9. L'art de se réconcilier devant Netflix

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Lorsqu'elle arriva devant sa porte, Sasha prit une grande inspiration en se disant que tout irait bien. Il le fallait. Elle était devenue d'une humeur massacrante pour une raison inconnue - pas si inconnue que ça si elle prenait le temps d'y réfléchir deux secondes en fait - et sa gueule de bois ne s'était arrangée en rien. En bref, elle n'était pas d'humeur à se prendre la tête avec Aquarius aussi espérait-elle être capable de conserver sa patience, même si cela signifiait mettre sa fierté de côté et fermer sa gueule pour éviter toute remarque sarcastique déplacée. C'était elle qui était en tort après tout, pas son amie. Quand elle ouvrit la porte sans discrétion, aucune, elle vit tout de suite Aqua en train de fouiner dans son stock de DVDs. D'accord.

« Ça va, tranquille ? »

La jeune femme reposa immédiatement ce qu'elle avait entre les mains et se tourna lentement vers elle en haussant simplement les épaules, pas l'air plus gênée que ça. Heureusement qu'elle ne comptait pas être cambrioleuse parce que c'était plutôt mal barré comme projet d'avenir pour elle.

« T'as une tronche à faire peur.

- Super, merci. Tu peux te barrer maintenant, j'voudrais pas que ma présence ne t'indispose dans ma propre demeure.

- Écoute...

- Non. Flemme. J'ai capté que tu m'en voulais pour mes intentions peu louables et je m'excuse ok ? Mais m'ignorer pendant des jours tu trouves pas ça un peu excessif quand même ? J'devrais peut-être te renommer Drama Queen, t'en penses quoi ?

- Exce...

- Non, pardon, j'ai... J'ai tort. J'ai fait de la merde, de la grosse merde et t'étais en droit de m'en vouloir. Juste... T'aurais juste pu me donner des nouvelles même si c'était juste un message pour me dire que tu voulais plus me voir ou quoi.

- Désolée, je suis assez rancunière comme meuf.

- Sans blague ! »

La rouquine grimaça à ses propres paroles et porta les mains à sa tête. Elle avait l'impression que quelqu'un s'amusait à frapper l'intérieur de son crâne avec un marteau énorme. Ou qu'une perceuse venait lui défoncer les tempes, au choix. Plus jamais elle n'irait boire comme ça, elle s'en faisait la promesse.

« Tout va bien ?

- Non. J'ai une gueule de bois, tu m'as manqué un peu, ok beaucoup, j'ai envie de descendre tout le paquet d'aspirine et Silas m'énerve, le monde entier m'énerve, sauf ton mec, lui il est juste con.

- C'est pas mon mec.

- Gneugneugneuh, je t'en foutrais moi des "c'est pas mon mec", va pas me faire croire que tu l'as pas revu dans la semaine hein. »

Aquarius resta silencieuse, confirmant d'une certaine façon les dires de Sasha. La rouquine n'en fit cependant pas grand cas et préféra aller chercher sa précieuse aspirine pour essayer de soulager un tant soit peu son mal de tête. Sans prêter grande attention à son invitée qu'elle n'avait d'ailleurs pas vraiment invitée, elle alluma la télévision et lança Netflix. Autant regarder Adventure Time, ce n'était pas prise de tête pour un sou et ça finirait de la réveiller complètement. Elle se cala au chaud sous sa couette et fit signe à Aqua de s'asseoir voire même de s'allonger à côté d'elle en lui faisant de la place. Elle n'avait pas de canapé, seulement son lit deux places qui prenait quasiment toute la place et qui lui servait autant de bureau que de lit.

« Il a fait quoi Silas pour t'énerver ?

- Rien.

- Raconte et je te dis ce qui s'est passé avec Peter.

- Comment ça il s'est passé un truc avec Peter ? »

Ça se trouve, il ne s'était rien passé et Aquaponey utilisait juste cet argument foireux pour lui tirer une confession. Mais peut-être s'était-il vraiment passé quelque chose auquel cas elle voulait être au courant de tout. Dans un autre contexte, elle aurait très bien pu simplement envoyer un message à Silas pour qu'il tire les vers du nez à Pin mais là, elle avait très envie de ne pas penser à lui plus que nécessaire. Et, plus que tout, elle avait besoin de parler un peu.

« Hier j'étais arrachée sévère et il m'a ramenée chez lui pour que soi-disant je ne lui foute pas la honte au bar. Et genre ce matin je me réveille dans son lit avec ce con à moitié à poil à côté de moi et tout ce que mon cerveau me dit c'est "ça sent bon". Genre lui, sentir bon ? Jamais ! Il pue de la gueule en plus je suis sûre !

- Pour le moment ça va non ?

- J'ai pas fini. Donc après dans ma grande bonté je lui fais son café et tout sauf que je crève la dalle du coup je lui prends du fromage t'sais, normal. C'est pas il pique une crise pour son chèvre tout pété là et je lui dis qu'il peut me demander un truc s'il me laisse bouffer ce que je veux. Et lui là, ce petit con de profiteur, ce drittsekk là...

- Ce quoi ?

- Connard, c'est du norvégien. Bref, il me fait "j'veux un bisou". J'veux un bisou ta mère ouais ! Genre il a rien trouvé de mieux. Et moi là, là comme une tosk, je l'ai fait ! Bon sur la joue hein, faut pas déconner non plus. Mais j'ai rougi. Genre mes joues elles se sont dit elles vont rougir, y a aucun problème, bah non ! Pfeuh pourquoi je serais troublée par ce trou du cul même ?

- Ben tu l'aimes bien non ? Ça faisait trop d'insultes à la suite pour pas être suspect.

- Chut. C'était une question rhétorique. Et toi avec Pin du coup ? »

Sasha voulait vraiment changer de sujet. Elle avait pensé qu'en parlant de ce qui s'était passé elle pourrait oublier et se sentir mieux mais en fait, c'était encore pire, le moment passait en boucle dans sa tête et ça ne lui donnait qu'envie de retourner en arrière et de se gifler elle-même. Non mais sérieusement, quand on matait quelqu'un, on commençait par la tête histoire de ne pas se faire des idées quand même. Et puis au lieu de faire ce qu'il lui avait demandé, elle aurait juste pu le pousser, elle n'avait pas une grande force d'accord mais lui avec son corps de lâche, il ne devait pas avoir une grande résistance non plus. Corps de lâche, corps de lâche, mais il n'était pas mal non plus, il fallait bien l'avouer. Non. Ta gueule. Putain. Non non non.

« On s'est juste vus une fois et c'était gênant un peu. Je me suis excusée pour l'épisode vomito évidemment, il a dit que c'était rien et voilà.

- C'est tout ?

- Bah tu voulais qu'il se passe quoi ?

- Je sais pas moi, un baiser passionné, une déclaration d'amour, le gros truc bien cliché qui se passe après le premier baiser dans tous les films, toutes les séries, toutes les fanfictions ! Fais-moi rêver quoi ! »

Aquarius ne répondit rien mais la rouquine vit ses joues rosir. Ah ! Décidément elle n'était pas la seule à se faire impunément trahir par ses foutues joues ! On ne pouvait même plus compter sur son propre corps de nos jours, c'était tout de même aberrant ça. Sasha garda le silence, attendant que son amie admette son crime. Enfin crime, façon de parler hein, qu'elle admette que quelque chose était arrivé, quelque chose qui méritait toute leur attention.

« Y a peut-être eu échange de salives.

- Peut-être ? Eh oh, t'étais là ou pas ?

- Sûrement.

- Eh bah voilà, tu vois quand tu veux ! »

Un oreiller vint s'écraser sur la tronche de Sasha avant qu'elle n'ait pu ajouter quoi que ce soit d'autre. Rooh, si on ne pouvait même plus manifester son enthousiasme maintenant, le monde partait à vau l'eau, c'était pas croyable. Il n'empêche que, les conneries mises à part, la jeune femme était tout de même vraiment contente pour son amie. Voir les gens heureux autour d'elle la rendait heureuse elle-même. Et puis c'était mieux de voir les gens sourire plutôt que de les voir tirer constamment la gueule.

Le temps passait relativement vite si bien qu'entre plusieurs épisodes d'Adventure Time et quelques paroles banales, Sasha ne se rendit pas tout de suite compte que cela faisait bien maintenant trois heures qu'elle ne foutait rien, dans son lit, avec Aqua, un samedi après-midi. Mais bon, pour être tout à fait honnête elle avait carrément la flemme de faire quoi que ce soit. Lorsque le soir arriva, Aquarius la laissa seule pour retourner chez elle, prétextant qu'elle devait étudier parce que sinon, elle se connaissait, elle n'allait rien faire du weekend. La fille modèle quoi. Sasha, elle, se sentait bien partie pour continuer à regarder des dessins animés toute la soirée et à ignorer le message d'un certain barman.

"Et sinon, t'as désaoulé ?"

Vu.

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