Chapitre - 23

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"Adieu tristesse Bonjour tristesse Tu n'es pas tout à fait la misère Car les lèvres les plus pauvres te dénoncent Par un sourire."

Paul Eluard


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"- Lucy, t'as l'air fatiguée." elle offrit à Erza un pauvre sourire en guise d'excuse un peu vague. 

"- Oui, j'ai mal dormi cette nuit." c'est fou, d'ou elle était, même elle pouvait entendre combien sa voix craquait et craquait encore, combien sa joie était peu crédible, et si ses amies ne disaient rien, c'était sans doute par simple politesse. 

"- Grey t'as tenue éveillée toute la nuit, je présume." claironna Heliza d'une voix taquine alors qu'elle tournait sur elle-même, le regard plongé dans la grande psyché en bois noble. 

Elles s'étaient réunies dans la salle de couture, Heliza, Erza, Juvia et Lucy. Juste toutes les quatre car la cousine de la constellationniste avait fermement refusé tout autre présence, surtout celle de sa mère ou de sa tante ou des quelques autres femmes de la famille qui commençaient à arriver au compte goutte alors que le mariage s'approchait. Elle avait même renvoyé toutes les pauvres domestiques qui avaient aimablement proposé leur aide en arguant que les trois mages avec elle suffirait amplement pour l'aider à passer une robe, fusse-t-elle sa robe de mariée pour les traditionnels derniers essayages. 

Erza et Juvia avaient ouvert grand la bouche en découvrant la pièce réservée à la couture et aux vêtements dans le domaine. Lucy était habituée, mais elle ignorait pas combien l'opulence des riches devait être perturbante, de se dire qu'ils se faisaient faire leurs vêtements à la main et sur mesure, chez eux. Peut-être que c'était même pas vraiment compréhensible, l'utilité d'une telle pièce, et puis à quoi cela servait tant de vêtements, tant de costumes, de corsages, de robes au millions de jupons à s'y noyer, à s'y prendre les pieds, et les pierreries somptueuses et les soies riches, et tous les détails de "m'as-tu-vu ?" qui font bon genre. 
Y avait jamais rien eu d'essentiel ou de nécessaire à tout ce luxe et tout cette opulence, à tous ces bijoux pour cacher les fissures et puis ces maquillages pour cacher les canines aiguisés.

Tomber dedans c'est prendre le risque de ne jamais pouvoir être véritablement soi-même, toujours un masque, toujours un rôle, un numéro de charmes, un mensonge bien exécuté, parce que c'est ce qu'il faut. 

Au fond c'était peut-être mieux alors, toutes ses dorures et toutes ses fanfreluches et ses costumes queue-de-pie avec ou trois pièces avec toujours un mouchoir en soie dans la poche avant bien plié sans rien pour dépasser. C'était sans doute mieux pour se cacher, pour se fondre dans la masse, pour être la marionnette qu'une société entière attendait que tu sois, docilement, histoire de bien répondre à tout ses diktats qu'on a imposé de part ce foutu lit où tu es né. 

La blonde se souvenait aisément de combien elle avait pu aimer cette pièce quand elle était jeune. Non pas qu'elle ne l'était plus, mais son enfance et son adolescence, lorsqu'elle en cherchait la joie, n'étaient incarnées que par de longs éclats de rire avec Helysa, beaucoup dans cette pièce, parce que les deux filles avaient toujours aimé alterner leur coquetterie de grimaces et de danses ridicules, dans leurs robes à moitié finies ou leurs nouvelles coiffes de travers que les miroirs des lieux renvoyaient en se moquant gaiement. 

Aujourd'hui, elle se souvenait surtout de ce que Grey lui avait dit l'autre soir. Cette pièce lui donnait la nausée. Lucy avait toujours aimé les vêtements, sa féminité, mettre en valeurs ces charmes, mais elle n'était rien, ou plus rien de tout ce que cette pièce incarnait.
Elle les avait aimé ses robes sublimes et ses tenues de gala et toutes ces tenues de cocktails, elle les avait vraiment aimé à une époque, mais, cette époque était révolue, cette époque n'était plus là, cette époque c'était échappée par la fenêtre sans prévenir. 

Fête de famille - GreyluOù les histoires vivent. Découvrez maintenant