Chapitre 2

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Cette journée était vraiment très étrange.

En plus d'avoir commencé tard, les élèves étaient appelés un à un pour donner leur ressenti sur ce qui s'était passé la veille, lors d'un entretien privé avec l'infirmière de l'école.

Midnight, l'héroïne interdite au moins de dix-huit ans avait été chargée d'assurer le cours d'introduction au droit héroïque, pour ne pas prendre de retard sur le calendrier du professeur Aizawa.

Je n'écoutais que d'une oreille, et sans avoir l'intention d'être indiscrète, je faisais attention au temps que prenaient les élèves à revenir de l'entretien avec l'infirmière.

C'était naïf de le penser, mais je trouvais que le ciel ensoleillé de cette matinée jurait avec les expressions dépitées de mes camarades, lorsqu'ils repassaient la gigantesque porte de la salle de classe.

Le rythme de passage était lent, et j'étais soulagée de ne passer qu'en fin de journée.

Même si mon tour est arrivé bien plus vite que je ne l'aurais voulu.

« Mon ressenti sur les événements... » Je répète après Recovery Girl, l'héroïne infirmière du lycée.

« J'ai des souvenirs plutôt clairs de l'attaque, je commence. Et je pense que ça influencera mon comportement à l'avenir... D'avoir été confrontée à ça aussi tôt dans mon parcours, j'admets sans pouvoir m'empêcher de regarder un à un les bibelots posés sur le bureau de l'infirmière.

- C'est très tôt, c'est vrai, commence-t-elle pensive. Mais tu sembles appréhender les choses avec maturité et discernements, je ne m'inquiète pas pour toi, dit-elle, aussi bienveillante qu'elle peut l'être.

- Mon père est commissaire de police alors... Je lui dis embarrassé par la confiance qu'elle avait mis dans ses mots.

- Ceci explique cela, ajoute-t-elle. Et on dirait bien que tu as marqué les esprits de certains de tes camarades et professeurs.

- Ah oui ?

- Oui, elle confirme avec un sourire plus large encore. Hier, Izuku Midoriya a affirmé que tu t'étais interposée entre Tomura Shigaraki et lui, et All Might a été surpris de te voir arrêter l'assaut du Brainless.

Elle faisait référence au vilain qui avait orchestré l'attaque du SCA, à de son monstre colossal et surpuissant qui était destiné à terrasser le symbole de la paix.

« Tomura Shigaraki » ce nom, je l'entendais une fois encore, et il me faisait serrer les dents.

Son alter m'avait terrifiée, il faisait se briser la chair comme du verre rien qu'avec un simple contact. Lorsqu'il avait refermé ses doigts sur mon bras, c'était comme-ci j'avais posé mes mains sur une clôture électrique trop longtemps. Je me suis vue disparaître dans la douleur, j'ai même regretté lâchement, l'espace d'une seconde, de ne pas avoir laissé Midoriya prendre le coup qui lui était destiné. Je n'avais jamais eu aussi mal, si bien que j'étais persuadée que mon bras était cassé. Pourtant, ça ne m'avait pas empêché de foncer tête baissée pour tenter d'arrêter le brainless quelques secondes plus tard.

Mon corps avait bougé tout seul, et même mes yeux peinaient à suivre le rythme.

Cependant,



... Je n'avais jamais été aussi lucide. 


Ça me semble juste suicidaire, avec un peu de recul.

« Au cours de ma déposition, j'avais le sentiment d'être soupçonnée... Je reprends maladroitement. De complicité peut-être...

- Qu'est-ce qui te fait croire une chose pareille ? Me demande-t-elle à se redressant soudain sur son siège trop grand pour la petite dame qu'elle était.

Elle avait l'air surprise.

Je me suis surprise moi-même, en fait. Car je n'avais pas prévu de lui dire, mais je réponds tout de même :

« De l'extérieur, on aurait pu croire que Tomura Shigaraki et le brainless m'avaient épargnée, j'explique. Lorsqu'on a compris que l'attaque visait All Might, nous avons tout de suite supposé que les vilains avaient été mis au courant de notre emploi du temps, du moins ça me paraissait vraisemblable.

- Qui entends-tu par « on » ? Me demande-t-elle de préciser.

- Sur le moment, c'est ce qu'on avait conclu avec Shoto Todoroki.

Elle prit quelques notes avant de reprendre :

« Une enquête est en court pour comprendre comment les vilains ont réussi à dégotter une telle information, me dit-elle avant de se pencher par-dessus son bureau. Tu as mal au bras ? Finit-elle par demander.

- Des fourmillements, c'est tout, je lui dis plus gênée que nécessaire. Au bout des doigts.

- Pas de quoi en faire une montagne, mais tout de même, me dit-elle sautant de sa chaise. Enlève ta veste, je vais regarder ça de plus près.

En revenant en classe, je me suis rendu compte qu'il ne restait plus que les quatre élèves qui n'étaient pas encore passés, et Eijiro Kirishima un garçon sympathique et avenant aux cheveux rouges dressés comme des piques sur sa tête. Minoru Mineta qui était ravi d'être coincé ici avec la très élégante déléguée Momo Yaoyorozu, tellement qu'il semblait ignorer le pauvre Izuku Midoriya, qui s'était assis à sa droite, sans doute pour fuir l'impatient Katsuki Bakugo, laissant sa place au sympathique garçon à la tignasse rouge.

- Je suis désolée, je me fonds en excuses en m'apercevant de l'atmosphère pesante de la scène.

- Ce n'est rien, y a pas de souci, m'assure la déléguée. On en a profité pour faire une session d'aide aux devoirs.

C'est ce qu'elle disait, mais elle avait l'air plutôt impatiente que cette journée se termine.

À peine j'eu franchi la porte, que le blond sorti sans un mot, d'une démarche assurément boudeuse.

En réalité, je n'étais pas resté plus longtemps que la plupart des élèves, mais en fin de journée tout le monde fini par trouver le temps long.

« Ce sont les maths ? Je demande, en tirant une chaise pour m'asseoir près de la table de Kirishima. Je peux aider, j'ai déjà fait l'exercice.

- Sérieux, tu vas rester t'embêter avec nous ? Me demande Kirishima.

- Jusqu'à la dernière minute, je réponds sans dissimuler ma bonne volonté. Ça ne m'embête pas, au contraire.

« Chouette ! Une fille de plus » marmonna Mineta avant d'être repris par Yaoyorozu.

Alors que nous discutons de nos méthodes de révisions, mon esprit est à la fois très ici, et très ailleurs. Je m'égarais, et au prix d'énormes efforts, me forçais à revenir de très loin pour ne pas avoir à faire répéter mes camarades. Quand le fil de la conversation m'échappait, je faisais mine d'être concentrée sur le cahier de Kirishima, si bien que je finis par ne plus en décrocher le regard.

Mais quand la conversation, fatalement, en est arrivée au sujet plus sensible de « l'attentat du SCA » comme on l'appelait dans les médias, j'ai soudainement sorti la tête de l'eau. Ça devait faire dix minutes que la déléguée avait quitté la salle, laissant son sac et ça veste sur sa chaise. Et Bakugo avait fait mine de partir jusqu'à ce que Kirishima-qui par esprit viril ne pouvait se résigner à laisser des filles prendre le train seules, l'ai persuadé de rester en lui disant qu'il lui devait bien ça.

Il me semblait que c'était Mineta qui s'était lancé en faisant remarquer l'air dépité de Midoriya à son retour de l'entretien.

« Yoyorozu a raison, reprend Kirishima. Même si les examens nous foutent une sacrée pression depuis le début, là ça n'avait rien à voir.

- Tu t'es retrouvé où pendant l'attaque ? Demande alors le garçon aux cheveux vert.

- Avec Bakugo, on a été envoyés dans un des bâtiments de la section ouragan, entouré de vilains.

- Ouais, ajoute Bakugo comme-ci cela allait de soi, je les ai tous défoncés un a un avant de venir sauver vos culs.

- Oui enfin t'étais pas tout seul, l'arrête Mineta.

- Tu peux parler, toi, la demi-portion ! S'insurge le blond.

- C'est vrai, rajoute Kirishima. Si Himejima ne t'avait pas sauvé, tu serais peut-être pas là en ce moment.

Entendre mon nom prononcé dans une telle conversation me donne l'impression d'avoir assisté à tous ces événements en tant que simple spectatrice des exploits de mes camarades. Pourtant, sur l'instant, je m'étais sentie comme le personnage principal de ma propre vie.

- J'avais besoin de l'aide de personne ! Se défend une nouvelle fois Bakugo.

- Ben voyons, commenta Mineta, ne faisant qu'ajouter de l'huile sur le feu, faisant se redresser Bakugo sur sa chaise.

- Je n'avais pas la prétention de sauver qui que ce soit, j'essai de nuancer.

Et j'ai vite fait de continuer.

- Katsuki tenait la clé de voûte de l'attaque, je ne voulais surtout pas qu'il le laisse partir, j'explique timidement. C'est plutôt comme ça que je voyais les choses sur le moment...

Ma phrase reste en suspend alors que je me rends compte que tout le monde m'écoute. Tous les regards se tournent alors vers Bakugo, et Kirishima lui sort un plat : « Pourquoi tu l'as lâché alors ? »

Le blond grimace.

« J'allais pas attendre sans rien faire !! Répond-il énervé à l'idée qu'on discute ses décisions.

- Faudrait que t'apprennes à travailler en équipe, commente Kirishima.

- Je donnerais tout pour faire équipe avec une jolie fille, ajoute le garçon vicieux aux cheveux en grappe de raisins.

Malgré la trivialité de sa remarque, il m'a tout de même mise sur une piste intéressante.

« Une jolie fille »

Ce n'est l'archétype, ni de la force, ni de la confiance.

Comme dans les films, les gens s'attendent plutôt à être sauvé par « l'homme de la situation », pas par « une jolie fille ».

Un homme comme mon père, grand, musclé, avec sa casquette de flic.

« Personne n'emprunte un pont qui n'a pas l'air solide, j'interviens pour dissiper toute mauvaise interprétation de ce que j'ai pu dire. C'était à moi de faire en sorte d'avoir l'air plus solide qu'une lycéenne face à une montagne de muscle de presque trois mètres de haut.

Un instant de silence plana dans la pièce. Brièvement, je relève les yeux vers les visages de mes camarades qui semblent plongés dans leurs pensées. C'est un instant de calme dans nos vies de futurs héros, le corps enseignant nous a bien fait comprendre, dès le début d'année, que nous n'aurions pas toujours la chance de pouvoir faire des erreurs. C'est à nous de profiter de chaque moment de répit pour réfléchir à la façon de mieux agir à l'avenir. D'autant plus, que pour un métier d'action, nos erreurs en engendre d'autre.

J'échange un regard avec celui que j'avais inconsciemment induit en erreur la veille. Je n'avais pas à prendre les paroles de ce matin pour des remerciements. Car s'il avait finalement lâché le vilain aux portails, c'était bien parce qu'il n'avait pas eu confiance en ma capacité à retenir le brainless seule. Ça n'avait duré qu'une demi-seconde avant qu'All Might ne prenne la relève, pourtant ça voulais tout dire.

Une demi-seconde, c'est le temps qu'il a fallu à mon camarade pour se dire que je ne faisais pas le poids, et intervenir en conséquence.

Pourtant, nous avons tous les deux mérité notre place dans le meilleur lycée héroïque du Japon.

Si je n'inspire pas confiance à un camarade de classe, comment les inconnus que j'ai la prétention de vouloir protéger pourraient avoir confiance en moi.

- Te mets pas dans cette état, me dit Mineta. T'es pas la seule à ne pas avoir la tête de ton alter, fait-il à l'intention de Midoriya.

Celui-ci s'offusque avant de me demander de manière très directe les spécificités de mon alter. Il sort un vieux carnet, qui avait sans doute connu des jours meilleurs, pour noter tout ce que je lui disais. Très gênée à l'idée qu'on écrive sur moi, et aussi, car c'était une première, je lui demande par curiosité si je pourrais y jeter un coup d'œil lorsqu'il aura fini, quand Yaoyorozu revient dans la salle.

« C'est pas trop tôt » souffle Bakugo, alors que derrière lui, le soleil a déjà commencé à décliner.

Devant la grille, une voiture gigantesque attend notre déléguée, qui nous propose par politesse de nous déposer chez nous.

Mais j'ai suivi l'effet de groupe qui m'a poussé à refuser, et me suis retrouvée dans cette situation gênante prendre le métro avec Kirishima et Bakugo.

Alors que je lutte pour garder le sourire, je compte les stations qui défilent.

« Alors comme ça vous êtes voisins ? Demande encore une fois Kirishima.

- Oui, nos parents sont amis, je lui explique.

- Mon paternel fait travailler sa mère au black, ajoute Bakugo.

- Quoi ?!

- N'importe quoi, elle était sous contrat ! je le contredis

- Ah ouais, t'en es sure ?!

Il semblait si sûr de lui que ça m'avait fait douter. « Pourquoi ? Ils font quoi vos parents ? Demande Kirishima.

- Mêle-toi de ce qui te regarde putain !!

- Ma mère est graphiste free-lance, et le père de Katsuki est designer, c'est de là que vient cette histoire de « travail », c'était un partenariat, j'explique. Mais nos mères nous emmenaient ensemble à la crèche.

Kirishima eu le temps de lâcher un petit rire avant de se prendre un coup de coude dans les côtes. « Et vous avez fait exprès de vous retrouver dans la même classe au lycée ? » Demande-t-il.

La question m'a paru tellement insouciante que ça m'a fait sourire bêtement.

« T'es con ou quoi ? » Lui fait Bakugo.

C'est vrai que mes parents organisaient souvent des dîners avec les Bakugo, mais jusque-là, ce n'était que les samedis soir entre parents. En fait, c'était même plus que ça, les enfants n'étaient pas conviés même si la plupart du temps, ils étaient le prétexte pour passer des soirées toujours plus arrosées.

Rien que cette année mes parents avaient fêté l'obtention de mon diplôme des collèges, la fin de mes examens d'entrée, mon admission à U.A. ; et avaient été invités par les parents de Bakugo pour les mêmes prétextes.

Et ma mère a reçu il y a deux jours l'invitation pour l'anniversaire de ce dernier.

Mon regard croise encore une fois celui de Bakugo, qui semblait attendre une réaction de ma part.

« On n'est pas aussi proche », je finis par dire à Kirishima.

Le trajet s'est fini sans que je sois plus autant au cœur de la discussion. Et j'appris que Kirishima faisait exceptionnellement le trajet avec nous pour passer chez Bakugo.

Les garçons m'ont raccompagné jusque devant l'allée de ma maison, et à peine j'eu monter la première marche en bois du perron que j'eu déjà l'impression qu'une page venait de se tourner dans ma vie.

Ou plutôt, qu'un nouveau chapitre s'ouvrait. 




...

Merci d'avoir lu jusqu'ici

Victoire TotaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant