Chapitre 8 [1/3]

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     Aislinn poussa un cri strident.

Elle se sentait souvent mal à l'aise dans l'école, avec le sentiment incessant d'être en permanence épiée. Une sensation étrange alors s'emparait d'elle et une odeur horrible émanait de cette perception. Chaque fois, elle se disait qu'elle était bien trop à fleur de peau. Du coup, son imagination lui jouait des mauvais tours. Et, avec le manque de sommeil, cela n'était pas près de s'arranger.

Cette fois, c'était devenu bien plus grave, car en lui volant ses affaires et en écrivant sur le mur, James venait de lui prouver qu'elle n'avait absolument rien imaginé. L'odeur de sang envahit ses narines, lui donnant presque la nausée.

— Espèce de pervers ! cria-t-elle d'une voix aiguë. C'était donc toi qui m'espionnais sous la douche... ?

La colère la mit dans un tel état qu'elle ne réalisa pas qu'elle était toujours nue comme un ver avec seulement son bonnet sur la tête qui retenait sa longue chevelure. Son corps tremblait de la tête au pied. Une irrésistible envie de frapper James s'empara d'elle, histoire de lui apprendre à respecter les filles. Avec un effort surhumain, elle réussit à se contenir. Une part d'elle se souvenait des recommandations de son père dans les lettres qu'il lui envoyait régulièrement. Dans chacune des missives, il insistait longuement sur le fait qu'elle devait calmer son caractère emporté et ne pas se disputait avec les autres. Aislinn avait l'impression qu'il avait connaissance de ses nombreuses disputes avec ce dernier... Pourtant il n'en faisait pas mention.

James se racla la gorge tout en prenant soin d'éviter de la regarder. Non, mais elle ne manquait pas d'air ! Elle osait l'insulter et le traiter de pervers alors que c'était elle qui se tenait devant lui en ne portant rien sur elle !

James ne supportait qu'on l'insulte ainsi parce qu'il n'avait rien à voir avec ces types qui espionnaient les filles. Exactement comme deux camarades qui s'amusent à faire ce genre de choses pour amuser leur bande de copains.

— Espèce de sale..., commença-t-elle.

— Je pense que tu devrais t'habiller, plutôt que de perdre ton temps à m'injurier, mademoiselle l'exhibitionniste !

— Quoi ?! répondit Aislinn qui ne comprit pas tout de suite.

Quand elle se rendit compte de son état, elle en fut si horrifiée, qu'elle aurait souhaité disparaître. Sans réfléchir, elle courut se cacher derrière un rideau. Aislinn se sentit terriblement coupable de s'être montrée ainsi sans pudeur. Même si elle ne l'avait pas fait exprès.

Tout ça, c'était à cause de son foutu caractère. Ses parents lui disaient toujours qu'elle finirait par s'attirer des ennuis si elle n'apprenait pas à se calmer. La colère était responsable de tous ses ennuis. La gêne s'ajouta très rapidement à l'énervement. Une chaleur envahit tout son corps, en donnant l'impression d'être en feu.

Elle souffla plusieurs fois pour apaiser les battements affolés de son cœur en s'appuyant contre la paroi froide ; elle n'en sentit pas la fraîcheur tant elle était choquée.

Pendant ce temps, James ignora la jeune fille pour se concentrer sur l'inscription mystérieuse. Il ne savait pas lire l'ogham ; et pourtant, cela l'attirait irrésistiblement par ses runes. Il s'approcha un peu plus près. Une décharge électrique parcourut tout son être. Exactement comme dans la forêt, l'autre nuit. Un peu plus tôt, alors qu'il était au réfectoire, un étrange pressentiment l'avait oppressé, ainsi qu'une subite envie de se rendre dans le dortoir des filles.

James savait comment s'y rendre sans se faire attraper par madame MacGregor. Il existait un ancien réseau de passages dans la salle commune des étudiants, qui menait à différents endroits de l'école. C'était en passant dans le couloir qu'il avait entendu une femme l'appeler par son prénom. Elle murmurait sans cesse et sa voix semblait irréelle, mais si irrésistible.

Pour le moment, ce symbole l'intriguait au plus haut point, il fallait à tout prix qu'il l'écrive afin de ne rien oublier. C'était plus fort que lui. Il matérialisa une plume et un parchemin pour le reproduire.

**

*

Le temps était suspendu, pour Aislinn.

Elle s'était repliée sur elle-même en position fœtale. Ce n'était pas uniquement à cause de son camarade. Mais parce qu'elle se sentait très vulnérable ; ce sentiment la terrorisait et elle ne pouvait s'empêcher de penser que, sans son bonnet de bain, il aurait pu voir sa vraie couleur de cheveux. À cause de sa conduite inconsidérée, le secret de sa famille aurait était dévoilé.

Il faut que j'apprenne à me contrôler. Brider mes sentiments pour ne plus mettre en danger ma famille, songea-t-elle en se relevant.

Aislinn sécha ses larmes d'un revers de la main, ensuite elle se frictionna, afin de réchauffer son corps qui était maintenant frigorifié.

Elle arracha le rideau de douche pour s'en couvrir du mieux qu'elle put. Quand enfin, elle sortit, Aislinn tomba nez à nez avec James.

Respire! Surtout, garde ton calme, pensa-t-elle pour ne pas refaire l'erreur précédente.

La jeune fille choisit de l'ignorer.

Au moment où elle s'apprêtait à sortir, des bruits de pas se firent entendre dans le couloir. Elle sursauta quand James l'attrapa brusquement par le bras pour l'attirer dans un sombre recoin de la salle. Il lui fit signe de ne pas faire de bruit et de ne pas prononcer le moindre mot. Sans perdre une minute et même sans avoir lâché le bras de la jeune fille, James prit son poignard et s'ouvrit légèrement la paume de la main. Avec son sang il traça une rune ancienne sur la paroi en pierre. Une fois celle-ci achevée, il appuya sa paume au centre du signe. Le mur se mit à craquer, les pierres bougèrent les unes après les autres et, bientôt, un passage s'ouvrit rapidement.

Aislinn ouvrit grand la bouche de surprise. C'était la première fois qu'elle voyait ce sort de sa vie. Un tel exploit était chanté par les druides, de génération en génération, mais cela faisait des siècles que plus personne n'était capable de faire appel à ce pouvoir. Le savoir avait était perdu et son utilisation n'était plus que légende.

James l'entraîna dans la brèche ouverte. Une fois qu'ils furent à l'intérieur, le passage se referma sur eux. La jeune fille ne put s'empêcher de trembler de la tête aux pieds. Parce qu'elle avait peur des endroits clos, et là, elle était enfermée derrière un mur en pierre. Autrement dit, emmurée vivante...

La prophétie des astresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant