Chapitre 5

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Le lundi matin, pour la première fois, cette année, c'est avec la lumière du jour que j'ai pris le petit déjeuné. Alors que chacun entamait sa journée à son rythme, mon père avait éteint l'éclairage de la cuisine pour profiter pleinement de la lumière rosée de l'aube.

« Il faut qu'on parle de quelque chose », m'avait-il dit. Et « prend ton temps », avait-il ajouté en désignant mon repas qu'il avait déjà préparé. Ma gorge s'était nouée d'appréhension, car habituellement, je prends plus de temps à me servir le petit-déjeuner qu'à le finir.

Sur l'écran du frigo, je pouvais voir se refléter la lumière qui sortait du bureau de mon père, à l'autre bout du salon. J'avais mangé vite, et les aliments avaient peu de saveurs à côté des questionnements qui traversaient mon esprit.

« J'ai reçu une lettre, te concernant, m'a-t-il dit en referment la porte du bureau. Elle est signée par le secrétaire d'État à l'héroïsme, c'est une proposition de prise en charge de ta formation héroïque, en partenariat avec l'Agence Nationale de la Police, détaille-t-il d'un ton grave, en posant sa main sur la mince pile de papier posée sur son bureau en bois rouge.

- Ils veulent accélérer ma formation ? Je demande d'un ton impassible.

- C'est ce qu'il semblerait, fit-il. J'ai dû trop te venter auprès de mes collègues », ajoute-t-il en me tendant une pochette bleue avec le logo de l'ANP au centre.

En l'ouvrant, je vois une note à mon nom, signée par un certain Rin Kinoshita, du bureau de la sécurité publique de Musutafu.

Dessous, un programme détaillé sur trois années, un fascicule de l'école nationale de police, mettant en avant les qualités d'un enseignement de « la rigueur et de l'excellence », et un contrat avec une page entière concernant les clauses de rémunération.

Le contenu de la pochette m'avait laissée interdite.

« C'est tôt, je finis par remarquer.

- C'est très tôt, concède mon père. Mais le monde tourne de plus en plus vite ».

Cette phrase semblait porter un tout autre sens pour lui que pour moi, et l'espace d'un instant, j'ai bien cru voir une ombre planer sur son regard.

De la tristesse, ou de la peur.

De l'amertume, c'était certain, mais elle fut balayée rapidement par une longue gorgée de café brûlant.

« Ça paraît être une bonne opportunité, je dis finalement.

- Ça l'est, répond mon père avec un demi-sourire.

- Tu aurais fait quoi à ma place ?

- Je n'aurais pas hésité une seule seconde », dit-il en dévoilant fièrement son insigne sous sa veste de costume bleu marine.

- Et maintenant que le monde a tourné ? ».

Il hésite un instant avant de répondre : « Il y a toujours des choses qu'on fini par regretter, et d'autre non, pour ce choix-là, je dirais que je suis sur du quarante soixante ».

Un instant de silence plane, et malgré la tournure encourageante des paroles de mon père, le doute s'installe.

« Le monde tourne de plus en plus vite.»

Le changement fait peur, c'est admis depuis toujours.

Mais je ne pouvais pas m'empêcher d'associer ces paroles à l'attentat du SCA.

« Si je réponds oui, je suivrai la formation de l'école de police en parallèle de celle de U.A., je remarque. Je peux demander l'avis du lycée ?

Victoire TotaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant