Chapitre 1

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Aussi loin que remontent mes souvenirs, j'ai toujours été une rêveuse. 

Aussi loin que remontent mes souvenirs, cela m'a toujours porté préjudice. 

L'année de mes quinze ans, mon esprit fantasque avait jeté son dévolu sur un groupe de cinq jeunes hommes fort charmants, aux voix qui me faisaient frissonner : les One Direction. Je savais bien que leur musique n'était pas le résultat d'une vaste recherche technique et artistique, que leurs voix étaient des machines à fabriquer de l'argent et leurs yeux des instruments de pouvoir. Mais je ne pouvais m'empêcher de les aduler, dans mon influençable jeunesse. Je les aimais comme si je les avais toujours connus, comme s'ils faisaient véritablement partie de ma vie. 

Si mes proches se riaient de cette addiction qu'ils jugeaient infantiles, à ma grande colère, ma mère, elle, demeurait tolérante et posait un regard tendrement amusé sur mes folies adolescentes. 

Londres, la ville qui symbolisait à mes yeux mon amour pour eux, constituait alors un horizon scintillant comme au crépuscule. Lumineux, replendissant, féerique... inatteignable. Mes parents, divorcés, me l'avaient clairement fait comprendre : leurs salaires respectifs ne leur permettaient pas de m'y emmener.

Cependant, j'en avais décidé autrement. 

Cela faisait à présent plus de huit semaines que je travaillais sans relâche afin de faciliter la vie à ma mère, qui se plaignait de fatigue chronique et de maux de crâne. Etudiant avec assiduité, je décrochais d'excellentes notes, moi qui avais pourtant toujours été une élève moyenne. Je m'occupais des tâches ménagères de la maison, me levais dix minutes plus tôt tous les matins pour préparer le petit-déjeuner, avais déniché un petit boulot de serveuse le weekend... bref, je me mettais en quatre dans le seul but de convaincre ma mère de partir à Londres. 

Et mes efforts finirent par payer.

Ce jour-là, j'étais, comme de coutume, allongée sur mon lit, le portable à la main, les écouteurs dans les oreilles, discutant par SMS avec mon amie Elena, lorsque ma mère se glissa dans ma chambre.

"Hmm ? marmonnai-je en arrêtant la musique, surprise de cette intrusion inopinée.

-Aurélie... J'ai pris une décision.

-A propos de quoi ? m'enquis-je, soudain inquiète.

-Ton cadeau d'anniversaire. Tu as tellement trimé ces derniers temps, j'ai estimé que tu le méritais. J'ai acheté deux billets à destination de Londres, pour un week-end. Tu pourras partir avec la personne que tu souhaites."

Je crus un instant qu'elle se moquait de moi, mais elle semblait sérieuse. Je poussai un hurlement de joie, sautai à bas de mon lit et me jetai dans ses bras en lui disant qu'elle était la meilleure maman du monde. Elle riait, heureuse de ma réaction.

Tous mes rêves venaient de se précipiter dans la réalité, avec une délicieuse brutalité. J'étais la plus joyeuse du monde. Je restai quelques minutes allongée, songeant à la séance de dédicaces où j'allais enfin pouvoir les rencontrer... Puis les problèmes vinrent s'immiscer dans mes pensées : comment me retrouver dans Londres, avec mon sens de l'orientation aussi élevé que celui d'un balai-brosse ? Où ma mère avait-elle trouvé l'argent nécessaire ? Y en aurait-il suffisamment ? Et, ô Seigneur, si je ne les voyais pas ? Si j'arrivais trop en retard ? Axieuse de nature, j'étais en train de devenir paranoïaque. 

 Et puis, j'eus une idée.

Quarante-huit heures pour aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant