Le moins que l'on pouvait dire à ce moment-là, c'est que Lady Malise ne passait pas inaperçue, même vêtue de noir. Tous les regards épieurs semblaient être tournés vers sa personne, la jugeant et la condamnant sans cesse. Le pire fut lors du repas. L'intrigante se tenait sur l'estrade, à la lumière de chaque Cameron, sans pouvoir rien faire pour sa défense. Elle se sentait seule, bien plus qu'elle ne l'aurait dû. Elle déplorait l'absence de mari, à son grand étonnement. Malise se souvenait de leur escapade près des ruines, le jour où il avait voulu l'épouser. Elle rêvait secrètement de se blottir dans ses bras forts et réconfortants, et de pleurer toutes les larmes de son corps. La belle ne pleurait jamais, pas même pour la mort de son propre père.
« Lachlan... » Murmura-t-elle, dans le noir de sa chambre.
Oui, hélas on se rendait bien souvent compte de la valeur de ceux qui nous sont proches, une fois qu'ils ne le sont plus.
Trois coups contre sa porte la sortirent de ses pensées. Il s'agissait de Lady Moira. Elle fut surprise de constater que la jeune enfant ne dormait pas encore à une heure pourtant si avancée dans la nuit.
« Moira ? Ne dormez-vous pas ? »
« Puis-je me permettre de vous retourner la question ? »Moira était vêtue d'une robe de chambre en satin rose et en ruban de la même couleur. Malise n'était pas habituée à voir ce genre de fanfreluches, elle en conclut donc que Lachlan avait sûrement dû la lui acheter d'Angleterre. Une chose la taraudait alors. Son mari devait être doté d'une grande fortune pour se permettre de telles extravagances. Qui Lachlan Gunn était-il vraiment ? Elle l'ignorait. En choisissant de l'épouser prématurément, elle n'avait pas prit le temps de le connaître.
La jeune fille s'installa sous les couvertures de Lady Malise et se cramponna aux bras de cette dernière. Ne sachant trop comment réagir face à cette marque d'affection inaccoutumée, l'intrigante ferma ses bras blancs autour du corps frêle de la petite, en regardant le plafond.
« Il me manque... » Sanglota-t-elle.
« À moi aussi Moira, à moi aussi... » Ajouta pensivement Malise, en lui tapotant le haut du crâne, s'étonnant elle-même de faire preuve d'un acte pourvu d'autant de bienveillance.Malise sentit des petites mains froides serrer fermement sa chemise blanche, et quelque chose de chaud et humide rouler sur son propre cou. Moira pleurait l'absence de son frère. Et quelque chose se brisa dans son cœur. La belle ne pouvait s'empêcher de penser que Lachlan était parti par sa faute. Et que si la petite pleurait, elle était l'unique responsable. Elle ne pouvait le tolérer. Malise se haïssait elle-même de son propre orgueil et de son propre égocentrisme. Elle l'avait toujours été, mais ce soir fut la première fois où l'on la mettait devant ses actes.
La vérité sortait toujours de la bouche des enfants. Et de leurs larmes également.
« C'est la première fois que Lachlan part sans moi... »
Malise ne savait quoi faire en pareille situation. Elle se contenta alors de ne rien dire – car parler aggravait souvent les choses – et de frotter le dos de Moira, les yeux dans le vide.
« Dans notre ancienne maison, on a dû partir. On a pris un sac avec quelques affaires, des provisions, et nous avons marché. Très longtemps. Et nous avons dormi dehors. Je me souviens que Lachlan me prenait dans ses bras pour que je n'aie pas froid et me donnait toutes les couvertures. Il me disait que bientôt, nous serons chez les Cameron et que nous serions sauvés. Nous avions froid et faim... La jeune Moira marqua une pause dans sa tirade pleine d'émotions et renifla bruyamment. Puis vous vous êtes mariés, et vous êtes devenue ma nouvelle maman... »
Lachlan et Moira auraient donc fugué ? Voilà encore un mystère de plus à éclaircir. Moira bailla.
« Je sais que... Ajouta l'enfant. Je sais que je ne suis pas toujours comme je devrais l'être... Mais moi, je voulais juste... Je voulais juste que... »
Alors que Malise allait lui demander plus de détails, elle sentit la respiration régulière de Moira entre ses bras. Et nul ne savait vraiment pourquoi – pas même elle – mais Lady Malise baisa tendrement son front et lui murmura des mots doux, qu'elle ne pensait jamais prononcer.
« Surtout, ne change jamais... Tu es unique Moira... »
Et dans un cadre un peu trop parfait pour être vrai, l'intrigante s'endormit à son tour, paisiblement, la petite toute contre elle.
Des petits oiseaux gazouillèrent et réveillèrent Lady Malise. Les rayons du soleil filtrèrent par la fenêtre et réchauffèrent doucement la pièce. Elle voulut se lever, mais quelque chose était endormi, la tête sur son ventre. Quelque chose, ou plutôt quelqu'un. Moira et elle avaient dormi dans le même lit. Malise se remémora l'épisode de la veille, et se sentit étrange. Jamais encore elle n'avait vécu pareille situation. Soudain, d'un seul coup les yeux de la jeune enfant s'ouvrir, laissant place à un regard vert encore embrumé. Elle ressemblait beaucoup à Lachlan de part ses cheveux blonds et ses yeux de verdure. Leurs visages étaient similaires, avec un léger hâle de bronzage.
« Je sais que vous n'êtes pas coupable. Vous avez tout mon soutien dans cette nouvelle épreuve. » Avait murmuré Moira avant de se rendormir paisiblement.
Malise décala doucement l'enfant afin de pouvoir se lever. Elle ne saurait décrire la chaleur qui perçait en son cœur. Enfin, elle avait une alliée.
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Une Dame de Coeur - Tempêtes et Passions
ChickLitTor Castle, 1703, Écosse. Malise, fille unique du défunt laird du clan Cameron, trouve un subterfuge afin d'épouser Lachlan Gunn, qu'elle connaît à peine, dans le but de sauver son clan. La jeune femme, qui trempe alors dans de sombres affaires, se...