Chapitre 5

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Les ténèbres m'habitaient de toutes parts. La douleur était plus présente que je ne l'ai jamais connue de ma vie, dans mon cœur et dans mon corps.

Je crois que j'ai eu des instants de lucidité, mais je ne percevais que quelques images incertaines : une maison en feu, des cadavres, le palais royal, des soldats Meniens, des soldats Dunsteriens, la mer et le front plissé de Cléa.

Les ombres m'habitaient tout entier, recouvrant mon visage et mon thorax. Mes jambes et mes bras n'étaient pas épargnés par la noirceur.

Je ne pouvais pas bouger, je ne voyais rien lorsque mes paupières sont ouvertes, et mon corps était en perpétuelle souffrance.

Je ne savais même plus depuis combien de temps j'endurais cela. J'avais perdu toute notion du temps maintenant, je ne pouvais pas entendre un tic-tac d'horloge, ni voir le soleil et la lune.

Puis un jour, les ténèbres s'éclaircirent : du noir profond, ils devinrent gris comme les ardoises des toits, puis gris comme les souris qui venaient nous tenir compagnie. Le gris devient blanc, qui devient lumière éclatante.

Je me redressais dans un sursaut de peur, des étoiles dansant devant mes yeux. Je m'habituais petit à petit à la pénombre de la soirée et découvris avec étonnement que je reposais sur un lit de soie. Les draps étaient doux sous mes doigts crispés et une bonne odeur de propreté régnait dans l'air. Les meubles en bois finement ouvragés me confirmaient la première impression que j'avais eu : j'étais loin de chez moi. Nulle part en Dunster nous n'avions ce genre de meubles. Les nôtres sont plus rustiques et classiques, bien moins décorés.

J'étais encore plongé dans mes réflexions lorsque la porte s'ouvrit sans délicatesse et qu'un homme imposant entra dans la pièce. Par réflexe, et sans doute également par pudeur stupide, je me cachais sous les fins draps afin qu'il ne me voit pas. Ce geste était guidé par une peur de l'inconnu : prostitué depuis toujours, je n'avais jamais caché ainsi mon corps. Bien que peu musclé, il était assez grand pour un corps d'oméga, mais ne faisait que frôler les cent soixante cinq centimètres.

L'homme, bien plus grand que moi, s'approcha et retira d'un geste brusque le morceau de tissu qui me recouvrait. C'est à ce moment que je me suis rendu compte que j'étais nu. Complètement nu. Il ne fît pourtant aucun geste déplacé et sortit d'un placard des outils que je reconnaissait comme étant des outils médicaux. Il installa le tout sur une petite table près de moi et s'en va. Plongé dans l'incompréhension, je ne remarquais pas immédiatement que le médecin du camp était entré à son tour et s'adressait à moi.

-Bonjour petit, comment te sens tu ?

-Bien...Je crois.

Ma réponse lui parvient après qu'il ai posé de nombreuses fois la question. Il s'approcha pour commencer son auscultation et je restais immobile, ne voulant pas embêter cet inconnu. Après un examen complet, il vérifia professionnellement ma nuque. Je n'étais pas marqué, mais depuis mon réveil, mon collier avait disparu. Il nota quelques mots dans un carnet posé sur la table, se nettoya les mains et s'apprêta à sortir lorsque je l'interpella.

-Excusez moi...Pouvez vous me donner un collier...?

Il soupira avant de partir m'en chercher un, grommelant dans sa barbe. Il m'en ramena un en cuire qu'il noua habilement autour de mon cou et me demanda de le suivre à l'extérieur. N'ayant pas bougé depuis de nombreuses semaines, marcher me semblait une mission impossible, surtout avec ma cheville blessée. Le médecin m'aida alors avec patience afin de sortir et m'entraîna à travers les couloirs de cet étrange bâtiment ne ressemblant à aucun autre.

LucanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant