moi, il faisait de l'aviron, et avait passé un nombre interminables d'heures à jouer à la PS4 chez lui.
-Ca va mec? Je t'ai envoyé un message hier soir mais tu m'a pas répondu. Comment s'est passé ton date avec Ilona.
-Elle est pas venue. Elle était en soirée. Et on m'a cambriolé, aussi. 
-Oh merde... Quoi? Tu te fous de moi?
Je lui alors raconté brièvement, mais je ne sais pas pourquoi, je ne lui ai pas parlé d'Ariane. CE n'est pas que je ne voulais pas, mais... j'avais besoin d'y réfléchir un peu plus avant. J'avais l'impression que c'était comme une parenthèse, un secret, pour l'instant. 
-Et bah... a t-il laché. Je suis désolé pour toi. Tu peux vraiment rien faire pour ton école?
-Je sais pas. Un dessin original me prend une dizaine d'heures, et...
-Mais tu les as déjà faits, tu as déjà l'idée, non? Si tu loupes les cours pour maladie, et que tu t'y mets à fond, peut être que... 
-Mon matériel de dessin est foutu aussi. Il ont détruit mes crayons en marchant dessus quand ils ont retourné ma chambre. J'ai même plus de quoi dessiner. Je pourrais peut être aller au magasin demain, recommencer, oui..
-Il faut te battre jusqu'au bout mec! Si t'as besoin de quoi que ce soit, dis moi, sans problème.
A ce moment là, Ilona est rentré dans la classe, avec ses potes. J'ai croisé son regard, mais elle a juste détourné les yeux, et s'est assise à sa place. Le cours a commencé.

Je n'ai rien suivi. Ce qui était normal, ma tête n'était absolument pas calibré sur les maths. Damien avait tout noté, il m'enverrait les photos. De toute façon, à quoi bon suivre les cours si je n'avais pas mon école? 

A la pause, on a changé de salle pour le cours de physique. Ilona et moi, on s'ignorait. Comme s'il ne s'était rien passé. Qu'aurais je pu dire? Elle savait que je savais qu'elle m'avait menti, c'était évident. 

Le cours de français est passé aussi lentement que tous les autres Je ne pensais qu'à mes dessins. Qu'est ce que je foutais là, assis, à regarder l'horloge tourner lentement vers mon oral fatidique? Je m'imaginais déjà : Oh, excusez moi, j'ai aucun dessin, j'ai pas eu le temps d'en faire en fait. Mais je sais dessiner je vous jure!

Il a commencé à pleuvoir. 

J'ai mangé avec Damien. On entendait la pluie frapper fort sur le toit. Je me suis rappelé que j'avais cours d'anglais, avec Ariane, juste après. Je n'ai pu empêcher de la chercher rapidement dans le self, sans succès. Allait-elle m'ignorer, comme Ilona aussi? On ignorait tout ce qui s'était passé hier alors, en ne laissant que la souffrance? Peut être avait-elle eu juste un moment d'égarement, voilà tout... Je ne savais pas. Mais j'espérais au fond de moi qu'on pourrait reparler. 

On est ensuite allé au cours, un peu en retard, parce que Damien m'a entraîné au baby-foot pour me changer les idées, et qu'il fallait qu'on finisse notre partie pour battre des secondes. On s'est fait réprimandé par le prof, qui nous a quand même accepté en cours. 

Ariane n'était pas là.

Le monde peut bien brûlerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant