Une inconnue apparaît

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LE DETECTIVE amateur me certifia qu'il ne fallait pas retourner à Baker Street. Il craignait une embuscade. A ma grande surprise, nous prîmes le chemin de Pall Mall. Holmes m'entraîna dans l'appartement de son frère dont il crocheta la serrure de la porte d'entrée.

L'intérieur était confortable, avec des fauteuils de cuir profonds, des coffrets de liqueur exposés à toutes les tentations, des tableaux des écoles anglaises du XVIIIe siècle. Un vrai appartement de célibataire. Aucune présence féminine n'était perceptible. Je me calai dans un large fauteuil noir en poussant un soupir de soulagement. Holmes s'empara d'un flacon de cognac et nous remplit deux verres de cristal brillant.

- Il nous faut réfléchir posément. Mais j'ai besoin d'informations pour avancer. Vous allez rester ici, Watson. Je vais revenir d'ici peu.

Je me redressai violemment, une telle idée me fit bondir.

- Il en est hors de question mon cher !

- Allons Watson, soyez raisonnable. Je ne suis venu ici que pour vous mettre en lieu sûr.

- Je ne suis pas un objet dont on peut se débarrasser à la consigne.

- Watson. Vous êtes blessé. Je n'ai plus que la fin de cette journée pour comprendre comment Moriarty va tenter d'assassiner la Reine demain. Je ne peux pas veiller sur vous.

- Ce que vous dîtes est ignoble Holmes. Je ne suis plus un enfant !

- Justement, glapit Holmes, d'une voix suraiguë. Ne vous comportez pas comme tel !

Et il disparut en claquant la porte. J'eus une extrême envie de le suivre sans prendre garde à ses propos mais je lui aurai donné raison par un tel comportement infantile. Je m'assis dans un fauteuil et me préparai à ronger mon frein toute la journée.

En fait je n'eus pas à attendre trop longtemps car un évènement imprévu arriva dans les heures qui suivirent. Alors que je m'endormais doucement, assommé par le cognac que j'avais ingurgité tantôt et la fatigue, quelqu'un força la porte d'entrée et pénétra dans l'appartement de Mycroft Holmes.

Je me dressai dans la pénombre du salon où je me trouvai et attendis le cœur battant. Ce ne pouvait pas être Sherlock Holmes. Saisissant mon revolver, je me dirigeai vers la provenance du bruit. L'intrus se tenait dans le bureau personnel du frère de Holmes et semblait fouiller dans les tiroirs. J'entrai à mon tour, le plus discrètement possible et allumai la lumière. Surpris, ébloui, le cambrioleur se retourna vers moi, laissant s'échapper une pile de documents qu'il devait être en train de compulser.

- Bonjour monsieur, souriai-je, content de mon petit effet.

L'inconnu m'observait, sans rien dire. C'était un tout jeune homme, une casquette enfoncé jusqu'aux oreilles sur la tête, un habit de coupe simple. Sans nul doute, un ouvrier.

- Pourrais-je savoir à qui j'ai affaire et ce que vous faites ici ?

Il ne me répondit pas, reprenant peu à peu de l'assurance. Je songeai que je n'arriverai certainement pas à le faire parler et regrettai amèrement que Holmes fût absent.

- Mon petit, je ne suis pas quelqu'un de violent mais s'il faut en arriver là, je le ferais sans hésiter, expliquai-je, le plus calmement possible, m'efforçant de croire à mes propres paroles. Je serais contraint de vous mener à la police. J'y ai des amis hauts placés.

Le jeune homme me regarda fixement. Il avait un visage très fin, presque féminin. Un éclat de rire cristallin s'échappa de sa gorge. A ma grande surprise, il retira délicatement sa casquette, dévoilant une cascade de cheveux blonds cendrés.

Un crime à Buckingham PalaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant