L'attentat

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LA CONVICTION de l'inspecteur Lestrade ne me rassura pas, ne mit pas fin à mes appréhensions. Sherlock Holmes était capable de faire des erreurs, c'était certain, mais quelque chose me poussait à croire le contraire. Etrangement cette prémonition devint plus forte. Je me levai et fis quelques pas, abandonnant ma compagne sur le banc. Je sortis de la gare et fus surpris par la foule qui s'était accumulée en quelques minutes devant les portes. Les soldats étaient visibles partout, l'arme au poing. La nuit allait tomber, je jetai un regard à ma montre de gousset. Il était sept heures et quelques, la Reine allait bientôt arriver. Mais je n'étais pas satisfait et j'avais faim. Un mauvais pressentiment me serrait le cœur, Lestrade prenait mes avertissements trop à la légère.

Durant les quelques minutes que je passai à la porte, je vis arriver les premières voitures officielles. Chacune était encerclée par plusieurs Horse Guards, prêts à tout. En effet, on n'avait pas lésiné sur les moyens de protection. Pourtant je n'étais pas satisfait.

Soudain, je vis accourir quelqu'un dans l'ombre, un enfant. J'ouvris la porte de la gare et sortis, insensible à tous les regards de la foule posés sur moi avec insistance.

- Docteur, cria une petite voix. Vite !

L'enfant m'accosta. C'était Wiggins, le visage complètement affolé. Il avait perdu le souffle et se tenait les côtes pour essayer de le reprendre.

- Que se passe-t-il Wiggins ?

Le mauvais pressentiment était devenu plus fort, mon cœur cognait à grands coups dans ma poitrine.

- C'est M. Holmes, docteur. Il est blessé et vous réclame.

- Holmes blessé, hurlai-je, sans prendre garde à la foule. Où est-il ?

- A Whitechapel.

- Seigneur !

Je ne songeai pas une seule seconde à mes compagnons, je les abandonnai sur le champ. Holmes était blessé ! Mon appréhension était donc fondée, je n'arrivai pas à y croire. Nous mîmes plusieurs minutes à découvrir un fiacre, et j'offris un souverain d'or au conducteur pour sa célérité. J'étais au bord de l'affolement, conservant avec grande peine mon calme apparent.

- Tu dis qu'il est blessé ? Comment va-t-il ?

- Il a été descendu, il a reçu une balle.

Je ne pus que répéter un « Seigneur » et me tus, perdu dans mes pensées. Wiggins pleurait à chaudes larmes, tentant de se justifier sur son retard.

- Ca fait des heures que je vous cherche docteur. Vous n'étiez plus à Pall Mall. Je n'ai pas retrouvé votre piste immédiatement.

Je regardai le jeune franc-tireur, ne sachant quoi lui répondre.

- Vous n'avez même pas votre trousse de médecin.

Tout ceci ressemblait à des reproches mais émis par une petite voix enfantine bouleversante. J'ouvris les bras et Wiggins vint s'y coller, pleurant tout son saoul.

- Il s'était évanoui quand je suis parti et n'arrêtait pas de saigner. Il est peut-être...

Je reculai Wiggins et le regardai droit dans les yeux.

- Je t'interdis de dire ça. Il va vivre. Je suis médecin, non ?

Wiggins me fixait intensément. Des larmes chaudes me coulaient sur les doigts, il eut un pauvre sourire.

- C'est vrai, je ne suis pas mort moi.

Je lui rendis son sourire. Il était inutile de lui rappeler que sa blessure n'était que superficielle même s'il n'aurait pas fallu le laisser sans soin trop longtemps.

Un crime à Buckingham PalaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant