Malise fut née, et baptisée un mois d'avril, alors que l'hiver bouclait à peine ses bagages. Vous comprendrez plus tard, pourquoi, Malise était un nom qui ne correspondait en rien à notre héroïne, puisqu'il signifiait « Serviteur de Dieu ». Hélas oui, la vie avait décidé d'être fortement ironique avec cette dernière, dès lors sa naissance, avant même qu'elle n'eut le halo de l'ange autour de sa tête.
***
« Aileas, je vous ai déjà rapporté l'ordre de mon père, Laird des Cameron, de ne recevoir aucune visite, hormis la mienne. Je m'occuperai donc, personnellement, de son déjeuner. » Rugit Malise sur sa servante.
Cette dernière crut bon de baisser la tête pour ajouter un plaidoyer à son manquement.
« C'est que... Je pensais que... Comme votre père est souffrant, et que vous avez la responsabilité du clan sur les épaules, un peu de répit vous ferait du bien. »
Malise fronça alors le nez et gratifia Aileas d'un regard amalgamé entre mépris et méchanceté, avant d'ajouter d'un ton froid et rigide :
« Vous n'êtes pas ici pour penser. Obéissez, c'est tout. En outre, aucun répit ne me sera permis tant que mon père ne se sera pas rétabli. »
Sur l'annonce de ces faits irrévocables, la maîtresse de maison arracha presque le plateau à la servante en la foudroyant du regard et s'engouffra dans la chambre de son père.
La porte grinça en se refermant, et Malise soupira en posant son triste plateau sur l'unique table posée là. Il faisait froid dans cette pièce qui semblait inhabitée depuis des siècles et qui avait perdu l'odeur des bruits d'une famille aimante. En se retournant, tout ce qu'elle vit, ce fut un feu éteint, puis un grand lit vide.
Panier en main, Malise savourait les joies de ce court moment de solitude avant de retourner battre le fer chaud des affaires qui l'attendaient. Marchant à travers les herbes craquelantes en quête d'un coin parfait pour se remplir la panse, elle réfléchissait à sa vie, à son orgueil. Elle savait bien que dans les Highlands, comme partout ailleurs, une femme ne pouvait prétendre s'approprier le pouvoir. La belle se demandait comment elle allait faire si l'on venait à apprendre son stratagème. Deux choix s'offraient à elle : laisser le clan des Cameron aux mains graisseuses et crasseuses de son imbécile d'oncle ou... Épouser le premier venu pour tout de même, conserver la maison de son enfance. Le premier venu, manipulable pour meilleure qualité, aurait été préférable à ses yeux. Malise avait en elle une soif insatiable de pouvoir et de contrôle, surtout envers ce qu'elle considérait lui appartenir, comme son clan.
L'endroit parfait pour manger se dessinait peu à peu devant elle. Un réel spectacle magique et hivernal s'offrait à ses yeux bleus. Un ruisseau glacé, si transparent, qu'on le voyait à peine. Des bosquets d'herbes recouverts de neige brillante à perte de vue. Des arbres, des buissons vêtus de blanc. L'odeur de bruyère, le murmure des flocons étoilés... Ainsi que le soleil infiniment grand, qui surplombait le tout, dans un cadre de définition du paradis même. Lady Malise aimait particulièrement cette saison, car c'était à ce moment de l'année que s'épanouissaient le plus les cœurs de glace.
Après avoir disposé une couverture en fourrure et allumé un feu, la jeune femme sorti de son panier de nombreux mets. Elle se frotta les mains et pris un généreux morceau de viande séchée. Malise allait toucher de ses lèvres rouges l'objet de ses convoitises, lorsqu'un pleur étouffé d'un enfant perdu surgit soudain d'un buisson enneigé.
Posant alors furtivement sa main sur son sgian dubh, il s'agissait d'une petite dague portant l'insigne des Cameron – des flèches liées entre elles – ainsi que leur devise, qui était : « Aonaibh Ri Cheile » signifiant à peu près « Unissons-nous ». Malise se leva aussi discrètement que lui avait appris son père, et se dirigea vers l'origine des cris. Si un enfant avait besoin d'elle, la belle n'hésiterait pas à se salir un peu. Il y avait deux sortes de sang qui recouvraient les mains des hommes. Celui que l'on exhibait égocentriquement pour montrer aux yeux du monde ses actes de bravoure et de courage. Et celui que l'on cachait et qui servait le plus souvent à arriver à ses fins. La belle ne savait plus vraiment lequel occupait les siennes.
Aussi furtive que le soleil au petit matin, notre belle intrigante accouru vers l'origine des sons de marmot apeuré. Dès lors que la scène se peignit à ses yeux bleus de glace, Lady Malise eu un frisson d'horreur qui lui parcouru l'échine.
« Lâchez cette pauvre enfant de ce pas ! Hurla cette dernière de plein poumon. Obéissez ! Ou je vous jure que vous connaîtrez la fureur de ma dague, et de toutes celles des Cameron ! »
Il était connu que les Highlanders avaient le sang chaud, et cela menait souvent à de regrettables dérapages. Malise était consciente de l'importance de son clan dans toute l'Écosse, ce qui faisait sa force. Jamais un homme, surtout seul, ne se serait opposé à sa rage. Il était de mise que pour survivre face aux Anglais, les clans devaient s'allier, et Malise avait contracté de nombreux pactes, et ce, même avec les Lairds les plus réticents. Elle n'hésitait pas à user de ses charmes pour arriver à ses fins, mais savait qu'elle ne pouvait se laisser dominer par un individu mâle... Surtout si celui-ci retenait pour captive, une pauvre jeune fille, aux couleurs des Gunn. Mais à son grand étonnement, l'homme ne lâcha pas la jeune enfant et sortit à son tour son sgian dubh. Malise bouillonnait de rage en le voyant si provocateur.
« N'avez-vous pas entendu ! Je vous ai ordonné de... »
Mais les pleurs de la petite la stoppèrent net, ruinant au passage ses plans de recevoir la bénédiction éternelle du Laird des Gunn pour avoir sauvée l'une des leur.
« Grand frère !!! Pourquoi elle nous menace !! Tu m'as menti !!! Tu avais dit que les Cameron allait nous accueillir ! Je te déteste !!! »
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Une Dame de Coeur - Tempêtes et Passions
ChickLitTor Castle, 1703, Écosse. Malise, fille unique du défunt laird du clan Cameron, trouve un subterfuge afin d'épouser Lachlan Gunn, qu'elle connaît à peine, dans le but de sauver son clan. La jeune femme, qui trempe alors dans de sombres affaires, se...