47. L'art de reprendre sa vie en main

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Après s'être occupée de l'appartement de Silas, Sasha avait décidé qu'il était temps de revenir dans sa propre habitation. Elle y était allée de temps en temps depuis le drame notamment lorsqu'ils avaient manqué de nourriture, mais à part pour cette occasion et les jours où elle avait arrosé ses plantes puis récupéré ses affaires, elle n'y était pas revenue. Elle n'osait même pas imaginer la couche de poussière qui devait s'être déposée sur les meubles ou encore l'odeur de renfermé qui devait y régner.

Au final, il s'avéra que la fameuse odeur ne soit pas la pire chose qui soit arrivée à cet appartement. L'atmosphère qui y régnait était par contre, une toute autre histoire. Sasha n'était même pas encore entrée qu'elle pouvait la sentir à travers la porte close, comme si une chose terrible y avait été enfermée et n'attendait plus que d'être enfin relâchée. La simple vision du seuil orné d'un paillasson où Gandalf garantissait un accès limité suffisait à rappeler à Sasha la nostalgie qu'elle s'efforçait de faire taire depuis des semaines.

Mais en entrant enfin, elle ne put qu'abandonner la lutte. Son lit défait lui rappelait les soirées passées sur Netflix avec son téléphone dans une main en train de discuter par messages avec Silas ou sur leur groupe commun. Dans un coin du plan de travail, elle pouvait voir quelques bouteilles vides traîner dont trois d'Ice Tea et une, seulement, de bière. Les souvenirs en compagnie de la bande n'était pas nombreux, pas dans cet appartement. Mais les rappels du bonheur qui était le sien lorsqu'elle y habitait encore étaient bien présents, eux. Présents et douloureux.

Décidant néanmoins de faire fi de tout ça, Sasha prit une grande inspiration et alla ouvrir la fenêtre en grand, accordant un sourire triste à ses quelques plantes à moitié mortes trônant sur le minuscule balcon. Elle aurait peut-être dû revenir plus souvent pour les garder en vie mais, à vrai dire, elles n'avaient pas été sa priorité ces derniers temps. Rien de bien surprenant. L'air qui se mit à envahir la pièce parvint à chasser un peu de l'atmosphère lourde, presque menaçante, sans toutefois réussir à l'effacer complètement et c'est avec une boule dans la gorge que Sasha commença son nettoyage avec des gestes mécaniques.

Au bout d'une heure, elle s'arrêta et alla s'affaler sur son lit sans grâce, aucune. Elle grimaça par réflexe en entendant le sommier grincer de manière sinistre. Il allait falloir qu'elle fasse quelque chose pour son absence continuelle - surtout qu'elle allait désormais passer ses journées au bar, ce qui n'arrangeait pas son affaire, même ses meubles n'étaient plus habitués à ce qu'elle se jette sur eux sans prévenir. Peut-être qu'après tout, elle ferait mieux d'emménager définitivement avec Silas. Non, répondit immédiatement son esprit. Ce n'était pas le moment et c'était aller trop vite même s'il était vrai qu'elle y passait le plus clair de son temps. Mais ce n'était pas une raison. Et puis c'était chez elle, c'était l'endroit qu'elle considérait comme sa seconde maison depuis plusieurs années maintenant, elle ne pouvait pas se résoudre à l'abandonner comme ça, du jour au lendemain dès que ça ne l'arrangeait plus. Mine de rien, elle s'était attachée à ces quatre murs. Elle poussa un long soupir.

Un coup provenant du plafond la sortit de ses pensées. Elle leva les yeux en fronçant les sourcils et une révélation évidente la frappa. Elle avait des voisins. Certes, elle n'en connaissait pas la moitié, n'avait croisé que son voisin de droite que trois fois, celui de gauche une fois et le reste... Pratiquement jamais. Plusieurs fois cependant, elle avait vu une fille d'à peu près son âge ou peut-être plus jeune dans les escaliers. Ou dans l'ascenseur, lorsqu'il se décidait à fonctionner. Si elle se souvenait bien, elle habitait l'étage au-dessus. Sasha ajouta à ses déductions les préjugés sur les jeunes : c'est-à-dire qu'ils avaient tendance à faire plus de bruit que les autres, et elle était à peu près sûre que la fille en question vivait juste au-dessus de chez elle. C'est donc sur un coup de tête que la rouquine claque la porte derrière elle et s'élança dans les escaliers pour se retrouver devant une porte qui lui était étrangère dans un étage tout aussi étranger.

Effleurer les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant