Sacha (T1)

Chapitre 25 - Soleil couchant

Je préfère sortir de la chambre. Je n'ai pas envie de lui dire des choses qui pourraient le blesser et que je regretterais par la suite. Mon attitude doit lui sembler étrange. Je sais bien qu'il veut m'aider. Mais là maintenant tout de suite, le mieux qu'il puisse faire c'est me laisser évacuer. Une rupture, même si elle vient de moi, c'est dur à encaisser. Mine de rien, j'ai quand même passé deux années avec Ash, elle a compté pour moi. Même si aujourd'hui elle croit que c'était une fausse rupture, je sais au fond qu'il s'agissait bel et bien de mon Boom Boom Ciao. Noam me dirait que je viens de déposer le bilan. Le pire dans tout ça c'est que la seule à qui je peux parler de toute cette merde semble me faire la gueule. À raison d'ailleurs. J'avais besoin de mon amie ce soir. Même si elle n'est pas forcément d'accord avec tout ce que je fais, elle aurait trouvé les mots pour me remettre d'aplomb. Là, les seules perspectives qui s'offrent à moi ne sont que mensonges, manipulations et souffrance. Je ne penserais pas que ce voyage me chamboulerait à ce point. En sortant de l'ascenseur, je croise Mr Stenford et notre guide qui ont l'air d'être en pleine discussion. Je ne prête pas attention et passe devant eux. J'ai besoin de prendre l'air. 

Je me retrouve dans la rue. Le soleil commence à se coucher. Les couleurs du ciel sont magnifiques. Je décide de me poser sur l'un des bancs dans le parc juste à côté face à la mer et au soleil couchant. La vue est apaisante. Je me perds dans mes pensées où le taiseux que j'ai laissé seul, Ash que je viens de quitter, Vaïna qui m'en veut, Noam à qui je n'arrive plus à me confier, ma petite sœur qui devient fragile, mes parents faisant l'autruche en travaillant plus qu'il ne le faut, se bousculent dans ma tête. Quelqu'un prend place à côté de moi. Je n'ai même pas envie de regarder qui c'est. Je ne suis pas d'humeur à papoter d'façon. 

- Dure journée pas vrai ?

Évidemment il a fallu que le type à côté de moi engage la conversation. D'ailleurs, je reconnais cette voix. C'est celle de notre guide : Esteban. Qu'est-ce qu'il vient m'emmerder...

- Ouep, je réponds sèchement. 

- J'ai vu ce qu'il s'est passé avec ta copine à table. Tu veux en parler ? 

De quoi il se mêle lui ? D'ailleurs ce n'est plus ma copine. Je n'ai pas besoin de ses leçons de morale à la con. Je décide de l'ignorer. 

- J'ai aussi vu ce qu'il s'est passé avec Martin hier dans le bus. 

Je le regarde surpris. Bien qu'au fond, je savais qu'il nous avait vu mais le fait de l'entendre dire ça change tout. Ça devient beaucoup plus réel. 

- S'il-vous-plaît, ne dites rien à personne. 

- C'est pour ça que tu as quitté ta copine ? 

- C'est plus compliqué que ça. 

- Tu sais Sacha, quand j'avais à peu près ton âge moi aussi je me cachais derrière des faux semblants. J'ai eu des tas de copines pour que personne ne soit au courant. Mais un jour, comme toi, je ne supportais plus de mentir aux autres, de me mentir à moi-même surtout. Je ne pouvais plus cacher ce que je ressentais. Ce jour-là j'ai explosé. J'ai quitté ma copine de l'époque et suis parti de chez moi sur un coup de tête. Je savais que ma famille n'accepterait pas mon homosexualité. Ça m'a brisé le cœur de devoir m'en séparer mais je ne pouvais plus vivre dans le mensonge, je voulais être heureux. Cela faisait trop longtemps que je me cachais. J'avais seize ans. Avec le recul, je me dis que j'aurais sans doute du attendre et discuter avec mes proches avant de tout plaquer sans laisser d'explications. C'était il y a dix ans maintenant. Ouais, dix ans. 

- Pourquoi vous me dites cela ? 

- Pour que tu comprennes que ce n'est pas grave ce qu'il t'arrive avec Martin. Au contraire, dis-toi que s'il est sur ta route maintenant ce n'est pas pour rien. Tu es encore jeune, profites de la vie, tu n'es pas obligé de te mettre dans une case juste parce que c'est la norme. Crois-moi Sacha, tu seras beaucoup plus heureux si tu ne te préoccupes pas de ce que pensent les autres de toi. 

Je souris à cette réflexion. Il a entièrement raison. Je ne devrais pas me prendre la tête même si je sais que la situation est compliquée. 

- Qu'est-ce qu'il te fait sourire ? 

- Alors comme ça vous êtes gay ? J'en connais qui vont être déçues. 

- J'imagine oui. 

- Gay et prétentieux de mieux en mieux. 

- Avoues que je suis quand même bien foutu. 

- Pour votre âge ça va. 

Il se met à rire. Finalement, ma première impression sur lui était la bonne. Esteban est un gars cool. 

- Bon et si tu retournais voir Martin. Je mettrais ma main à couper qu'en ce moment même il s'inquiète pour toi. 

- Vous avez raison, je ferais bien de le rejoindre. C'est con mais il me manque en plus.

- C'est beau l'amour. 

- Moi amoureux ? Jamais de la vie, dis-je ironiquement. 

- Allez vas le retrouver ! 

Je me lève du banc et commence à m'éloigner. Je fais marche arrière. J'ai oublié.

- Merci M'sieur ! Ça m'a fait du bien de vous écouter parler. Je vais essayer d'être heureux c'est promis. 

Il me sourit avec bienveillance et d'un seul regard me fait signe de monter dans ma chambre. Je ne perds pas une minute. Je veux serrer Martin dans mes bras. 

Je suis foutu. Cette fois c'est sûr, je suis bel et bien accro à lui. 

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Plus qu'un chapitre avant le retour en France...

La suite VENDREDI prochain. Bisous !