Un lourd passé

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LE GRAVIER de l'allée crissa sous nos pas tandis que nous remontions tranquillement l'allée de Buckingham Palace jusqu'à la grille.

- Holmes, comment avez-vous pu découvrir que le voleur était tel que vous ?

- C'est élémentaire. Je vous ai déjà expliqué dans notre "Etude en Rouge" me semble-t-il, que la taille d'un homme se calculait grâce à la longueur de ses enjambées. Nous sommes devant le même cas. L'individu que nous recherchons a accédé au bureau de la victime à l'aide du lierre qui pousse sur la façade. J'ai remarqué de nombreuses particules de feuilles de ce végétal sur le tapis. Il a fouillé intelligemment les tiroirs, les meubles, il a même été déplacer les tableaux qui se situaient à plus d'un mètre quatre-vingts. J'ai eu un peu de mal à les toucher mais je n'ai pas eu à utiliser de tabouret, donc notre homme aussi. Ainsi nous pouvons en déduire qu'il mesure ma taille à peu de choses près. Et qu'il a ma souplesse.

Je n'étais pas entièrement convaincu mais n'en laissai rien paraître.

- Mais pour le suicide ?

- Je dois vous avouer Watson que ces déductions sont un peu plus hardies. Mais, je ne pense pas me tromper. Permettez-moi de garder le silence sur mes découvertes, il est encore un peu tôt.

- Bien Holmes mais le temps joue contre nous. Vous ne pouvez pas vous permettre d'en perdre.

- Je sais, rétorqua sèchement Holmes. Sir Edward s'est suicidé et je vais vous le prouver Watson. Cocher, stoppez !

Le fiacre que nous avions repris devant le portail de Buckingham Palace s'arrêta. Baker Street était encore à quelques centaines de mètres en avant. Holmes descendit puis sans m'adresser un salut, il partit. La voiture reprit sa route pour finir enfin devant le 22I b. J'entrai dans l'appartement et rejoignis mon fauteuil. Là, je commençai à me torturer l'esprit sur cette affaire étrange et sur cette conviction de Holmes, trop fantaisiste à mon goût, et l'idée d'un échec de mon vieil ami m'apparut pour la première fois...

Plusieurs heures passèrent ainsi, midi sonna au loin. La faim me tourmenta l'estomac et au moment où j'allais appeler pour le déjeuner, Holmes réapparut. Il était couvert de boue et de poussière, ses mains étaient sales de terre, ses genoux et ses manches étaient déchirés, une de ses mains était blessée et saignait. Holmes s'assit en soupirant dans son fauteuil. Soudain, il se mit à rire avec aise pendant quelques minutes.

- Watson pour rien au monde je ne voudrais que Scotland Yard n'apprenne ce qui m'est arrivé cette matinée.

- Que s'est-il donc passé ? Qu'avez-vous fait à votre main ?

Il exhiba sa main, une magnifique estafilade en rayait le revers et saignait abondamment. En souriant Holmes se leva pour retirer son manteau déchiré.

- Si vous étiez allé vous promener ce matin près de Buckingham Palace, mon cher Watson, peut-être auriez-vous aperçu un gentleman en train d'escalader un lierre le long d'un mur. Plusieurs fois, j'ai glissé mais j'ai réussi à atteindre la fenêtre de Sir Edward. L'homme d'hier soir est réellement un acrobate.

Je pris ma trousse de médecin et commençai à soigner sa main. Quelques gouttes d'alcool et Holmes serra les dents sans rien dire, enfin un magnifique bandage entoura la blessure. Puis je sonnai pour le repas, mon compagnon devant être encore plus affamé que moi-même.

- Mon cher Holmes, vous n'avez pas passé quatre heures à grimper un lierre tout de même.

- Non, cela ne m'a pris que dix minutes, en revenant à Baker Street. J'ai passé ma matinée à Scotland Yard à éplucher les archives de la police. La police londonienne est vraiment mal organisée, rien à voir avec le système Bertillon. J'ai perdu un temps fou.

Un crime à Buckingham PalaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant