Le soleil est déjà bien haut dans le ciel quand nous entendons les premiers roulements de tambour. Le client entre mes jambes ne semble pas les avoir entendus et continue sans relâche ses coups de bassin. Lorsque ; après une dizaine de minutes qui me parurent une éternité ; il se répandit en moi, il sembla enfin prendre conscience de l'agitation qui régnait au dehors. Les portes claquaient, des cris retentissaient, le son des tambours se rapprochait.
Il m'embrassa alors avec une fougue inhabituelle pour un vieillard de sa tempe puis se releva et se dépêcha de se vêtir. Je commençais seulement à me redresser quand un grand fracas retentit et qu'un long silence s'ensuivit. L'homme qui était là jeta précipitamment quelques pièces d'argent sur le lit avant de sortir à toutes jambes de la chambre, ne me jetant pas un regard. Je ramassais rapidement mon dut que je rangeais dans la petite bourse accrochée à la ceinture de ma tunique abandonnée au sol. La seule tâche incohérente dans cet ensemble mordoré, ce sont mes yeux : d'un bleu plus pur que le ciel, ils font ma popularité.
J'enfilais en quatrième vitesse mes vêtements, inquiet quant au silence qui régnait dans l'habitation : habituellement, elle regorgeait de murmures, de rires et de tintements de pièces.
Je parcourais les couloirs vides lorsque je suis tombé littéralement sur mon client : allongé par terre, j'avais trébuché sur sa jambe et m'était étalé de tout mon long sur le carrelage brillant. Mon menton n'appréciant pas sa rencontre avec le sol, je restais sonné quelques instants. N'ayant pas vu mon dernier client bougé, je me tournais alors vers lui et poussais un hurlement de terreur pure. Son poitrail était transpercé d'une longue lance en bois et son sang encore chaud coulait de cette blessure mortelle.
Mon corps se figea en voyant tout ce sang et je deviens sans aucun doute encore plus blanc que je ne l'était initialement. Mes oreilles bourdonnaient et mes membres ne répondaient plus. J'étais tellement sous le choc que je n'ai pas pu faire un seul geste en voyant trois grands hommes en armure s'approcher de moi. Je crois qu'ils me posèrent des questions, mais je n'entendais rien. Tout était flou, je ne percevais qu'un bourdonnement continu et insupportable. L'un d'eux, le plus grand, me prit alors par les aisselles pour me remettre debout mais je m'affalais de nouveau, ma cheville craquant sous mon poids. Je ne criais pas cette fois, je n'en étais plus capable. J'avais un mort sous les yeux pour la toute première fois de ma vie et, bien que j'ai atteint la majorité récemment, je n'en avais encore jamais vu. J'étais dans un état semi-comateux et je n'opposais aucune résistance aux hommes qui m'emmenèrent à l'extérieur de mon chez-moi. L'un deux me portait tel une princesse, les deux autres marchaient à nos côtés en surveillant sans cesse à l'avant et à l'arrière, redoutant sans doute une attaque surprise. Nous n'avons pourtant croisé personne quand nous sommes passés les portes de la demeure. J'eus alors un deuxième choc : la rue était jonchée de cadavres et leur sang courait les pavés. J'ai eu un haut-le-cœur : je ne supportait décidément pas la vue du sang.
Tout s'est soudainement brouillé devant mes yeux, et j'ai sombré dans les ténèbres.
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Lucan
Teen FictionLorsque la guerre éclate dans un pays libre, un oméga est livré au prince héritier.