This is about love

Chapitre 14: Fuir

J'ai à peine dormi cette nuit-là, tourmentée par les yeux verts de Matt, ses aveux déchirants et des pensées toutes plus noires les unes que les autres. Il avait d'ailleurs essayé de m'appeler à plusieurs reprises mais je n'avais pas répondu, incapable d'entendre sa voix, même à travers un téléphone. Je fus prise à plusieurs reprises de crise de panique incontrôlables, serrant mon oreiller de toutes mes forces, j'attendais le matin avec un impatience douloureuse.

Dès qu'il est l'heure de se lever, je saute de mon lit et cours me préparer à la va vite dans la salle de bain, mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine sans que je ne puisse rien faire pour le calmer. Je pars de la maison bien plus tôt que d'habitude et me précipite au pas de course vers le lycée, Tim doit passer me voir avant le début des cours et je ne veux absolument pas croiser Matt avant d'avoir fait ce que j'avais à faire. Je fais le chemin habituel les mains tremblantes et le souffle court. Une part de moi est horrifiée en réalisant ce que je m'apprête à faire, l'autre jubile d'impatience à l'idée d'enfin retrouver mes anciennes habitudes qui me procuraient tant de volupté. Tim est là, adossé à sa voiture en train de fumer un joint, à voir sa tête je dirai qu'il sort de teuf et n'a pas dormi du tout. Ça ne m'étonne même pas, il avait déjà l'habitude de faire ça à l'époque où on se fréquentait. Il me salut avec un sourire en coin, une lueur dangereuse dansant dans ses yeux noirs.

-Salut beauté.

-Salut Tim. Alors t'as quoi pour moi ?

Il rigole tout bas face à ma question si pressente et me tend le joint en guise d'avant-goût. J'aspire la fumée comme si ma vie en dépendait, après quelques bouffées je me sens déjà un peu plus détendue, mes mains ont enfin arrêté de trembler mais je sais bien que c'est loin d'être assez. J'ai apporté l'argent de poche que j'avais, ce qui correspond à une très petite somme, et je n'ai pas réussi à me résoudre à voler Lydia et Daniel, je sais très bien que ça ne suffira pas mais j'ai passé la nuit à ma préparer à ce qui allait m'arriver alors je ne suis pas vraiment anxieuse plutôt dégoûtée d'avance. Tim me regarde comme un mort de faim et me détaille lentement de la tête aux pieds. J'en ai la chair de poule.

-Putain Mia mais t'as l'air complètement à la ramasse en fait. Tu fais peur à voir.

Je lâche un petit rire sans joie et hausse les épaules.

-Ouais ça ne va pas fort en ce moment, ce quartier n'est pas fait pour moi j'imagine.

Il hausse les sourcils et éclate de rire en guise d'approbation.

-T'as qu'à t'enfuir avec moi si c'est si horrible ici. Comme ça t'auras tout ce que tu désires sous la main ma belle comme au bon vieux temps. Tu sais que je te traiterai bien.

Il appui ses propos avec un clin d'œil. Fuir avec lui ? L'idée est aussi tentante qu'horrifiante. J'ai tellement envie d'oublier ce que je ressens à cet instant et de me sentir légère à nouveau que cette proposition d'échappatoire me parait la solution idéale par rapport à la situation insoutenable que je suis en train de vivre. Soudain une main m'attrape le bras, me faisant sursauter. En me retournant je me retrouve nez à nez avec Matt et à la vue de son expression je sursaute une deuxième fois. Il n'a pas l'air content.

-Tu m'excuse deux secondes ? Glissai-je à l'attention de Tim qui hausse les épaules signifiant que tout cela lui est bien égale. Je m'écarte un peu avec Matt qui me regarde incrédule.

-C'est qui lui ? La froideur qu'emploie Matt à mon égard me transperce le cœur mais je tiens bon.

-Une vieille connaissance, rien de plus. Je hausse les épaules feignant la nonchalance.

Il se radoucit un peu et je sens mon cœur flancher, je préfère tout compte fait quand il est froid c'est plus facile.

-Tu m'as fait peur hier soir, t'aurai pu au moins m'appeler.

-Désolée. Marmonnai-je mal à l'aise par cette conversation. Soudain sa main se pose sur ma joue, ce contact est si réconfortant pourtant je puise dans mes dernières forces pour ne pas m'abandonner à cette caresse et me détourne doucement.

-Moi aussi je suis désolé. Je voulais te dire que ce que tu m'as offert hier a été le plus beau cadeau qu'on m'ait jamais fait.

Je ne sais même pas s'il parle du bracelet ou de notre baiser mais ses paroles me donnent encore plus envie de fuir. Je ne veux pas penser à ce qui s'est passé hier ou même ces dernières semaines, j'aimerai l'oublier, c'est plus facile comme ça.

-Bon bah il faut que j'y aille. Je vois la peur danser dans ses belles prunelles et ma poitrine se serre encore un peu plus.

-Tu ne vas pas en cours ?

-Non j'ai... euh... des choses à faire. Balbutiai-je en marchant à reculons vers la voiture de Tim.

-Mia non part pas s'il te plait. 

Son ton se fait suppliant. Il faut que je parte au plus vite, je meurs d'envie de me jeter dans ses bras et ses yeux fixés sur moi ne m'aident absolument pas. Ma volonté n'est plus qu'une faible flamme vacillante entourée par la tempête rugissante de mes émotions, je retiens même mon propre souffle de peur de la faire s'éteindre si je respire un peu trop fort. Sa main se glisse dans la mienne, chaude et rassurante, il prend le ton doux qu'on utilise pour amadouer un animal sauvage.

-Mia s'il te plait écoutes moi. Je suis désolé pour hier soir, je suis désolé pour tout ce que j'ai pu faire et qui t'as mis dans une position délicate, en fait. Je... Je me sens tellement bien à tes côtés, je ne saurai l'expliquer mais parfois j'ai envie de me laisser aller avec toi et après je commence à faire ou dire des choses qui te pousse dans tes retranchements et tu n'es pas prête, je le sais bien. Je n'ai jamais voulu tout ceci croit moi. Fais moi confiance je t'en prie, tu es plus importante à mes yeux que tu ne veux bien le croire. Je peux t'aider, je serai là pour toi si tu me laisses faire.

J'ai retenu ma respiration pendant tout le temps où Matt me débitait toutes ces paroles. Mon esprit obscurcit par la panique a du mal à assimiler toutes les informations qu'il vient de recevoir. Le laisser m'aider ? Mais personne ne peut m'aider, il n'a pas encore compris ? La colère qui bouillonne en moi m'aide à ne pas m'effondrer dans ses bras. Un coup de klaxon me ramène vite à la réalité, Tim s'impatiente dans sa voiture. D'un côté Matt me tient toujours la main, ses yeux me suppliant de rester à ses côtés en le laissant m'aider, de l'autre Tim m'offre une porte de sortie si simple et si tentante. Je ne mets pas longtemps à prendre ma décision, ma main glisse lentement de celle de Matt et je me mets à courir en direction de la voiture. Une fois assise sur le siège passager, je souffle à Tim de démarrer et tandis qu'on s'éloigne du lycée, mon rythme cardiaque reviens un peu à la normale et je peux enfin respirer plus facilement. Une larme roule silencieusement sur ma joue mais je n'y prête même pas attention, je pose ma tête sur la vitre froide et regarde le paysage défilé, me sentant mourir tout doucement au fond de moi. Soudain on s'arrête sur le bord de la route et Tim se tourne vers moi en le léchant les lèvres.

-Alors princesse, on va où ?

-Où tu veux. Je m'en fiche tant que t'as ce dont j'ai besoin.

Maréponse semble le satisfaire car un sourire carnassier trône maintenant sur sonvisage. Il sort un petit sac avec des pilules de sa poche, en prend une et lapose bien en évidence sur sa langue. J'ai compris le message et me penche pourl'embrasser, nos langues se mêlent et je sens le cachet glisser dans ma proprebouche. Je me détache de lui et me force à ravaler l'envie de vomir qui me tordles tripes depuis que je suis dans cette voiture. Il rigole tout bas et remetsle contact. J'ai le souffle court, la sensation de ses lèvres rugueuse contreles miennes ne veut pas s'envoler, elle reste imprimée en moi. J'envoie uncourt message à Lydia la suppliant de me laisser trois jours de liberté avantde commencer à me chercher. Je ferme les yeux attendant la délivrance tantattendue. J'ai besoin que les yeux verts de Matt s'effacent de ma mémoire avec tout ce que je ressens pour enfin me sentir libre.