Chapitre 1: Idées noires

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Tout le monde rêve de vivre une belle histoire d'amour digne des plus grands films. Du moins toutes les filles, les mecs y pensent plus tard je crois ou jamais je n'en sais rien en fin de compte. Ce que je sais par contre avec une certitude inébranlable c'est que l'amour est une belle farce qu'on nous présente comme la réponse à tous nos problèmes alors que c'est tout le contraire. Quand j'étais encore une enfant j'ai cru à cette belle mascarade mais elle s'est effondrée bien assez vite et maintenant je ne crois plus en rien. J'ai renoncé au bonheur il y a bien longtemps quand mes parents sont morts et que je me suis retrouvée toute seule dans ce foyer pour orphelins qui puait la crasse et la peur. Bien qu'ayant seulement 17 ans je ne suis plus une enfant et je vis au jour le jour sans attaches ni liens sociaux, seule contre le monde entier.

Tout en marchant dans les couloirs de mon nouveau lycée je réfléchi à la possibilité d'une vie meilleure, que je pourrai surement avoir dans cet endroit, avec cette nouvelle famille... NON ! Je me reprends. Ne pas penser. Ne pas espérer. Ne rien espérer. Jamais. C'est la règle.

Je regarde les numéros des salles. 216, 217, 218.... Bien sûr je me suis perdue et je vais être en retard à mon premier cours dans mon tout nouveau lycée bien trop pimpant pour le milieu d'où je viens. La proviseure « n'avait pas le temps de me faire visiter » ou n'en avait tout bonnement pas envie je ne saurai dire. Je trouve enfin ma salle et entre sans frapper, aussitôt tous les regards se fixent sur moi et un grand silence se fait. C'est sûr qu'avec mes bottes usées, mon jean troué, mon débardeur noir ample avec ACDC écrit en lettre rouge dessus et mon air renfrogné, je dois sortir de ce que ces gosses de riches ont l'habitude de voir. La prof me toise mais n'ose pas faire de remarque sur mon manque de politesse.

-Bonjour, tu dois être la nouvelle. Rappelle-moi ton nom. dit-elle sévèrement en fronçant les sourcils.

Je la regarde de haut en bas, ses cheveux sont relevés en un petit chignon strict et elle porte un tailleur gris qui doit couter au moins un mois de salaire là d'où je viens.

-Ouais j'suis la nouvelle, Mia.

-Va t'assoir Mia.

Elle me désigne une place au deuxième rang à côté d'une blondasse habillée comme la reine d'Angleterre. Je l'ignore et m'assoie au fond toute seule. Elle ne relève pas et continue son cours assommant. Je ne sais même pas en quelle matière je suis. J'en profite pour évaluer un peu mes petits camarades de classe. Ils sont trop calmes je n'ai jamais vu ça : à part quelques chuchotements il n'y a pas de bruit ils écrivent tous leur cours religieusement et participent quand ils sont interrogés. Cette scène me parait tellement irréelle, je n'imaginais même pas que cela pouvait exister en réalité. Depuis petite je ne suis pas très portée sur les études bien qu'essayant de me maintenir à flot pour ne pas sombrer dans l'ignorances totale. Les différents établissements que j'ai fréquentés jusqu'ici ressemblaient plus à des prisons qu'à des temples du savoir et les élèves étaient plus occupés à dealer qu'à faire leurs devoirs. C'est en regardant tout autour de moi que le changement de milieu me frappe vraiment, je n'avais pas encore réalisé à quel point j'étais tombé dans un endroit différent de mon quotidien. J'ai encore du mal à réaliser ce qu'il m'arrive. J'étais destinée à une place dans un foyer crasseux c'était sûr et certain et voilà que je me retrouve dans une famille qu'on pourrait qualifier de parfaite, à faire mon entrée en terminale dans un lycée aux airs de cathédrale ou de monument historique et à étudier aux côtés d'un ramassis de gosses de riches.

Cette nuit je m'étais dit que peut être, avec un peu de chance et de persévérance, je pourrai essayer de m'intégrer, de faire les choses bien pour une fois, de ne pas être agressive avec tout le monde comme à mon habitude. Après tout c'était la première fois que je mettais les pieds dans un endroit avec autant de gens normaux dans la même pièce, enfin des personnes dont la vie n'est pas encore gâchée. Tout pourrai être différent cette fois. J'avais espéré pour la première fois depuis bien longtemps. Mais la peur et la certitude que les rêves n'existent pas m'ont empêché de faire quoi que ce soit de différent pour le moment. Je me suis montrée agressive avec tous ceux qui ont tenté de m'approcher et dans ma famille je ne suis sortie de ma chambre seulement quand j'y étais obligée, ce n'est pas gagné. La vérité est que je me sens démunie dans ce nouvel univers dont je ne connais pas les codes.

Pourtant cette nouvelle famille d'accueil est vraiment différente de toutes les autres que j'ai connu. Lydia, la mère, me donne vraiment l'impression d'être douce et bienveillante, j'aurai presque envie de me confier à elle parfois mais je m'abstiens. Ça fait maintenant deux jours que je suis arrivée chez eux et elle a vraiment tout fait pour que je me sente en sécurité, elle s'est montrée très gentille avec moi. Les deux enfants Cathy et Fred sont un peu plus réservés, enfin disons qu'ils ont essayé d'engager la conversation mais ils ont vite compris qu'il fallait mieux m'éviter et maintenant ils se contentent de me lancer des regards suspicieux quand je passe près d'eux. David, le père, est quant à lui tout simplement un homme qui aime sa famille, son regard ne trompe pas. Le problème c'est que je me bats seule depuis tellement longtemps maintenant que je ne sais pas comment faire pour stopper tout ça, je ne suis pas sure d'en avoir envie ou d'en être capable. Je me dis aussi que dans neuf mois j'aurai 18 ans et je n'appartiendrai plus à l'état, je pourrai aller où bon me semble, libre comme l'air. Ça ne sert à rien d'essayer de changer les choses alors qu'il me reste si peu de temps. Mais qu'ai-je envie de faire ? et avec quel argent ? Est-ce que mon avenir sera plus supportable quand je me retrouverai seule pour de bon ? Je pousse un long soupir. Je suis en train de penser à environ tout ce dont je m'interdis d'avoir dans la tête en temps normal. Rien ne va.

C'était plus simple de contrôler mes pensées quand j'étais au centre, maintenant je n'y arrive plus, j'ai perdu l'habitude, je n'ai plus le contrôle.

Inconsciemment je me suis mise à gratter une petite peau autour de mon ongle qui se met à saigner me ramenant à la réalité. Je porte mon doigt à ma bouche, regardant autour de moi, mon cœur bat vite, beaucoup trop vite, c'est mauvais signe. Quand la sonnerie sonne je me précipite vers la sortie. Il faut que je sorte de cet endroit, je me sens oppressée, j'ai besoin de respirer. Soudain une main m'attrape le bras et me stop net, je sursaute et me retourne violemment, prête à frapper mon agresseur.

Le mec qui me tient fait au moins une tête de plus que moi, ses cheveux châtain clair sont pleins d'épis qui partent dans tous les sens, on dirait qu'il vient de sortir de son lit. Ses grands yeux verts plongent dans les miens et semblent m'aspirer, sa main tient toujours mon bras et l'espace d'un court instant, je me sens démunie face à ses yeux qui me transpercent. Ma peur disparait, ce n'est pas un agresseur, ma colère vacille mais tient bon. Un clignement d'œil me ramène vite à la réalité et les battements de mon cœur repartent de plus belle.

-Qu'est-ce que tu fou ?!

This is about loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant