Chapitre 12

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Le reste du trajet avait été si silencieux qu'il semblait à Malise qu'il avait duré des jours entiers. Lorsqu'ils passèrent par la cheminée, la lune était déjà prête à céder sa place. La belle ne put s'empêcher de remarquer l'émerveillement de Maxwell alors qu'il avait découvert la chambre du laird tout juste éclairée.

"Savez-vous allumer un feu Maxwell ? Il fait froid et je doute que la domesticité de Tor Castle soit déjà réveillée." Demanda la Lady.


Évidemment, elle mentait. Tous les membres du clan Cameron étaient à son service, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Elle trouva l'idée de Maxwel créant lui-même son propre destin funeste amusante. La jeune femme ne prenait pas plaisir à retirer une vie, non. Mais il y avait longtemps qu'elle n'avait pas sourit. Toute sa peine à garde secret un tel fardeau allait enfin s'envoler. Le vieillard s'inclina et s'agenouilla devant la cheminée. Quelques instants plus tard, une vive lueur jaune-orangée éclaira doucement la pièce richement décorée.


"Merci Maxwell."

La belle intrigante s'allongea sur le lit de son défunt père et ferma les yeux. À ce moment-là, rien n'aurait plus la déranger. Elle grava à tout jamais ses souvenirs avec le Laird. Toutes leurs parties de pêches, tous leurs rires... Ses yeux bleus de glace se plongèrent dans la pièce faiblement éclairée. Le lit était en face de la cheminée. Au centre, il y avait une table et près de la fenêtre une vieille écritoire. Il était là depuis le tout début et il avait été le témoin de l'amour inconditionnel du père et de sa fille.

"Sur la table, il y a un repas pour vous."

L'homme fut ému par tant de victuailles pour sa seule personne. Il y avait des fruits, de la viande braisée du soir même, du fromage, et un tonneau entier de bonne bière fraîche. Il y avait fort longtemps qu'il n'en avait plus goûté !

"Tout ça pour moi ? Merci ! Il se servit de la bière et en bu une grande rasade avant de soupirer d'aise. J'en aurai presque oublié le goût amer ! En voulez-vous ?"

Lady Malise déclina poliment l'offre et scruta l'homme en boire encore un verre. C'était tout. Elle ne pouvait plus faire marche arrière. Elle se leva alors et s'empara de la chevalière de son père et de son sgian dubh. Maxwell devait les porter - car le Laird les avait toujours sur lui - et que ces objets seront tout au plus carbonisés.

"Maxwell, ce soir, vous serez Laird. Laissez-moi vous offrir, en guise de ma gratitude ces modestes ornements." Ajouta-t-elle en l'aidant à placer les objets au bon emplacement.

Une fois cela fait, la jeune femme s'assit en face de sa marchandise en attendant qu'il mange. Et lorsque son corps lourd tomba - endormi - au sol, Malise se leva et le tira près du feu. Lui donner des somnifères à son insu était certes une bonne idée pour qu'il soit docile, mais le corps inerte de l'homme valait son pensant d'or : elle dû s'y reprendre à trois fois avant que ses cheveux gris et sales ne touchèrent le feu.

Et tout fut très vite. Les flammes ardentes gagnèrent du terrain sur les cheveux de Maxwell et dansèrent avec ses vieilles frusques, avant de s'attaquer à son corps délabré. Malise resta un instant à regarder ce spectacle lumineux, comme hypnotisée, mais elle ne pouvait pas rester dans cette pièce, le feu valsait déjà sur la paillasse. Ses yeux bleus se posèrent une dernière fois sur le corps enflammé de l'homme. Ainsi, il semblait la supplier de la sauver de son enfer crépitant et brûlant. La jeune femme se retourna et quitta au plus vite la chambre de son père par le couloir adjacent qui reliait les deux pièces, et dont elle seule avait la clef. 

Lady Malise courut aussi vite que possible à sa chambre alors que déjà, le château semblait s'agiter dans tous les sens. Quelqu'un avait dû voir les flammes monter jusqu'aux cieux.
Elle se dévêtit à la hâte et sauta dans son lit pour faire mine de dormir lorsqu'on viendrait lui annoncer la mauvaise nouvelle.

Lorsque ses yeux furent clos, l'obscurité la gagna. La belle devra être bonne actrice mais maintenant elle devait attendre, attendre que les flammes n'effacent les preuves de sa culpabilité.

L'intrigante entendit les cris affolés de ses sujets. Elle revit en image le corps de l'homme inerte, disparaissant dans les flammes. Il tendait une main imaginaire vers elle, mais Malise avait choisi de lui tourner le dos. Ce Maxwell était certes anglais, mais n'avait pas l'air méchant, au contraire même. Il avait eu les yeux pétillant face à un simple tonneau de bière et avait accepté son destin aussi morbide fut-il, sans se plaindre, jamais.

On aurait dit un enfant. Mais tout le monde le savait : les gamins mouraient dans un enfers de feu et de sang en devenant adultes.

Une Dame de Coeur - Tempêtes et PassionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant