Un marché dangereux

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LA LETTRE glissa de mes mains sous le coup de l'étonnement. Je contemplai Holmes, si tranquille, et lui dis alors sur le ton le plus calme que je pouvais :

- Holmes ! Vous ne pouvez pas et ne devez pas vous y rendre. C'est certainement un piège abject, une odieuse machination. Vous risquez de vous faire tuer.

- Et si ce n'était pas un piège ? De qui parle-t-il lorsqu'il évoque quelqu'un qui m'est cher ?

- Nous sommes vraiment impuissants face à cette brute.

Holmes se tourna vers la cheminée et s'empara du tisonnier. Il remua à grands coups rageurs la cendre amoncelée dans le foyer. Le silence régna plusieurs minutes dans le salon empli d'ombres. Il me fallut ce temps pour prendre l'une des plus graves décisions de ma vie.

- Eh bien, si vous décidez d'y aller Holmes, je vous demande de me laisser vous accompagner.

Il se retourna et me jeta un regard profond.

- Il n'en est pas question Watson. Que dirais-je à votre épouse si jamais vous ne deviez pas revenir de ce rendez-vous ?

- Elle comprendra.

- Votre épouse est réellement une femme exceptionnelle si elle arrive à accepter la mort de son mari aussi facilement.

- Elle y arrivera. De toute façon la question est close, je ne supporterai pas de vous voir à nouveau blessé, voire plus, par ma lâcheté ou ma stupidité.

- Je baisse les armes Watson, mais pas de gaieté de cœur.

Il se releva et jeta le tisonnier sur le sol avec dépit.

- Nous avons besoin d'analyser la situation. Premièrement, qui est cet être cher qui manifestement a été enlevé par Moriarty et sa bande ? S'écria-t-il en traversant à grands pas la pièce.

- Votre frère ?

- Mycroft me semble amplement capable de se défendre tout seul. Il a une armée d'espions à son service.

- Votre cousine ?

- Jane est à Manchester. Enfin je crois...

Le visage de mon ami blêmit et il se jeta sur son papier à lettre. Il griffonna quelques mots sur une feuille puis sonna et confia la missive à Mme Hudson. Ensuite il s'étendit sur le divan et saisit son Stradivarius. Bientôt quelques essais malhabiles résonnèrent dans le salon sombre, bien éloignés de son style habituel.

- Watson je vous souhaite une bonne journée, me lança-t-il. A ce soir, onze heures et demie.

- Vous n'avez besoin de rien mon cher Holmes ?

- Allez vérifier si votre charmante épouse est toujours dans votre demeure. On ne sait jamais.

Il avait prononcé ces mots sur un ton désinvolte qui me fit froid dans le dos.

Sans lui répondre, je quittai le 221 b Baker Street et fonçai chez moi la peur au ventre. Dieu merci ma Mary était à la maison, en train de broder de jolis napperons de dentelle pour nos fauteuils de salon. Mon visage lui fit extrêmement peur. Elle se leva et se précipita vers moi en abandonnant son ouvrage qui tomba sur le sol.

- Que se passe-t-il James ?

- Rien. Ne vous inquiétez pas chère. Poursuivez votre tâche.

Elle ne put s'y résoudre et me soumit à un interrogatoire serré, je fis de mon mieux pour lui cacher les vraies raisons de mon angoisse. Par contre je fus bien obligé de lui avouer le rendez-vous de ce soir-là.

Un crime à Buckingham PalaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant