4 - Aaron

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Evana ne s'approchait pas de moi, me regardait comme si j'étais un simple étranger. Pourtant, nous avions vécu des choses ensemble. C'était de ma faute cette situation. C'était moi qui avait déclaré qu'on ne devait plus se voir. Je lui avais fait énormément de peine, j'étais au courant. Mais c'était une jeune louve. Elle avait toute la vie devant elle et avait la possibilité de trouver un âme-sœur de son âge. Je ne pouvais pas être le sien.

Quand je la voyais maintenant, assise à la table de la cuisine devant moi, elle paraissait plus âgée. Fini la jeune louve qui riait toujours, qui souriait à longueur de journée. Fini celle qui faisait des bêtises pour attirer mon attention. Celle en face de moi, grignotait et chipotait dans son assiette sans vraiment manger. Ses sœurs l'aidaient du mieux qu'elles pouvaient mais Eva ne semblaient pas vouloir de leur aide.

Le soir même, Romane et Lou partirent sur la demande d'Eva. Et la louve s'enferma dans sa chambre jusqu'au lendemain sans plus rien manger. Elle n'ouvrait à personne. Je savais qu'elle ne dormait pas. Je tendais l'oreille tout le temps, même la nuit. J'avais renvoyé toute ma meute chez elle pour qu'on soit seuls.

Je sortis de mon lit, et allai frapper à la porte de sa chambre. Elle ne voudra pas m'ouvrir, je le savais mais je voulais tenter.

- Eva ? Ouvre-moi.

Je l'appelais toujours comme ça et ça me rappelait nos moments passés ensemble au bord de la cascade de Canviar.

- Laisse moi tranquille, gronda-t-elle.

Elle avait de grosses difficultés à parler mais c'était compréhensible. Je collai mon front à la porte.

- S'il te plait. J'ai besoin de m'assurer que tu ailles bien.

Il y eut un long silence. J'entendis ses bruits de pas. Elle devait faire les cent pas. La clé tourna dans la serrure et la porte s'ouvrit. Je ne cachait pas ma surprise. Elle me foudroya du regard.

- Je peux entrer ?

Je voulais être sur qu'elle ne regrette son choix, au cas ou elle dirait oui. Un homme lui a fait du mal. Eva a peut-être des difficultés à me voir, justement parce que je suis un homme. C'était possible qu'elle me relie à cet enfoiré.

- Entre.

Elle s'écarta et on se tint tous les deux debout dans sa chambre. Je l'observai alors qu'elle touchait à ses cheveux, les yeux rivés sur le mur derrière moi. Ses joues étaient creusées et les derniers bleus disparaissaient.

- Je ne te juge pas Evana. Si tu veux me parler de ce qui t'est arrivée, ma porte te sera toujours ouverte, qu'importe l'heure.

Elle laissa transparaître son étonnement et cette fois-ci, elle me regarda vraiment. Ses yeux étaient habités par la peur, par les souvenirs de ce qu'elle avait vécu.

- Je ne sais pas dormir, chuchota-t-elle si bas que je crus avoir imaginé.

Je m'approchai légèrement et elle recula. Je m'arrêtai, ne voulant pas lui faire peur. Elle était comme un louveteau, craintive. Je n'avais connu quelques loups dans son cas. Certains remontaient la pente et d'autres non. Je ne savais pas ou en était Eva. Elle voulait se suicider quand ma protectrice l'avait trouvée. Est-ce qu'elle était encore en danger à l'heure actuelle. Est-ce que si je la laissais seule dans la cuisine, elle se tailladerait mes veines ? Je ne savais vraiment pas. Et je ne voulais pas prendre de risque. Je voulais qu'elle vive, mais elle...voulait-elle encore vivre après tout ça ?

- Comment ça ?

Sa bouche se tordit en une grimace.

- Dès que je dors, je revis tout ce que j'ai vécue. C'est comme si je ne dormais jamais.

J'hochai la tête. Je pointai le canapé du doigt.

- Si tu veux, cette nuit, je veille sur toi. Promis, je dors sur le fauteuil.

Contre toute attente (elle m'étonnait de minute en minute), elle acquiesça. Elle se dirigea vers son lit et se mit sous les couvertures qu'elle ajusta jusque sur sa bouche. Elle me fixait toujours avec intensité. Je me mis sur le fauteuil, soulagé qu'elle accepte. Il y avait déjà un coussin et une petite couverture. Je restai longtemps à fixer le plafond. Vers 4 heures du matin, j'entendis de faibles ronflements. Je tournai la tête pour observer Eva. Elle dormait profondément et je voyais clairement les horreurs sur son visage. Je priai pour qu'elle dorme sans cauchemars. Elle devait récupérer, elle était épuisée.

Quelques heures plus tard, j'entendis des hurlements qui me tirèrent de mon sommeil. Je me redressai et tournai la tête vers la louve endormie. Elle remuait dans son lit et se débattait avec les couvertures. Elle donnait des coups de pieds et hurlait encore et encore. Comme si elle était à l'agonie. Je m'approchai d'elle doucement. Son visage exprimait l'horreur et les larmes ruisselaient. Je m'assis à coté d'elle et l'emprisonnai dans mes bras. Je coinçai ses bras, alors qu'elle me frappait sans s'arrêter. Elle était en sueur. Doucement, elle sembla reprendre ses esprits et son corps arrêta de se débattre. Son souffle se fit plus léger et ses yeux s'ouvrirent d'un coup. Ses yeux d'un marron glacé. Que j'avais toujours trouvé magnifique malgré leur couleur banale. Ils exprimaient tellement d'émotions qu'on ne pouvait s'empêcher de les contempler. La lune les illuminait. Elle se blottit plus fort contre moi et ses mains accrochèrent mon t-shirt. Son coeur était emballé. Par son cauchemar ou mon contact ?

- Il m'a pris mon bébé, dit-elle d'une voix basse et brisée.

Je fronçai des sourcils. Quel bébé ? Le sien ? Elle dut voir mon interrogation.

- J'ai perdu un bébé. Un petit être sans défense qui n'aura jamais vu le jour.

Sentant son désespoir, je touchai ses cheveux. Quand je faisais cela à ma sœur, ça l'apaisait sur le champ. Je la recouchai sur son matelas et m'installai à coté d'elle. Je remontai la couette sur nos corps. Eva ne tarda pas à s'endormir de nouveau son crâne sur mon torse, épuisée. Je continuai de caresser ses cheveux. Je ne voulais pas qu'elle soit hantée. Je déposai un baiser sur son front. 

Les liens d'amour 2 - Guérie moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant