Chasseurs d'Ombres - Chapitre 2

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Son regard me braque tel le canon d'une arme

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Son regard me braque tel le canon d'une arme. Je pense soudainement à celle que j'ai en main, je la tends au bout de mon bras, comme si j'allais tirer. C'est ce que je dois faire.
Je sais que c'est que je dois faire. C'est le seul chose que mon père m'a appris de toutes ses expéditions, la seule réalité qu'il nous a partagée malgré son horreur. Si une Ombre touche un humain, il est mort. Et l'Ombre doit mourir. Je sais que je dois tuer l'Ombre.
Mais le regard d'un caramel brûlant de mon père me foudroie. Malgré la noirceur des iris du monstre qui le possède, je le regarde, et je le vois, recroquevillé dans l'ombre de la créature, et je n'arrive pas à tirer. C'est mon père. Les dents de la bête forment un rictus moqueur, et un rire animal, râpeux et grésillant, résonne :

« Nerys, singe la bête sans bouger les lèvres, Nerys, Nerys ... »

Elle répète ce mot en boucle. Mon nom. Je frémis, et recharge mon arme d'un coup sec dans un ordre muet de silence. Je ne veux plus l'entendre. Je ne veux plus qu'il parle. Je veux qu'elle arrête de souiller la bouche de mon père, je veux qu'elle disparaisse.
La bête aux yeux noirs avance vers moi à quatre pattes. Ce n'est pas mon père. J'essaie de me le répéter pour me donner du courage. Le courage de faire ce qu'il faut. Comme on me l'a appris. Tous les autres ont cessé de tirer, mais je sais que c'est temporaire. Ils ne réalisent pas ce qui se passe, c'est tout. J'ai envie de hurler à l'Ombre de ne pas faire ça. De prendre quelqu'un d'autre. J'ai envie de la supplier, de crier pour qu'on me vienne en aide, mais aucun son ne vient. Rien ne vient. Rien ni personne. Je suis muette, stoïque et seule.

« Nerys, tire-toi !, ordonne Ajax. »

Je fixe la créature, tétanisée. Jamais une Ombre n'avait franchi la rivière, jamais. Pas depuis la création de la ville. Jamais. Je sens les larmes s'accumuler aux coins de mes yeux, alors que la créature avance vers moi, d'un pas fluide bien qu'elle avance sur quatre appuis. Elle semble glisser plus que marcher. Elle vient planter son front contre le canon de mon arme en plantant son regard noir dans le mien, provocante :

« Nerys, Nerys, Nerys ..., répète-t-elle encore. »
« Nerys, dégage !, crie Ajax, C'est plus ton père, sauve-toi ! »

J'ai envie de lui hurler de se taire. Je sais que mon père est là, quelque part. Je dois pouvoir le sauver. Il faut que je le puisse. La bête sourit, de son rictus carnassier :

« Ton père ? »

Je déglutis alors que son sourire m'apparaît soudainement plus comme une grimace. Une expression de douleur désagréable à regarder. Ajax me hurle de me tirer, de plus en plus fort. J'inspire et murmure d'une voix rauque :

« Oui, mon père. »
Ajax se tait, et sa surprise est presque palpable. La bête me fixe un moment sans bouger, et son visage devient presque humain. Sa neutralité me frappe. Les traits de mon père transparaissent, et je sais qu'il est encore là. Si on excepte le sang et les morceaux de chair qui s'écoulent sur son crâne et dégoulinent sur ses joues, je n'aurais jamais cru qu'une Ombre puisse paraître aussi humaine.

Chasseurs D'Ombres - Le secret des coloniesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant