~24 ~ Farid

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Il n'a pas trouvé de planche adéquate. Les seuls bouts de bois qu'il aurait pu ramener sont trop ronds, trop longs ou trop salissants. S'il en avait trouvé assez, de même taille, peut-être auraient-ils pu créer un radeau ?

Il secoue la tête et fait demi-tour lorsque le soleil atteint la position du rendez-vous. Sa main vient fourrager dans ses cheveux épais alors qu'il se faufile entre les buissons pour rejoindre la clairière.

Il tombe sur le dos d'Edwina et de Shayna, assises sur une planche de bois. Que font-elles ? Le cœur battant, Farid lève les yeux et comprend instantanément où est le problème : le Prince a disparu, emmenant avec lui le corps du Cerf. Son mouvement de bouche réprobateur résonne et surprend Shayna, qui se retourne.

— Je savais qu'il n'était pas digne de confiance. Il ne vaut pas mieux que son père, qui cache de nombreuses choses.

Shayna hausse les épaules. C'est le moment que choisit Cécilia pour arriver, un bout de bois aplati dans la main. Sa planche est très étroite et n'aurait probablement pas pu soutenir le corps du Cerf, si Cerf il y avait encore à traîner. Pourtant fière de sa trouvaille, la jeune fille s'avance vers eux, le sourire aux lèvres.

— Regardez ce que j'ai trouvé ! leur annonce-t-elle avant de voir leur mine déconfite.

Son bras retombe mollement le long de son corps alors qu'elle fronce les sourcils. Son regard se porte un peu plus loin et elle lâche une faible onomatopée :

— Oh.

Farid hoche simplement la tête. Cette interjection résume assez bien leur situation.

— Mais... Si on ne ramène pas le Cerf au Palais, comment on rentre chez nous ? demande-t-elle.

Le jeune homme se fige. Il n'avait pas pensé à cela. Le Cerf était leur ticket de sortie. Il jette un coup d'œil à Shayna, attendant qu'elle prenne les choses en main, mais la jeune fille ne semble pas vouloir parler. Farid inspire profondément avant de se lancer :

— Il faut rattraper le Prince. On n'a pas le choix. Sinon, on ne retrouvera pas le Palais, et on ne rentrera pas chez nous. Et ça, ce n'est pas possible.

Prenant de l'assurance, il ajoute :

— Les chevaux sont toujours là. Il nous suffit de suivre la trace du Prince ; il sera forcément plus lent que nous, avec le Cerf à traîner.

Cécilia hoche la tête, déterminée et Edwina se relève. Elle époussette sa tunique avant de lever la tête et de le regarder. Même Shayna s'est redressé et l'observe, semblant attendre d'autres indications.

— On prend la planche, belle trouvaille.

Ces derniers mots arrachant un sourire à Shayna.

— Allez, on y va !

Shayna décroise ses jambes et il lui tend la main pour l'aider à se relever. Elle s'en empare et bondit sur ses pieds. Son caractère semble revenir.

— Allons-y, je ne le laisserai pas s'en aller comme ça, siffle-t-elle entre ses dents.

Farid esquisse un sourire, heureux de voir revenir la Shayna qu'il a connue. La jeune fille se dirige d'un pas décidé vers les chevaux. Les animaux pivotent leur large tête vers eux pour les regarder arriver de leurs yeux sombres. Les cavaliers se placent près de l'animal qui leur a été donné par le Roi, au début de leur voyage ; ils ont pris leur marque avec leur monture après des heures de chevauchée, et ne souhaitent pas en changer.

Shayna tente d'accrocher la planche à sa selle. Après quelques difficultés, elle arrive à la faire tenir sur la large croupe de sa monture. Les bords dentelés du bois se relèvent légèrement, épousant les formes de l'animal.

L'Esprit de la forêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant