neuf ⛓

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Vendredi matin, trois heures et seize minutes. Il faut que je dorme, mais j'y arrive pas.

Le souvenir d'il y a plusieurs jours, illustrant le jeune homme aux cheveux noirs, battant à plate couture les trois messieurs chargés de la surveillance, passe en boucle dans ma tête.

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il m'intrigue autant.

Quand j'y pense, au début il m'a envoyée bouler, puis après il m'a aidée sans que je ne lui demande quoique ce soit, et maintenant je m'intéresse à lui, en quelques sortes.

J'ai l'impression que je lui dois quelque chose, alors que non. C'est plutôt lui qui me doit des explications. C'est vrai quoi, je ne lui ai rien demandé. Pourquoi il a fait ça ? Où veut il en venir ?

Je me retourne une énième fois dans mon petit lit pour, cette fois, rencontrer le mur. Ça change des rideaux de la fenêtre, tiens.

C'est incompréhensible. Il m'ignore pendant deux mois et tout à coup j'existe. D'un jour à l'autre je suis quelqu'un. Incroyable.

La façon dont il me regardait lors de l'anniversaire de Renjun aussi... je sens un long frisson parcourir lentement mà colonne vertébrale.

Si ça se trouve, il veut juste profiter de moi, il est en train de jouer et je suis son jouet. Je n'en ai pas la moindre idée. J'arrive seulement à déchiffrer d'infimes parties de son regard. C'est tellement troublant.

Mark Lee, qui es tu ?

En tout cas, à force de trop penser, j'ai gâché une belle nuit de sommeil. Tant pis, je dormirai plus tard.

J'ouvre les rideaux et découvre un ciel étoilé comme je n'en avais pas vu depuis un sacré bout de temps.

Toutes les lumières de la capitale sont éteintes. Seoul est bien silencieuse. Pas un moteur de voiture à l'horizon. On dirait que le temps s'est arrêté. Tout est figé. Comme si quelqu'un a mis le monde sur pause. Personne ne sait si ce moment durera longtemps ou non. Peut être qu'il s'envolera la minute d'après. Comme une éternité éphémère.

Il fait nuit noire et pourtant j'ai la sensation d'être comme en plein jour. La chaleur du soleil en moins, évidemment. La chaleur humaine aussi.

D'ailleurs il fait bien froid au quartier général. Haechan apporte beaucoup de lumière, cette pensée me fait sourire. La bâtisse aurait semblé bien vide sans lui. C'est le soleil du gang, et de loin.

Malgré tout, je n'ai pas envie que le jour se lève, que la rosée s'abatte doucement sur les toits, que le soleil éclaire notre terre, et que la pleine lune lui laisse place de nouveau. Pas aujourd'hui. Juste pour une fois.

Je soupire encore, quand la saveur de l'amertume prend place sur mes papilles. Le goût amer de la frustration.

Tout simplement parce que je suis frustrée. Frustrée de savoir pertinemment que cette planète est infiniment vaste, mais que je suis là, au coeur du pays du matin calme, à regarder à travers une vitre.

Alors que je pourrais flâner dans les rues de Los Angeles, savourer un vrai croissant français à Paris, disputer un bon match de volley ball sur une plage de Rio de Janeiro. Je pourrais visiter la basilique Saint Basile à Moscou, explorer un bidonville au Nigeria, ou encore aller dans un zoo près de Canberra.

Mais non, je suis coincée ici. Je me suis engagée à rester fidèle à ce clan. Neo Culture Technology. Là où tout est flou. Au début j'étais plutôt excitée grâce à ce personnage débile, mais je ne sais même pas dans quel but j'en fais partie, alors à quoi bon ? Je n'ai pas d'objectif. En plus, je n'ai même pas l'étoffe d'être avec mon unité.

Ma vie s'est simplement écroulée du jour au lendemain et j'ai du repartir de zéro.

C'est le monde à l'envers. D'habitude, on part de rien et on a un déclic qui déclenche tout. Pas dans mon cas, c'est même tout l'inverse.

Un déclic c'est censé être positif, apporter du renouveau, marquer le début d'une nouvelle page de sa vie. Eh bien j'aurais préféré rester au début du livre, quand tout allait bien.

Au final je suis un peu Wendy, qui attend que Peter Pan vienne la chercher pour voler vers la deuxième étoile à droite, tout droit jusqu'au matin. J'attends qu'il m'emmène au pays imaginaire. Là où tout est possible. Là où les enfants ne grandissent jamais. Là où j'aurais été heureuse.

Mais il est déjà trop tard. La Wendy que je suis a bien grandi. On ne peut pas faire marche arrière. Il est impossible de remonter le temps.

Je suis une enfant déchue. Ce n'est pas ce que je voulais. J'ai ce dont personne ne veut. Tout le monde mène une vie idéale, alors que je peine à distinguer la lumière au bout du tunnel. Je sais qu'elle est là, mais où ?

Quand l'aube lèvera son voile enchanteur, les étoiles disparaîtront. La lune résistera de toutes ses forces mais elle disparaîtra à son tour. C'est un cycle. Des événements prédéfinis qui tournent en rond, sans interruption.

La vie est comme ça aussi, normalement. L'avenir doit être clair comme de l'eau de roche, aussi évident que le jour vient après la nuit.

J'aurais aimé que ma vie soit un cycle, elle aussi. Mais le destin en a décidé autrement. Je ne sais pas à qui je dois en vouloir pour m'avoir donné une existence pareille. Sûrement le ciel.

Alors cher ciel, chers dieux auxquels je ne crois pas mais qui sont certainement cachés là haut, qu'est ce que je vous ai fait ?

Pourquoi avoir réduit en miette ce petit cocon que je m'étais fabriqué ? Pourquoi avoir ouvert la chrysalide alors que la métamorphose n'était pas complète ?

Je suis une chenille dans un monde de papillons.

Doyoung est un pilier pour moi, il m'aide et me guide. En contre partie, j'ai peur d'être un parasite pour lui, de le freiner, alors qu'il pourrait aller tellement plus loin plus vite. Je ne veux pas être le fardeau qui alourdi ses épaules.

Il faut que je vole de mes propres ailes, j'en suis parfaitement consciente. Mais comment faire, lorsqu'on en est dépourvu ?

Et par dessus le marché, même si j'avais des ailes, j'irais où ? J'ai perdu le Nord, et tous les autres points cardinaux aussi. Ma boussole est cassée, je ne sais pas comment la réparer. Je crois qu'il m'en faut une nouvelle.

𝑩𝒂𝒅 𝑻𝒉𝒊𝒏𝒈𝒔 || NCT Mark ff fr Où les histoires vivent. Découvrez maintenant