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Le portail en fer forgé s'ouvre sur Dobby, dont le regard est craintif et le dos toujours autant affaissé, à m'en donner des grimaces pour moi qui dance le classique. Drago passe devant lui sans le voir, Maman remonte le menton d'un air méprisant. Elle m'a d'ailleurs dit, et j'en suis ravie, que Père avait un surplus de travail qui l'obligeait à demeurer enfermé dans son bureau. Le connaissant, ça ne m'étonne même pas car son bureau, c'est comme un moyen d'asservir son autorité sur le manoir entier et ses habitants. Quel idiot, on verra s'il va être aussi autoritaire envers moi maintenant que j'ai apprise à ne plus le craindre grâce à mes meilleurs amis et notamment ma mésaventure avec la Pierre philosophale, qui m'ont tous deux redoré une certaine confiance en moi. Encore tangible par moments mais je trouve m'être améliorée depuis l'année dernière.

- Merci, Dobby, le remerciai-je par rapport au portail qu'il nous a ouvert.

L'Elfe me sourit, me faisant répondre à son geste d'une façon égale. Je l'adore, cette créature. Toujours de bonne humeur malgré les menaces de mon père, c'est incroyable.

- Je suis heureuse que tu sois là, Mélody, avoir fêté Noël sans toi a été dur, ma Chérie, m'avoue Mère.

Drago a une exclamation méprisante alors que je tente le plus beau de mes sourires forcés.

- Oui, je sais... J'en suis désolée, Mère.

Autrefois, je n'aurais pas passé pour crédible. Mais mon regard planté dans le sien semble la contenter car elle étire son éternel sourire « bienveillant » qui me fait perdre le mien alors qu'elle m'étreinte contre elle.

- J'ai compris, Mère, dis-je en la forçant à se reculer, perturbée de ce contact physique.

Elle le comprend puisqu'elle a un sourire attristé.
Plus on s'approche du manoir, plus l'immense bâtisse nous surplombe de son ombre vertigineuse. Haut de trois étages, c'est le manoir le plus grand du Wiltshire. Et le plus luxueux.
À l'allure typique anglaise de notre pays, il comporte tellement de pièces que je ne pourrais toutes les compter. Même le jardin est gigantesque, avec ses très nombreux arbres et fleurs qui sont judicieusement plantés afin de rendre sa traversée sur dalles agréable, en compagnie de majestueux paons Albinos dont mon père s'est toujours vu fier et orgueilleux de posséder. Puis, il y a même une rivière dans le fond du jardin, avec le Kiosque d'été à la grecque surmonté par un dôme en verre... Tout ça représentera toujours pour moi un palace de riche donnant l'impression d'une prison dorée. Et qui me ramènera constamment enchaînée à mes parents.
Dobby ouvre la porte du manoir dans lequel ma mère et mon frère sont les premiers à entrer. Je les suis avec une certaine rétention.
À peine ai-je foulé le pas de l'entrée, que je suis étouffée sous une masse de luxure angoissante. Le bois recouvrant les murs est assombrit par l'éclairage, faisant de l'ombre au parquet noir posé au sol. Un grand tapis mène jusqu'à l'énorme escalier et des colonnes qui soutiennent l'étage du haut. Pendu au milieu du plafond, les cristaux du grand et magnifique lustre scintillent comme mille éclats de bijoux, s'harmonisant aux bibelots luxueux des guéridons victoriens...
Ce serait mentir si je prétendais que cet endroit m'avait manqué. Le summum est ce langage soutenu qu'on doit avoir entre ces murs. Évidemment, car avoir une famille de bourgeois aristocrates presque billionaire impose énormément de règles, notamment un langage correct avec phrase, sujet, complément et verbe. Avec interdiction aux insultes trop vulgaires, évidemment.

- Dobby, dis-je, peux-tu aller me ranger ma valise, s'il te plait ?

- Tout de suite, Maîtresse.

Je soupire ; le terme « Maîtresse », est un système d'un ancien temps dont beaucoup de Sang-pur en aiment la tradition. Ce n'est pas mon cas, et ce ne le sera jamais.

Elementum {Tome 2}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant