Chapitre 4

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Lorsque j'émergeais de nouveau, ma migraine avait diminué. Je ne ressentais plus qu'une douleur sourde dans les tempes mais je n'avais pas aussi mal qu'avant. Je pouvais me concentrer plus longuement sur le monde qui m'entourait.

Le chaos de la route labourant mon dos me fit me redresser en vitesse, accompagné du tintement de mes chaînes. Je suis allongé dans une charrette, des menottes tenant mes mains et mes pieds ensemble et m'empêchant tout mouvement de ces membres. Une interminable file de soldats se déployait d'avant en arrière. Leurs pas cadencés me donnaient des frissons, cette vue était impressionnante. Ils semblaient être des milliers à marcher vers la capitale. De ce que je savais de la géographie de notre pays, Dunster, la capitale se situe en bord de mer, à l'extrême Nord-Ouest des autres pays. Il paraît qu'au-delà de la mer se trouve des terres remplies de monstres en tous genre, de bêtes fabuleuses et irréelles. Le pays n'est pas si entendu, seulement une ou deux centaine de kilomètres de large et un peu plus de long. Les terres de Dunster forment un trapèze et, le long des côtes maritimes, se tiennent des grands ports de commerce. La ville où se tenait le bordel était sur l'un de ces ports, et j'ai reconnu autour de nous le climat plus chaud qui signale notre montée dans les terres.

La fille que j'avais repérée dans l'infirmerie était désormais assise à mes côtés, le regard fixé sur la mer perceptible à l'horizon. Il n'y a plus de doute, c'était ma grande sœur. Sans attendre plus longtemps et ne prêtant plus attention à mes entraves, je sautais dans ses bras pour l'enlacer.

Elle fut surprise au début, mais ne tarda pas à passer ses bras autour de moi, me montrant sa présence inouïe dans cet endroit. Sa douce odeur de cannelle apaisa immédiatement la tension qui m'habitait depuis que les hommes étaient venus me chercher là bas. J'avais bien cru ne jamais la revoir, mais elle était là et je ne pouvais être plus heureux.

La stupeur laissa rapidement place à de nombreux questionnements. Je m'écartais alors d'elle pour lui demander tout ce qui me tracassais.

-Où sont les autres ? Qu'est-il arrivé ? Pourquoi sommes-nous ici ?

Son rire léger résonnait à mes oreilles comme un baume apaisant.

-Ils ont dû s'enfuir avant l'attaque, je ne les ai pas revus. Ce sont les Meniens qui nous ont attaqués il y a une semaine maintenant, ils nous ont fait prisonniers pour nous offrir en récompense à leur roi je crois.

-Les Meniens ?! Mais ils n'ont aucune raison de nous attaquer, nos pays sont en paix depuis longtemps non ?

Je ne fit pas mention du temps passé depuis notre départ, mais il est vrai que j'avais déjà beaucoup moins mal à ma cheville. Elle avait dû se réparer pendant ces sept jours.

-Je ne sais pas, ils ne sont pas bavards avec les esclaves.

-Ils vont attaquer la capitale ?

-C'est possible, ils ont détruit beaucoup de villes sur la route et épargné peu de gens.

Un silence s'installa, nous espérions que leurs pauvres âmes aient rejoint en paix le monde des morts. C'était peut-être trop tard, mais ces gens méritaient sûrement un repos éternellement paisible.

Un garde remarque alors que je m'étais réveillé, et, se levant de l'arrière du charriot, se dirigea vers nous pour saisir mes cheveux et les tirer en arrière.

-Tu es bien mignon pour un oméga adulte, je passerai bien la nuit avec toi maintenant que tu ne dors plus.

Malgré mon travail de prostitué, cette proposition me retourna le ventre et me donna une furieuse envie de vomir. Je le repoussais de toutes mes faibles forces, mais il ne fut pas de cet avis. Il me lança alors sur le plateau en bois de la charrette et immédiatement, ma douleur à la cheville revint et un hurlement de douleur pure m'échappa.

Cléa essaye de s'interposer mais elle reçu une gifle de la part de l'homme et s'affala de nouveau sur elle-même.

Je pensais passer un sale moment, jusqu'à ce qu'un soldat lui ordonne de me laisser tranquille. Son regard imposant et son aura puissante dissuadèrent l'homme d'aller plus loin.

Il retourna alors à son poste et une larme de soulagement glisse sur ma joue, bientôt suivies par d'autres, de douleur. Ma cheville me faisait extrêmement souffrir et une frayeur sans nom m'habita d'un seul coup.

Je me mis à trembler dans les bras de ma Cléa, de grands sanglots déchirants mon ventre. Je savais que de nombreux soldats me jugeaient, mais je ne m'en souciais pas. Je ne me souciais plus de rien. Seule la douleur était là : celle de ne plus contrôler la situation, celle de ma cheville, celle de ne jamais avoir connu ma famille, celle d'être complètement seul au monde, celle d'un prisonnier d'inconnus, celle de mes poumons qui brûlent sous les larmes.

La douleur m'habitait et, après quelques minutes qui me parurent une éternité, je sombrais une nouvelle fois dans de profonds ténèbres.

LucanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant