vingt ⛓

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En fait, je me demande pourquoi je ne suis jamais allée dehors.

Je ne suis pas Raiponce, alors pourquoi ne pas sortir ? Jamais personne ne m'a interdit de faire un petit tour. Je doute que ce soit le bon moment pour, mais j'en meurs d'envie, donc je vais y aller.

Ma veste enfilée, les mains dans les poches, et me voilà partie.

La nuit est sèche, ce qui la rend d'autant plus froide. La nuit est rude, presque violente. La nuit est nue, sans un seul nuage pour couvrir ce qu'elle est. La nuit est silencieuse, toujours aussi fermée.

Son souffle est frais, léger, bienfaisant. Je m'en délecte langoureusement tout en continuant de marcher. Je ne sais pas où je vais, et je ne sais plus d'où je viens. Oui, au sens propre, je viens de Busan. Mais psychologiquement, au sens figuré, j'en sais rien. Et puis, Busan c'était ma vie d'avant. Ça veut plus rien dire, maintenant.

Pourquoi personne n'a encore inventé de machine à voyager dans le temps ? Bon, d'accord, il y aurait trop de risques. Et certains diraient qu'on ne peut pas vivre dans le passé, qu'il faut avancer. Mais ça serait tellement mieux. Il y aurait aussi probablement énormément de paradoxes.

Et puis, honnêtement, ma vie actuelle en est déjà un. Un paradoxe, c'est quand un être, une chose ou un fait paraît défier la logique parce qu'il présente des aspects contradictoires. Il n'y a vraiment rien de logique à ce que je vis. La totalité de ce que j'entreprends est contradictoire.

Je suis un paradoxe.

C'est vrai, quoi. Je vis quelque part où je ne me sens aucunement chez moi. Je fais quasiment tout ce que je ne veux pas faire. Mais ça c'est pas grand chose, au final. Je me suis toujours dit que j'étais une fille intelligente, à force d'entendre "Nali est très cultivée" "Nali a des notes impressionnantes" "comme à chaque trimestre, Nali a encore eu les félicitations du conseil de classe" "Nali sait plein de choses" "Nali sait tout"...

C'est faux. Tout faux. Je ne sais rien. Absolument rien.

Il y a tellement de pensées inutiles entassées dans mon esprit que je pourrais qualifier celui ci de néant. Le vide. Le rien. Rien que du noir. Avec des petits pois blancs par ci, par là. Et ça tourne. On dirait pas que ça tourne beaucoup. Mais en vérité ça tourne énormément. Et très vite. Sûrement trop vite. À tel point que j'en ai le tournis. J'en perds l'équilibre. J'en perds mes repères. J'en perds les sens. J'en perds la raison. J'en perds ma conscience.

Et là je suis perdue. Au sens propre comme au figuré. Je ne sais pas où je suis ni où j'en suis. Il fait nuit dans ma tête. J'attends que quelqu'un amène l'aube, que quelqu'un allume la lumière. Parce que je ne sais pas où est ce putain d'interrupteur. J'ai peur pour la suite.

Peut être que le résultat auquel les membres du gang veulent arriver est complètement contraire à mes principes et mes valeurs ? Comment savoir si tout ce qu'ils mettent en oeuvre est bien ? Après tout, les notions de bien de mal sont tout à fait relatives.

Un peu comme l'amour et la haine.

Je soupire dans ce qui semble être un rire étouffé. On dirait le début d'un roman à l'eau de rose super cliché. Mais cette pensée vaut la peine d'être approfondie.

L'amour, c'est quand on aime intensément. L'amour provoque de l'attachement, de l'empathie, de l'affection, de la tendresse dans la majorité des cas. Quelqu'un qui ressent de l'amour cherche à être aussi proche que possible de la personne qui lui provoque ce sentiment. L'amour existe sous un grand nombre de formes, mais la plus répandue est passionnelle, platonique, charnelle. L'amour qui rend amoureux.

La haine, c'est le sentiment opposé. Haïr autrui fait ressentir de la malveillance, de l'aversion, de la répulsion, de l'hostilité envers cette personne. Contrairement à l'amour, la haine est purement négative et il n'en existe pas autant de types différents. Elle consiste à mépriser, vouloir du mal, et dans les cas les plus extrêmes, la haine peut pousser à tuer quelqu'un.

L'amour et la haine sont relatifs. Tout comme le bien et le mal. On ne peut pas les séparer. Tout comme l'ombre et la lumière. Si tu aimes ceci, tu détestes cela et vice versa.

Pourtant, peut on éprouver deux émotions aussi incompatibles que celles ci en même temps ? On me répondra que oui, car on peut aimer la pastèque mais haïr le navet. Mais ce n'est pas le sens exact de ma question. Est ce qu'il est possible d'aimer et de haïr la même chose ? Là encore on me repondra que oui, puisqu'il est possible de changer d'avis à propos de n'importe qui et n'importe quoi. Mais ce n'est toujours pas ce que j'attends.

Je me demande simplement si, au cours d'un seul et même moment, concernant la même personne, on peut la haïr et l'aimer ? On me dira non, mais je dirai oui. On me dira d'illustrer un exemple, de me justifier, de développer mes dires, d'expliquer pourquoi je dis ça, d'argumenter, d'éclaircir certains points, de détailler... et je ne prononcerai que deux mots en guise de réponse.

Mark Lee.

Je le déteste. C'est un fait. En revanche, je prie le ciel pour que personne ne me demande pourquoi je l'aime. Parce que moi même je ne sais pas. Je le hais autant que je l'aime. C'est à dire beaucoup. On ne dirait pas, mais c'est dur de se l'avouer, de l'admettre et de l'accepter.

Lui aussi, est un peu comme moi. Nous sommes deux paradoxes, étrangement liés par cette ambivalence. Mais ça me rend tellement confuse, je suis encore plus perdue mentalement.

Déjà que physiquement, je suis bien paumée, alors le mélange de tout ça... on frôle la catastrophe. J'étais partie dans l'objectif de me vider la tête et de penser à autre chose, mais il faut croire que c'est loupé. Je fronce les sourcils et presse le pas. Avançant encore vers l'inconnu.

À chaque putain de fois que j'essaye d'avoir les idées claires, il est là. De toutes façons, il est toujours là. Quoique je fasse. Quoique je dise. Où que je sois. Il est toujours là. Même lorsqu'il n'est pas là, il est quand même là. L'instant présent en est l'exemple même. Je ne sais pas si c'est pour me protéger, me surveiller ou m'opresser, qu'il fait tout ça. Je ne sais pas. Mais je sais que sa présence est spéciale. Il est spécial.

En toute honnêteté, j'aurais bien aimé qu'il soit avec moi, ce soir. Ça aurait été un peu comme sur le toit, la dernière fois. On aurait retiré nos masques. On aurait ouvert nos coeurs. On se serait livré l'un à l'autre. On se serait échangé d'autres confidences. On se serait regardé dans les yeux. Longuement. Très longuement-

Je stoppe ma marche pour décrocher mon téléphone qui se met à vibrer soudainement.

Jisung: Ça fait une heure qu'on te cherche, dépêche toi de rentrer au quartier général !

𝑩𝒂𝒅 𝑻𝒉𝒊𝒏𝒈𝒔 || NCT Mark ff fr Où les histoires vivent. Découvrez maintenant