Chapitre 4

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Je fus réveillé par une sensation de chaleur au niveau du ventre. J'émergeai lentement, persuadé d'être encore dans mon rêve. La pression se fit un peu plus forte. J'ouvris les yeux.

Il faisait déjà jour, la lumière filtrait à travers les volets mal fermés. La mémoire me revint d'un coup. Thomas ! Il était agenouillé entre mes jambes, avait relevé mon tee-shirt et m'embrassait autour du nombril. Je me redressai si vite que je lui mis un coup de genou dans le menton.

« Qu'est-ce tu fous, bordel ? »

J'avais parlé vite et en français. Il n'avait pas compris les mots, mais l'intonation était suffisante pour qu'il se rende compte que ce type de réveil n'était pas à mon goût. Il se frottait le menton avec une mine peinée. Je reposai ma question en allemand, moins agressivement.

« Je croyais que tu en avais envie... Je voulais te remercier.

— Me remercier ? Bon sang, Thomas !... On ne remercie pas les gens avec des faveurs sexuelles. C'est ça que tu pensais ? Que je t'hébergeais juste parce que j'avais envie que tu me suces ?

— Oui, nan, je sais pas. J'en avais envie aussi », répondit-il, mi-embarrassé, mi-boudeur.

Je ne savais plus où j'en étais. J'étais à la fois furieux, incrédule et vaguement attendri. Et j'arborai une érection que le tissu fin de mon sous-vêtement dissimulait très mal. Je m'interdis de laisser mes yeux glisser vers Thomas pour voir s'il était dans le même état que moi. Je me redressai complètement, de manière à m'asseoir dans le lit et à ne plus l'avoir entre mes jambes.

« Quel âge tu as, au juste ?

— Dix-huit. »

Je lui jetai un regard scrutateur.

« Bientôt, précisa-t-il. Dans trois mois...

— Dix-sept ans, alors. Tu crois pas que tu es un peu jeune pour...

— Non ! se récria-t-il aussitôt. Et puis tu as quoi, toi ? Un an de plus que moi ?

— Deux, rectifiai-je. J'aurais vingt ans dans trois mois. »

Loin de le faire redescendre sur terre, cette information l'enchanta.

« Oh, on a le même mois d'anniversaire, alors ? Tu es né en février ? »

J'acquiesçai à contrecœur.

« Quel jour ?

— Le 25.

— Ah, ça, c'est génial ! Moi, c'est le 27. Tu devrais venir en Allemagne, on fêtera nos anniversaires ensemble. »

Je ne jugeai pas utile de répondre. Qu'il se fasse des plans sur la comète si ça lui chantait ; moi, ce qui m'importait, c'était de trouver un moyen de le renvoyer à Malestroit. Je disparus dans la salle de bains pour couper court à ses élucubrations. Et puis un peu d'eau froide remettrait les idées en place à mon pénis. Je n'avais pas envie que Thomas s'imagine des trucs en voyant mon état.

J'avais à peine eu le temps de m'habiller que mon portable sonnait. Décidément, j'étais très demandé ces temps-ci. C'était Mme Thébaud. Thomas avait parlé à sa prof à lui pendant que j'étais sous la douche, et il était clair qu'il était impossible de le renvoyer chez les parents d'Élodie. Mme Thébaud était bien embêtée. Ils n'avaient pas de famille d'accueil de rechange : certains parents d'élèves accueillaient déjà deux correspondants, les autres n'avaient pas de place. Et puis il ne restait que deux jours. En plus, ils n'avaient personne de disponible pour venir chercher Thomas à Rennes : Mme Thébaud donnait cours toute la journée et les autres accompagnateurs étaient partis pour une nouvelle excursion.

Je sentis le piège se refermer sur moi. Puisque, visiblement, le courant passait bien entre moi et Thomas, était-ce envisageable que... ? Parce que, de toute façon, vu sa mauvaise expérience avec la famille d'Élodie, il refusait de revenir à Malestroit, même dans une autre famille. Ce n'était que pour deux jours, et le FSE du lycée me verserait une petite somme pour me dédommager.

Le reste du groupe prendrait le train à Redon pour rentrer en Allemagne et, évidemment, la ligne passait par Rennes. Il me suffirait de l'accompagner à la gare. Sa prof de français serait dans le train, et c'est elle qui avait son billet. Mme Thébaud me donna même son numéro de wagon, comme si j'avais déjà accepté. Il ne restait plus qu'à prévenir les parents de Thomas. Sa prof s'en chargerait, mais ce serait quand même mieux que Thomas les appelle lui aussi dans la journée, pour les rassurer.

Mme Thébaud était très convaincante. Je me retrouvai à lui donner mon accord sans même m'en rendre compte. Bien entendu, je pouvais toujours l'appeler en cas de problème. Mais pour deux jours, ça devrait aller, n'est-ce pas ? Thomas était un garçon très sage, plein de bonne volonté — quand il ne fuguait pas.

Je raccrochai avec la vague sensation de m'être fait avoir. Pourtant, je n'arrivais pas à en vouloir à mon ancienne prof. Ni même à Thomas. Le responsable de tout ça, c'était ce gros connard homophobe, le père d'Élodie. Je m'étais fait la réflexion ces dernières semaines que ma vie manquait d'imprévus. À coup sûr, l'arrivée de Thomas avait remédié à ça.

Ce dernier attendait que j'aie fini mon coup de fil, assis sur le clic-clac, auquel il avait redonné sa forme de canapé pour gagner un peu d'espace. Il avait l'air anxieux. Il savait bien que c'était de lui qu'on parlait, mais il n'avait pas compris la plupart de ce que je disais. Je lui souris.

« Alors, envie de visiter Rennes ? »

Il sauta sur ses pieds.

« Je peux rester ici alors ? Merci, Maël ! C'est trop cool ! »

Je bougonnai un peu, mais juste pour la forme. Au final, j'étais content d'avoir un peu de compagnie. La promo de LLCE allemand était des plus restreintes. On était cinq en tout, et seulement trois à venir régulièrement en cours. Je mangeais de temps en temps avec les deux autres, mais elles étaient comme moi de caractère assez solitaire.

J'avais toujours eu du mal à me faire des amis. La première année, je sortais de temps en temps avec d'autres jeunes de Malestroit qui étaient arrivés à Rennes en même temps que moi, mais c'était devenu de plus en plus rare. Ils étaient trop fêtards pour moi. Ils buvaient tous les soirs et séchaient quasiment tous leurs cours, pour se rendre compte au moment des partiels qu'ils n'avaient aucune idée de ce qu'ils étaient censés avoir étudié.

Je n'étais pas un bon élève par défaut. Ce que je faisais m'intéressait vraiment. Beaucoup plus que les soirées beuverie, en tout cas. Cela dit, la présence de Thomas allait m'obliger à délaisser un peu mes révisions pour jouer les guides touristiques. L'idée me paraissait soudain beaucoup plus attrayante qu'elle n'aurait dû l'être. Je me rassurai en me disant que, puisque j'allais parler en allemand tout le temps qu'il serait là, c'était une forme de révision...

Le Correspondant inattenduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant