43. L'art de faire avec

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Lorsque Sasha s'était réveillée, la place à côté d'elle était déjà rendue froide de l'absence de Silas. Le jour pointait le bout de son nez entre les volets entrouverts et quelques oiseaux commençaient déjà à piailler sous les toits, rendant la grasse matinée impossible. La rouquine aurait pourtant adoré pouvoir fermer les yeux à nouveau et repartir dans le monde des rêves, là où elle n'avait pas à se lever et à affronter une nouvelle journée. Elle n'avait plus peur de faire des cauchemars, son subconscient avait fini par arrêter de lui rappeler la peine douloureuse qui l'accablait toujours. Quelque part, elle s'en voulait un peu. Elle avait l'impression que tout se dissipait peu à peu et se surprenait parfois à regretter de ne plus avoir aussi mal qu'avant, comme si ce petit regain d'énergie était une trahison à la mémoire de Pin.

En grognant, elle daigna enfin sortir de son lit pour rejoindre la pièce à vivre, l'objectif étant de se faire un petit-déjeuner consistant pour affronter cette énième journée. Elle salua Silas d'un sourire tendre en le rejoignant dans la cuisine. Le barman attendait patiemment devant le grille-pain en faisant défiler ses notifications sur son téléphone. Posé sur le plan de travail se tenait l'éternel fromage de chèvre auquel personne d'autre que Silas n'avait le droit de toucher. Aquarius n'était nulle part en vue, sûrement encore en train de dormir si elle n'était pas aux prises avec ses insomnies et ne fixait le plafond d'un air absent, perdue dans ses souvenirs. Sasha secoua doucement la tête pour chasser ces quelques pensées et entreprit de tartiner généreusement son pain de confiture sous le regard de Silas qui avait détaché ses yeux de son téléphone.

« Eh.

- Mmh ?

- Je voulais m'excuser. Pour les derniers jours, le comportement de merde et tout.

- C'est pas grave, t'inquiète.

- Ben si un peu. T'avais pas à gérer ça, du coup bah désolé. »

Il avait l'air déjà assez gêné de s'excuser ainsi que Sasha préféra ne pas insister en lui disant qu'elle ne lui en voulait pas. Déjà parce que cela aurait été faux, elle lui en voulait. Très peu, certes, mais il y avait tout de même quelques traces de rancoeur encore présentes. Et ensuite, parce qu'elle ne voulait pas l'embarrasser plus qu'il n'avait déjà l'air de l'être. Il devait déjà s'en vouloir suffisamment, elle n'avait pas besoin d'en rajouter une couche, surtout que cela ne ferait que nourrir une tension déjà présente et peu bienvenue.

Le silence s'installa entre eux mais il n'avait rien d'hostile bien au contraire. Il était de ces silences agréables où Sasha se surprit à porter un regard tendre sur Silas qui avait, lui, détourné les yeux. Il avait l'air d'aller mieux. Pas beaucoup, juste un peu mais c'était déjà un bon début. Il avait toujours l'air d'être replié sur lui-même et ses yeux ne brillaient plus de cette lueur de malice qu'il avait toujours eu dans le regard mais ses traits étaient plus détendus, ses épaules visiblement moins crispées. Il commençait à accepter, à défaut d'oublier.

« Ton frère il est cute.

- Hein ? Enfin oui, c'est sûr mais genre tu lui as parlé ?

- C'est lui qu'est venu me parler. C'est un peu brumeux parce que bon... Voilà quoi, mais en gros il est venu avec sa tête toute sérieuse et il m'a dit qu'il était contrarié.

- Pourquoi ?

- Parce qu'il voyait que je te rendais triste mais que comme j'étais triste aussi il pouvait pas me frapper. »

Sasha éclata de rire avant de porter la main à sa bouche pour réprimer son hilarité devant la mine à la fois amusée et indignée de Silas. Elle secoua doucement la tête, un sourire aux lèvres. C'était bien typique de Samuel ça. Ils avaient beau avoir onze ans d'écart, ils avaient toujours été proche et protecteurs l'un envers l'autre, peu importe à quel point cela pouvait sembler ridicule. Au fond, Sasha aurait aimé avoir un frère un peu plus âgé que Samuel ne l'était. Elle aurait pu s'identifier un peu plus à lui et inversement, leurs expériences n'auraient pas été si éloignées et il aurait peut-être été plus facile de se comprendre. Mais d'un autre côté, le plus jeune lui permettait de revivre une part de son enfance et elle lui en était plus que reconnaissante.

Effleurer les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant