« Malise ! Malise ! Réveillez-vous ! »
« Hmm... » Grommela-t-elle en se frottant les yeux, sa courte nuit ne l'aidant guère.
Lady Malise vit flou un instant, puis distingua une petite silhouette aux formes informes sautant sur son lit à cordes.
« Moira ? Vous êtes bien matinale... »
« C'est dès l'aube qu'il me faut partir à la pêche aux ragots ! Ceux de Tor Castle sont particulièrement goûteux et divins. »Encore des activités de Tuniques Rouges... Malise soupira de désespoir, mais ne perdit pas son chemin de vue : elle dresserait cette petite.
« Venons-en aux faits ! Ajouta Lady Moira. Il est de mon devoir de vous annoncer que la cuisinière aurait avoué à l'un des gardes, qu'une femme de chambre lui aurait raconté qu'un de vos métayers aurait retrouvé votre servante personnelle, Aileas, inanimée ce matin, avant le chant du coq, près de la rivière, à l'Est de Tor Castle. »
Aileas ? Morte ? Malise n'en revenait pas, mais après tout, elle n'était pas une grande perte. L'intrigante, avec ruse, pourrait même retrouver les pièces d'or qu'elle lui avait donné la veille. Voilà qui allait arranger ses affaires. Il lui fallait à tout prix voir le corps de la défunte avant qu'on ne s'aperçoive de cette somme, qu'une simple servante n'aurait jamais dû avoir en sa possession.
« En venant vous annoncer la nouvelle, j'ai très naïvement entendu quelques membres du clan des Cameron affirmer que vous étiez la dernière à avoir vu Aileas en vie. Ils vous considèrent déjà coupable avant même votre procès. Ce que je trouve tout à fait déplacé ! »
Malise, coupable ? Voilà qui compliquerait davantage ses sombres affaires. De plus, par l'absence inopportune de son époux, elle n'avait aucun alibi. Personne n'était avec elle cette nuit-là.
« Ma chère Moira, vous devriez retourner dans votre chambre à présent. » Avait-elle dit en posant sa main pâle sur celle de la petite fille.
Une fois seule, Lady Malise se leva et observa la nature à travers sa haute fenêtre. De là, on pouvait distinguer au loin une rivière, avec un sapin, dont la cime égalait les nuages. Et au pied de cet immense épicéa, nul ne pouvait le voir bien sûr, le corps du défunt Laird des Cameron.
De son vivant, il avait toujours été un puissant allié de sa fille unique. C'est pourquoi, même mis en terre, lorsqu'elle avait un doute, elle allait le voir afin de bénéficier des meilleurs conseils.« Mon cher père... Murmura-t-elle en un souffle, la tête posée contre la balustrade de la fenêtre. Je me retrouve dans une situation inconfortable... Tous les regards vont être tournés vers mes faits et gestes à présent, je ne peux pas me permettre que l'on découvre mes petites affaires. Il me faut donc annoncer votre mort, de manière officielle, hélas... »
Soudain, comme frappée d'un éclair, elle eut une brillante idée. Lady Malise se rua à son écritoire et posa sa plume encrée sur le papier. Elle avait un ami de petite vertu, Hugh Fraser, qui serait plus que ravi de lui fournir le matériel dont elle aurait besoin.
« Mon cher Fraser,
Il y a fort longtemps que je n'ai pas eu recours à vos bons services. J'ai besoin d'une bouteille de votre meilleur vin, de grande taille quoiqu'un peu âgée. Votre récompense sera la même qu'à l'accoutumée.
Amicalement votre,
Malise Gunn. »Après relecture de la missive, elle se hâta de la cacheter et se précipita vers la porte. Lady Malise l'ouvrit avec grand fracas et héla l'un des gardes.
« Faites appeler Feargus, j'ai besoin de lui immédiatement. » Ordonna-t-elle avant de retourner dans sa chambre conjugale, seule.
Elle ne faisait confiance qu'à ce vieil ours. Personne d'autre que lui n'apporterait sa missive sur les terres des Fraser sans poser de questions. Et quand bien même il lui viendrait à l'esprit de la trahir, la commande d'un lointain vin n'était pas un crime. Quoique le vieillard fût l'homme le plus rusé que Malise ne connaissait. Mais son infaillible honneur écossais et sa foi sans limite envers son chef faisait de lui l'être le plus pur, mais le plus manipulable. De plus, pour ajouter à ses nombreuses qualités, la Lady le considérait comme le grand-père qu'elle n'avait jamais eu.
« Vous m'avez demandé » ? Retenti une voix puissante depuis le seuil de la porte.
« Feargus ! Fermez la porte, je vous prie. »Il s'exécuta, elle l'invita à s'asseoir sur une petite chaise de bois en passant un par-dessus en laine.
« Lady Malise. Commença le vieillard. Il est de mon devoir de vous annoncer le décès de votre servante personnelle. »
« C'est, en effet, regrettable. De quoi est-elle morte ? » Demanda Malise.
« Empoisonnée. Par un puissant mélange de plantes à effet de somnifères. Aileas n'aura malheureusement pas résisté à la surdose injectée. »Voilà qui n'arrangeait pas la belle. Elle qui aimait particulièrement user de somnifères sur les membres de son clan dans le but d'arriver à ses fins, elle devrait se montrer davantage prudente et faire face à la situation boueuse dans laquelle elle sautait à pieds-joints, contre son gré.
« C'est affreux. Fit-elle faussement. Qui est l'auteur de ce terrible crime ? »
« Nous ne le savons guère, et soyez assurée que les meilleurs guerriers sont sur l'affaire, toutefois certaines personnes pensent que... Que la fille du Laird aurait été la dernière personne à voir Aileas. Et comme aucune autre piste n'a pu être avancée... »
« Cela fait de moi la suspecte et coupable. » Coupa-t-elle.
« Lady... » Geignit-il.
« Je trouverai une solution afin de prouver mon innocence. Confirma la Lady froidement. Si je vous ai demandé Feargus, c'est pour une raison toute autre. J'ai une missive à faire livrer à Hugh Fraser, et vous êtes la seule personne digne de mon entière confiance. »
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Une Dame de Coeur - Tempêtes et Passions
ChickLitTor Castle, 1703, Écosse. Malise, fille unique du défunt laird du clan Cameron, trouve un subterfuge afin d'épouser Lachlan Gunn, qu'elle connaît à peine, dans le but de sauver son clan. La jeune femme, qui trempe alors dans de sombres affaires, se...