Chapitre 3 bis

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Je ne vais pas bien. Mais pourtant, comme depuis deux mois, je me lève, seule dans l'appartement. Je prends le tas d'habits que j'avais préparé la veille.

Tous noirs.

Et je vais dans la salle de bain pour me préparer, en vu de ce jour pour la deuxième fois exceptionnel.

***

Cette fois, j'arrive dans les premiers devant l'église. Ma soeur est déjà là, alors je la rejoins calmement. En moi, c'est la tempête, d'autant plus que je vis ce jour pour la deuxième fois.

Arrivée à son niveau, ma soeur me fais un faible sourire. Je ne lui rends même pas.

Elle était avec moi, ces deux derniers mois. Malheureusement, nous n'étions pas toujours sur la même longueur d'onde. Quand je l'appelais au milieu de la nuit pour lui dire que j'avais besoin de parler, elle me répondait souvent qu'elle ne voyait pas pourquoi je souffrais autant. « Ce n'était qu'un ami, pour toi. » Et puis, évidemment, venait toujours le « moi ». Et là, le « moi », c'était : « Moi, c'était de l'amour depuis un an. Tu te rends comptes, un an ? Et puis, de l'amour, c'est pas pareil. T'es beaucoup plus attaché à ton mec qu'à ton ami. Et puis, pour lui, j'aurais tout fait. Alors que par amitié, on fait pas tout pour l'autre. »

Souvent, je ne relevais pas ses remarques. Qui pourtant me blessaient plus qu'un simple « je suis fatiguée, laisse-moi ».

Je ne sais pas si elle en avait conscience, de ce qu'elle disait. Mais ce qui est sûr, c'est que, même par amour, elle n'aurait pas fait un voyage dans le temps. Alors que moi, je l'ai fait.

Et à cause de ce voyage dans le temps, qui aurait dû être une aubaine pour sauver la vie de mon ami, j'ai encore plus été en dépression. J'ai pleuré à chaque instant de ma vie. Je n'ai pas dormi. Je n'ai presque pas mangé. Je n'ai parlé à personne à part ma soeur. J'ai eu des idées encore plus sombres, jusqu'à imaginer des plans pour ces idées.

J'ai beaucoup plus souffert que la fois d'avant, et pourquoi ? Parce que j'avais eu une chance, et que je l'ai gaspillée. Que je l'ai tué. Et que c'est la deuxième fois que je vis sa mort.

Mais malgré ses remarques, ma soeur était quand même là pour moi. Et heureusement, parce que sans elle, je ne sais pas où je serais aujourd'hui. Peut-être avec lui.

Un grand monsieur arrive, ouvre les portes de l'église, et nous fait entrer. Je m'installe sur le banc du premier rang, aux côtés de a soeur.

Au fur et à mesure qu'un lourd silence s'installe entre notre fratrie, la famille et les autres amis de Vincent arrivent. Ils s'installent derrière nous, et sur l'autre rangée. Mais personne ne nous approche, nous deux, les soeurs incapables de sauver un être vivant.

Enfin, ça, c'est plutôt moi.

Même si ma soeur a dû s'en vouloir, parce que, en un sens, il est mort à cause d'elle. Moi, j'aurais pu empêcher ça, mais elle, elle a provoqué ça. Si elle n'avait pas embrassé ce mec, Vincent n'aurait pas dû prendre la route pour aller s'excuser.

Sa culpabilité est plus justifiée que la mienne.

Soudain, le monsieur debout devant nous commence à réciter un texte, une vraie tirade, d'une voix monotone. Et moi, à nouveau, sans pouvoir m'en empêcher, je ferme mes yeux et je cherche le sommeil.

Mais il ne vient pas, alors je me contente simplement de penser à autre chose.

Chose impossible.

Mais mon nom me tire de mon sommeil :

« Gwenaël, veuillez nous rejoindre pour prononcer... »

Et comme la dernière fois, je me lève avant la fin de la phrase et me dirige vers la place qui m'est réservée. Puis je prends mon courage à deux mains et je commence, avec la même base que la première fois :

« Bonjour. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m'appelle Gwen. Gwenaël. J'étais la meilleure amie de Vincent, depuis onze ans. Vous savez, c'est rare, une amitié fille-garçon de onze ans. Parce que toute amitié, de toute manière, ne dure que très rarement onze ans. Et peu importe que ce soit un garçon et moi une fille, car, bien que vous pensez sans doute le contraire (je pose un oeil insistant sur ma soeur), il ne s'est jamais rien passé entre nous.

« Vincent était fidèle, et il était un merveilleux meilleur ami. Il était patient, à l'écoute, toujours là pour les autres... En onze ans, je ne lui ai connu que peu de défauts : il était certes un peu têtu, mais ça gentillesse équilibrait. Et, d'accord, il me cachait des choses, mais on est tous comme ça, pas vrai ? En fait, Vincent était un humain, il avait des tonnes de qualités, et des défauts, aussi.

« Le jour où il est mort, il voulait aller se faire pardonner auprès d'une fille avec laquelle il s'était disputée. Sa gentillesse l'a tué.

« Pour Vincent, vous savez, j'aurais fait l'impossible. Je ferais l'impossible. S'il fallait retourner dans le temps pour annuler tout ça... (quelques éclats de rire fusèrent, malgré l'ambiance lourde) Je le ferais. Merci. »

Puis je pars, dans le silence total, me rasseoir sur ma chaise.

***

C'est la fin de la cérémonie. Enfin. Tout le monde se met debout en même temps pour aller saluer une dernière fois le mort. Moi, je me fraye un passage jusqu'au premier rang, puis me dis :

« Vincent, si je devais à nouveau retourner dans le temps, je le ferais. Mais c'est... »

Puis je tais la voix de mon esprit.

En quoi est-ce impossible ? Le caillou est bien dans ma chambre, non ? Qu'est-ce qui m'empêche de l'utiliser ?

Je sors alors en précipitation de l'église, sous le regard effaré de toute la foule. Je franchis les portes et arrive sur la place. Là, à l'autre bout, j'aperçois la dame au châle noir.

Oui, c'est vrai, je devais lui rendre, normalement.

Je passe devant elle en baissant la tête, faisant mine de ne pas la voir. Direction : ma chambre.


Mon futur-ex-ancien meilleur amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant