Blodbad

Blodbad Partie 10

La voix du lieutenant semblait tellement protecteur tout à coup, tellement paternel, les deux marginaux s'en rendirent très bien compte et leur visage ne cachait point une certaine réaction de surprise. L'adjudant Gary soupira longuement, pas d'agacement mais d'amusement de voir son camarade agir de la sorte. Yazier cracha une dernière fois la fumée de sa cigarette avant de l'éteindre et partir pour aller voir le colonel Acasseis. Tout le monde comprit très bien que ça n'était en aucun cas un acte anodin. Wazn savait ce qu'il avait à faire désormais, d'un mouvement de bras assez important  il demanda à Pavco et à Tsya de le suivre, tous les deux s'exécutèrent. Ils suivirent alors l'adjudant jusqu'à à l'intérieur du bâtiment principal du camp militaire de Saiph. Wazn les mena alors dans ses appartements. Ces derniers étaient assez grand,  et semblaient faire facilement le double de ceux de Tsya en terme de superficie. Tout semblait assez bien rangé, à vrai dire il n'y avait pas beaucoup de meubles et d'affaires personnelles,  se limitant au strict minimum qu'était un lit, un frigo et un bureau. Cependant en avançant dans le lieux, les deux marginaux purent constater qu'un gigantesque piano à queue trônait dans ce qui semblait être la pièce principale de l'appartement. Tandis que la jeune femme aux cheveux blonds  semblait se questionner sur le sens des priorités de l'alcoolique adjudant, ce dernier partit prendre une canette de bière dans son frigo. Cela semblait bien confirmer le train de vie quelque peu triste de Wazn qui semblait s'être enfermer dans ce mal. Il se posa sur le seul fauteuil présent de la pièce et commença à boire sans se faire prier.

 C'est alors que Pavco se rapprocha petit à petit de l'instrument de musique, effleurant de ses gants blancs les touches blanchâtres du piano avant d'appuyer dessus d'une manière mal assurée. Le son qui en sortit était étrange, non pas qui l'était laid mais la façon dont Pavco avait appuyé sur les touches ne sierra guère à donner une mélodie parfaitement harmonieuse que se devait de faire tout bon orchestre. Wazn éclata de rire, ne manquant pas de s'étouffer avec sa bière avant de se lever  en direction de l'imposant instrument à cordes. Tandis qu'il était encore debout il mit ses doigts d'une manière délicate sur les touches et commença à jouer. La musique que joua alors l'adjudant Gary était étonnamment enjoué et même heureuse. Les doigts de Wazn appuyait sur les touches avec une grande dextérité, donnant du rythme et entraînant avec lui Pavco dont les yeux désormais illuminés ne quittaient plus les mains joueuses du militaire. La mélodie n'était pas réellement compliqué, elle n'était pas d'un grand faste et ne nécessitait pas la présence d'un orchestre entier pour être belle. C'est ainsi que Wazn finit de jouer sous les applaudissements frénétiques de l'arlequin qui ne savait plus trop comment s'arrêter. Tsya, même si elle n'avait pas autant été entraînée par la musique  que Pavco reconnaissant la beauté de cette dernière. Elle  alla se poser sans grande conviction sur le lit de l'adjudant, sûrement dans l'espoir de faire un petit somme après tous les événements récents, tandis que Pavco se saisit des épaules du militaire avant de se mettre à le secouer frénétiquement  et de crier:

"-Je veux savoir faire ça, c'est qui qui a écrit ça, je veux tout savoir !

- Déjà tu vas te calmer et ensuite... bon déjà ce que j'ai joué c'est Frühlingslied  de Mendelssohn, une musique toute guillerette, je pensais pas que c'était ce genre de truc qui te mettait en joie.

-Mendelssohn ?...

-Ouais Felix Ludwig, et pleins d'autres prénoms bizarres Mendelssohn, c'était un grand pianiste qui a vécut il y a longtemps.

-Je veux apprendre ça, non je veux apprendre à jouer tout ce que je veux.

-C'est bien de dire ça, allez si tu veux je te montre comment on joue ce morceau."

Sur ces mots, l'adjudant Gary se saisit des mains de l'arlequin pour les poser sur les touches de l'instruments et de lui permettre de s'asseoir par la même occasion.  Il plaça les mains du bouffon successivement sur les touches noires et blanches du piano afin de donner la mélodie voulue. Bien que cela était encore un  peu timide et hasardeux, la petite sonate se reconnaissait à l'oreille pour le plus grand plaisir de Pavco. Après plusieurs tentatives l'arlequin arriva enfin à répéter la suite de touches donnant la musique sans l'aide de l'adjudant. Wazn semblait fier de ce qu'il venait de faire, enseigner un de ses passe-temps à un être totalement néophyte à ce dernier avait quelque chose d'assez gratifiant. Et alors que Pavco se mettait alors à jouer à l'infini cet agréable son, l'adjudant Gary se saisit de la main de Tsya, encore assoupie sur son lit, afin de l'entraîner à l'extérieur de ses appartements et donc des oreilles curieuses de l'arlequin. Une fois cela fait, tandis qu'ils étaient alors sur le seuil de la porte, Wazn soupira:

"Tu peux pas savoir à quel point c'est rassurant que vous allez bien vous deux, surtout toi, vu comment est Yaz à ton égard.

-Qu'est-ce que tu voulais dire par "  Reste en vie pour lui" ? Je n'ai pas compris quand tu m'as dit ça avant le début de l'opération.

-C'est évident non ? Il t'apprécies beaucoup, je t'avoue que je sais pas trop pourquoi mais bon, les voies du seigneur sont impénétrables comme on dit.

-Il ... ?

- Quoi "Il". Qu'il t'aime ? Nan déconne pas ma vieille, de souvenir je ne l'ai jamais vu aimer la moindre femme depuis qu'on se connait, c'est pas son truc la gente féminine.

-...

-Oh fais pas cette tronche je  pense  certes que c'est pas ça, mais c'est un truc plus complexe, à toi d'essayer de trouver ce que c'est."

Sur ces mots, le grand brûlé fit une grande tape sur l'épaule de la jeune blonde avant d'à nouveau rentrer dans les appartements. Tsya ne savait pas trop comment réagir à cela, il faut dire qu'elle n'avait pas trop l'habitude de ce genre de familiarité légèrement viriliste sur les bords. Elle suivit sans pour autant faire plus de vague le militaire et vit alors à nouveau l'arlequin, dont les yeux étincelaient de joie sur le piano, répétant de manière lancinante le morceau du compositeur allemand. Pavco se leva, agrippa Wazn de ses petits bras frêles et lui dit d'une voix vive et enjouée:

"Apprends en moi d'autres, j'en veux plus, je veux savoir vraiment jouer !" 

Bien que décontenancé par la façon d'agir fantasque de l'arlequin, Wazn ne fit que souffler et  se rasseoir devant son instrument avant d'entamer un nouveau morceau. Celui-ci était beaucoup plus rythmé que le premier qu'il avait joué, on aurait juré que l'adjudant s'était même mis à jouer du jazz à un moment du morceau. Au moment où ses mains s'arrêtèrent de jouer, Pavco les saisit et, toujours avec une voix euphorique s'exclama:

"-Qui a fait ça c'était.... whaou !

-On change pas une équipe qui gagne à ce que je vois, c'est du grand et reconnu "Ludwig Van Beethoven", ça m'étonne que même lui tu ne le connaisse pas, mais bon, plus rien ne m'étonne venant de ta part.

-Ludwig... encore un....

-Heu... ouais ?   

-C'est drôle je trouve, comme si on essayait de me faire passer un message. "Ludwig" j'aime bien comme nom, c'est jolie."

Sur cette dernière phrase, Pavco se mit doucement à ricaner, on aurait cru entendre un rire d'enfant. A cet instant, l'arlequin s'écarta de quelques pas de Wazn, faisant alors face à ce dernier ainsi qu'à Tsya, déclarant alors:

"Vu qu'on a un peu de temps devant nous je veux un peu vous parler de moi, ça me semble rigolo non ?" 

Sur ces mots l'arlequin porta sa main gauche, toujours ganté, à son petit visage rebondi, amorçant alors un geste pour retirer son loup. Ce masque burlesque de carnaval, avec lequel on l'avait toujours vu, l'apparat qui cachait au yeux du monde une partie de son visage se retrouva alors retiré.  La jeune fille aux cheveux blonds et l'alcoolique militaire, tous les deux purent enfin voir son visage. Ils virent enfin qui était le bouffon déguisé en arlequin se nommant Pavco pour de vrai, dans sa véritable apparence, sans artifice.