Je suis en réunion lorsque mon téléphone sonne. Je jette une oeil inquiet à mes collègues, mais, heureusement, ils me sourient et me font signe de la tête. Je leur rends leur signe, et sors en vitesse de la salle, mon sac à main contre moi. Une fois dans le couloir, je décroche. C'est un numéro inconnu.
« Oui... Allô ?
- Bonjour.
- Bonjour ? Qui est à l'appareil ?
- Peu importe, peu importe. Je... c'était le seul numéro dans sa veste, dans sa doublure, alors j'ai appelé...
- Dans sa veste ? La veste de qui ?
- Vincent. La veste de...
- Pourquoi avez-vous pris le numéro dans la veste de Vincent ? Vous lui avez volé ? Non, j'en suis sûre, il l'a perdu et vous cherchez une personne à qui lui rendre. Hein, c'est ça ?
- Non, non, hélas... loin de là. Comment vous appelez-vous ?
- Peu importe, peu importe. Moi, je veux savoir ce qu'il s'est passé. Vincent ? Vous voulez juste me rendre sa veste, n'est-ce pas ?
- Non, non... bon, écoutez. Ça va être dur de vous le dire, alors restez calme, ne vous énervez pas, et ne m'interrompez pas.
- Oui. Allez-y, je vous écoute.
- Vincent... Écoutez, je roulais derrière lui, derrière sa voiture. Sur la A52. Nous étions sur l'autoroute, dans une zone à 110. à un moment, j'ai ralenti, car je me trouvais trop proche de lui. Et là, je... je ne sais pas, je... il a tourné à droite, il a voulu prendre la sortie 18. Mais, vous comprenez, il allait trop vite, il a tourné trop tard... Et il a percuté le triangle de protection au milieu...
- Je... attendez, vous voulez dire que... il va bien ? Comment il va ? Il est à l'hôpital ?
- Non, non, calmez-vous, s'il-vous-plaît. C'est déjà assez pénible à voir...
- Que... développez, que s'est-il passé ? Ensuite ?
- J'ai ralenti, j'ai pris la sortie et j'ai jeté un oeil à sa voiture : dedans, je ne sais pour quelle raison, l'airbag ne s'était pas déclenché.
- Vous voulez dire que... ?
- Oui, oui. Il a été projeté dans la vitre... Je... vous n'imaginez pas l'horreur...
- D'accord, et ensuite, bon sang ?
- J'ai appelé les urgences immédiatement. Enfin, après m'être garé tout près de là, sur le côté de la sortie. J'ai tout expliqué, ce que je savais... Qu'il roulait sans aucun doute à 100 kilomètres/heure...
- ...
- Vous êtes toujours là ?
- Oui, continuez, je vous écoute.
- Les secours sont arrivés. L'attente était longue, je désespérais. Puis ils sont donc arrivés. Après qu'ils l'aient pris en charge, emmené sans aucun doute pour tenter de le réanimer, je suis resté seul. Je me suis donc dit que si je pouvais être utile, je serai utile, alors je suis entré dans sa voiture. Je... il y avait du sang, et... je me suis saisi de sa veste qui était sur le siège du passager, et voilà. Dans une poche intérieure, j'ai trouvé votre numéro. Puis-je être indiscret et demander qui vous êtes par rapport à lui ?
- Comment saviez-vous qu'il s'appelait Vincent ?
- Dans son portefeuille, dans sa veste. Puis-je insister ?
- Sa meilleure amie.
- Je... je ne sais pas quoi dire, je ne peux rien vous affirmer, peut-être ont-ils réussi à le réanimer...
- Combien ?
- Combien quoi ?
- Combien de temps après sont-ils intervenus ?! je le brusque.
- Je ne sais pas, peut-être cinq, dix minutes...
- Mais cinq ou dix, bon sang ?
- Dix, dix.
- Putain.
- Je, je... je suis désolé, encore une fois, madame.
- Vous n'y êtes pour rien. Maintenant, disparaissez. »
Je raccroche et m'affale au sol sans attendre plus longtemps. Je pleure, je sanglote, je manque d'air. Alors je laisse la réunion en plan et je me rue à l'extérieur en courant. Je m'engouffre dans la voiture, la démarre, et me dirige vers la A52.
Non, ce n'est pas possible. C'est un canular.
Vincent...
J'essuie mes yeux d'un revers de la manche et accélère. Je dois absolument aller voir, c'est tout, il n'y aura rien, j'appellerai Vincent, il me dira qu'il déconnait... Comme il a tant déconné avec moi...
Merde... non, c'est pas possible !
Vincent, ça fait une bonne dizaine d'année qu'on se connaît. Lui, il a vingt-deux ans, et je le connais depuis notre entrée en sixième, à onze ans.
Voilà. Ça fait la moitié de ma vie que je le connais. C'est pas possible. C'est juste pas possible.
Ma voiture ronronne tandis que je m'engage enfin sur la A52. Je soupire. C'est tout. C'est faux, c'est faux ! Je ne veux pas y penser. Vincent, il était si bon, il était si heureux de vivre ! Non, ce n'est décidément pas possible.
Je m'approche de plus en plus, quand, soudain, devant moi, un long embouteillage commence à se dessiner. Je coupe mon moteur une fois derrière une Twingo, sur la file la plus proche de la sortie.
Non, c'est pas possible.
À la radio, une musique enjouée s'installe. Je coupe le son en grognant. Ce n'est pas le moment de danser. Je danserai quand je verrai que l'embouteillage est seulement dû à des travaux.
Et non à un accident.
Les voitures avancent lentement. Au loin, je commence à apercevoir un camion sur lequel sont installés des panneaux de fortune. Des leds clignotent et semblent indiquer la sortie 18.
Ah, je vois. Ils nous obligent à sortir. Ce sont donc juste des travaux !
Soulagée, je souffle et remets le contact radio. Je commence à me trémousser sur mon siège, à murmurer des paroles que je connais à moitié. Je suis franchement émue. Voilà, Vincent m'a encore fait une blague ! Quel clown, celui-là.
Alors je me saisis de mon téléphone, entre le numéro que je connais par coeur et appuie sur le téléphone vert.
Ça me fait penser à toutes ces fois, peut-être ces centaines de fois, où moi-même j'ai dû appuyer sur le téléphone vert pour lui répondre. Ça me fait penser aussi à l'époque du collège, où nous nous amusions avec le #31 et nous faisions passer pour des vendeurs de pizza... Ce souvenir me réchauffe le coeur et me fait même sourire. Oui, c'est sûr : ce blagueur a tout simplement embauché quelqu'un de sérieux pour jouer le rôle du mystérieux monsieur... Lui qui adore faire les choses en grand ! Ça lui ressemble bien. Comment ai-je pu y croire ? Ah ah, il doit être en train de se foutre de moi, chez lui, bien au chaud !
La sonnerie résonne pourtant toujours dans le vide. Je vois. Il joue le rôle, c'est ça ?
Malgré tout, je me mords la lèvre. Ce n'est pas drôle, Vincent, ce n'est plus drôle. Arrête ça... réponds-moi... Ce n'est pas possible.
La file de voiture avance, la sonnerie retentit en vain.
Et merde.
Si, c'est possible. Sa voiture est devant mes yeux, détruite entre la sortie 18 et l'autoroute.
Mes larmes commencent à couler abondamment sur mes joues. Merde, non, ce n'est pas possible... Ce n'est pas sa voiture, hein ? Il a juste profité qu'il y ait une voiture pour construire solidement sa blague ?
Mais dans ma main, mon téléphone continue de driiinger dans le vide.
Alors je secoue la tête, et j'abandonne tout espoir.
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Mon futur-ex-ancien meilleur ami
Ficción GeneralLa mort a frappé dans la vie de Gwen... Son meilleur ami (pardon, ex-meilleur ami) est parti, victime d'un accident de voiture. On lui offre une deuxième chance. Saura-t-elle bien s'en servir ? ⁛ Un appel entrant d'un inconnu. ⁛ Une nouvelle inatten...