Chapitre 0

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Je me réveille, la lumière du jour me fouette le visage. Je prends le temps de faire le point sur la situation, en souriant : j'ai ressuscité mon meilleur ami, je vais lui assurer sa vie aujourd'hui, et... j'ai une réunion au boulot !

On est le 15 avril.

Je me lève d'un bond, me rue dans ma salle de bain et me déshabille en quelques secondes. Puis je saute sous la douche et actionne l'arrivée d'eau. De l'autre côté du mur, j'entends Vincent grogner dans son sommeil. Il doit être en train de se plaindre parce que je le réveille bruyamment... Mais comme je me dis, au moins, il est en vie !

***

Je suis en voiture, me dirigeant en vitesse vers mon bureau. Je me suis efforcée de me préparer le plus en silence possible, pour ne pas réveiller définitivement mon meilleur ami. Je suppose qu'il n'a pas dû dormir beaucoup, car, le connaissant, s'il était en pleurs hier soir, il a dû s'endormir vers quatre ou cinq heures du matin, après avoir ravalé ses émotions.

Et maintenant, je me dépêche de venir au boulot. D'ailleurs, quelque chose m'inquiète, à propos de ce voyage dans le temps... Je ne m'étais pas dépêchée pour venir au travail, la première fois. Et pourquoi ? Parce que je ne m'étais pas réveillée en retard. Et pourquoi ? Parce que je n'avais pas entendu Vincent pleurer hier soir, donc je m'étais endormie tranquillement. Et pourquoi je ne l'avais pas entendu pleurer ? Parce que je n'avais pas été aussi attentive, parce que je ne revenais pas de son enterrement. Donc ça a quand même des conséquences... Mais en tous cas, même sans que je le sache, mon meilleur ami avait quand même dû pleurer la première fois... Alors pourquoi ?

Peu importe, je me dis.

***

Je franchis la porte du bureau, un peu en retard pour le travail, et me dirige vers la tisanerie. Oui, je suis déjà en retard au boulot, mais, heureusement, ma réunion n'est que dans une dizaine de minutes. Alors pour l'instant, je peux prendre du bon temps avec mes collègues, et savourer ma victoire sur la vie de Vincent. Il ne bougera pas de la maison, je le sais, alors je lui ai sauvé la vie.

Je passe dans l'encadrement de la porte vitrée, et me retrouve avec deux de mes collègues. Elle s'apprêtent à me parler lorsque mon téléphone vibre dans ma poche. Je grogne et m'excuse auprès d'elles. Puis je m'éloigne en compagnie de mon interlocuteur, auquel je me suis empressée de répondre :

« Vincent ? Qu'est-ce qu'il y a ? je m'affole. Un problème ?

- Oui, euh... enfin non, pas vraiment, mais...

- Vas-y, avoue !

- Tu m'avais dit de t'avertir, alors je t'avertis.

- De quoi ?

- En fait, tu vois, hier soir...

- Oui, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- J'ai appris que ta soeur avait un meilleur ami.

- Oui, Bastien, et donc ?

- Et bien... Apparemment, leur relation était vraiment ambiguë. Et j'ai appris hier, par le meilleur pote du soit-disant meilleur pote de ta soeur... Enfin, en gros j'ai appris qu'ils s'étaient embrassés.

- Et donc ? Quel rapport ? Pourquoi tu m'appelles ? Tu veux me mettre au courant, c'est ça ? Mais, tu sais, elle est grande, elle fait ce qu'elle veut.

- Non, écoute, je sais..., soupire-t-il un peu trop rapidement. Bon, en fait, je vais être clair avec toi, Gwen. Je suis désolé de te le dire comme ça, mais je suis en couple avec ta soeur depuis presque un an. C'est très très sérieux entre nous, vraiment très sérieux...

- Continue, je lui glisse froidement, vexée qu'il ne m'en ait jamais parlé.

- Et, en fait, je me suis énervé sur elle jusqu'à quatre heures du matin, on s'est envoyé des milliers de textos, je lui disais que j'étais déçu, très déçu par sa traîtrise... Et puis là, il y a pas longtemps, je me suis réveillé. J'en ai profité pour relire la conversation qu'on avait eue, au lieu de me rendormir comme j'aurais pu le faire. Verdict : elle m'a envoyé des dizaines de messages d'excuse, où elle me disait qu'elle s'était trompée, que c'est moi qu'elle aimait vraiment... Mais moi, hier soir, et cette nuit, j'étais trop enragé, alors j'ai cru que c'étaient des excuses, des mensonges, qu'elle se trouvait. Mais en relisant tout ça au calme, ce matin, je me suis aperçu que c'était vrai, ce qu'elle me disait. Elle m'aimait, vraiment, et moi, comme un idiot, je l'ai quittée, cette nuit, Gwen. Je l'ai quittée ! J'ai dû lui briser le coeur !

- Conclusion ?

- Conclusion, je me dis que les mots ne servent à rien, et je suis en route vers chez elle. »

Sous le choc, je reste silencieuse quelques instants. Non, il n'a pas le droit... Je l'avais averti ! Non, non, non...

Mais putain, Gwen ! Au lieu de t'apitoyer, préviens-le d'abandonner !

« Gwen ? T'es toujours là ?

- Oui, Vincent. Écoute moi bien attentivement : tu vas faire tout ce que je te dis de faire. Et sans discuter, OK ? C'est pour ton bien. Alors, tu vas prendre la prochaine sortie, rentrer bien tranquillement à la maison et appeler ma soeur quand tu y seras. Tu t'excuseras, et ce sera reparti. Mais là, tu dois absolument rentrer. Tu dois ab-so-lu-ment rentrer, OK ? Vraiment !

- Bon, écoute, Gwen. Je vais pas y aller par quatre chemins. Je comprends ce que tu essaies de faire. Je te comprends un peu, mais quand même ! Je ne te croyais pas comme ça. OK, je t'ai menti, OK, elle t'a menti, mais de là à essayer d'empêcher notre amour ! Je ne te croyais pas du tout comme ça. Comme tu me l'as dit hier, on est meilleurs amis depuis onze ans, et je suis désolé de ne pas t'avoir averti pour ta soeur. Mais tu devrais être heureuse pour moi, que je sois amoureux ! Et au lieu de ça, tu es déçue, et tu te retournes contre moi pour que j'abandonne ! Alors écoute-moi bien. Je te connais, je sais que tu sais très bien manipuler les gens avec les mots. Alors avant que tu ne me dissuades avec je ne sais quelle magie, je vais raccrocher. Bye, Gwen. »

Et c'est sur ces mots que j'entends le « bip » du téléphone rouge, et que je me retrouve seule dans ce couloir de mon bureau.


Mon futur-ex-ancien meilleur amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant